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Akrobeto : « Le monde serait triste sans le football »
Akwasi Boadi est acteur et présentateur télé, au Ghana. À 58 ans, celui que l’on surnomme « Akrobeto » a récemment fait le buzz sur les réseaux sociaux avec ses vidéos hilarantes où il donne les résultats de rencontres européennes. Entretien avec un homme marqué au rire contagieux.
Salut Akrobeto. Bon, on va casser le mythe pour ceux qui ne le savent pas encore : tu es acteur. Les résultats que tu donnes, c’est un sketch, même si ça reste à mourir de rire.C’est un sketch oui, mais c’est quand même un peu inspiré de la vie réelle. (Rires.)
C’est-à-dire ?En fait, c’est une partie de mon émission qui s’appelle The Real News. Dans ce show, je fais un tour de l’actualité en lisant des informations comme quand je venais d’apprendre à lire, vers 9-10 ans. J’ai toujours gardé cette mauvaise prononciation pour faire rire les gens. J’écorchais des mots, ils rigolaient et ça me plaisait d’amuser la galerie. Alors, quand on discutait avec l’équipe sur la façon dont on pourrait rendre des résultats footballistiques drôles, on a juste prolongé l’idée un peu plus loin.
Les noms des clubs, tu les prépares à l’avance ou bien c’est du feeling total ? C’est comme pour ma vie, ça sort naturellement. (Rires.) Il ne faut pas trop forcer le rire. En revanche, je ne suis pas du genre à tourner autour du pot, il faut que ça reste naturel et que ça se ressente.
Bon, on va faire un petit test. On t’a préparé les résultats du National, c’est la troisième division française. Tu es chaud pour nous les lire ?Bien sûr. Et je vais faire encore mieux : ce sera carrément diffusé dans mon émission !
La suite est ici, à 7’00 :
Solide… « Cristilitile » pour Créteil…
Merci mon ami.
Au fait, tu es fan de foot ?J’adore le foot, mais je ne sais pas y jouer ! J’ai toujours été nul, mais j’y joue quand même pour le fun. Petit, un jour, je jouais au foot avec mes copains, je me suis blessé, et ma mère m’a tellement engueulé que je n’y ai plus beaucoup rejoué derrière ! (Rires.) On n’avait pas assez d’argent pour se permettre une blessure. Plus généralement, au Ghana, tout le monde adore le football. Je ne pourrais même pas te dire comment j’ai aimé ce sport, car on a ça dans le sang. Mon équipe favorite est Kotoko, la meilleure équipe du Ghana, oui monsieur !
Tes joueurs préférés ?Forcément, je vais te dire les frères Ayew, Jordan et André ! Déjà que leur père, Abedi, est une légende pour nous, ses fils font aussi du bon travail. Thomas Partey est très bon aussi ! Quand un Ghanéen réussit, je suis fier. Abedi, ses fils, Michael Essien, Asamoah Gyan… ce sont des exemples de réussite. Tu ne traverses pas toute l’Afrique jusqu’à l’Europe pour, finalement, être mauvais. Le plus important, c’est que ce sont des modèles pour les jeunes. C’est un message qui leur montre qu’eux aussi peuvent réussir.
Quel joueur aurait un bon profil pour devenir acteur ? On peut dire qu’au Ghana, Asamoah Gyan pourrait devenir acteur. En plus d’être un très bon joueur, il est aussi là pour le show ! Il a toujours le sourire, toujours dans la bonne ambiance, les petits pas de danse, et tout ! En Europe, je dirais… Ronaldinho. C’est un excellent joueur et puis, c’est une rockstar. Tout le monde connaît Ronaldinho. Ce magicien du dribble faisait rêver les foules et c’est le plus important.
Tu mentionnes Asamoah Gyan. Impossible de ne pas penser à ce quart de finale perdu aux tirs au but contre l’Uruguay. Tu t’en souviens ?Quand Asamoah Gyan a raté son penalty, ses larmes n’en finissaient plus, même longtemps après. Un jour, je lui ai dit : « Arrête de pleurer Gyan, ça arrive à tout le monde de rater un penalty. Drogba ratait des penaltys. Ronaldo rate des penaltys, Suárez rate des penaltys… Comment il s’appelle le petit joueur, là… Messi ? Lui, aussi, il rate des penaltys. Même moi, Akrobeto, je rate des penaltys ! » (Rires.)
Comment as-tu vu le football évoluer ? Le football est un énorme business. Si un joueur fait de bonnes performances, il peut devenir très riche et très reconnu. En revanche, il ne faut pas oublier tous les sacrifices demandés. Les gens ne se rendent pas compte de tous ces efforts. Évidemment, ils ne voient que le sport, mais pas tout ce qu’il y a derrière. Le monde serait triste sans le football.
Parle-nous un peu de ton parcours. J’ai grandi à Akyim Ayeribi, dans l’est du Ghana. Petit, je n’ai pas pu aller à l’école. À l’époque, les familles les plus pauvres ne pouvaient pas se permettre d’envoyer leurs enfants à l’école. Mais ce n’est pas grave, car tout ce que toi, tu as appris à l’école, moi, je le fais aussi bien sans y être allé. (Rires.) À cette époque, mon père travaillait dans une petite ferme. Donc très jeune, je l’aidais là-bas. Un jour, un pasteur du nom d’Apostle Kwadwo Safo m’a pris sous son aile, et c’est devenu mon « Godfather », mon parrain. Il avait repéré mon petit talent pour la comédie et il m’a encouragé et aidé à persévérer dans cette voie. Plus tard, j’ai été intendant dans l’une des églises de Kwadwo Safo. Il faisait des castings pour son média. J’y suis allé et il m’a dit : « Toi, t’es un gars talentueux dans l’acting ! » Il a fait beaucoup pour moi, vraiment, et je l’en remercie.
Pour finir, on voulait rebondir sur cette improbable citation de toi : « Comme Dieu est bon, il m’a donné un gros nez. » Ah… ?
Oui, et j’ajoute qu’il me l’a laissé et m’a dit : « Prend-le, ce gros nez, ça va être une bénédiction pour toi. » Je pense qu’il ne fait jamais rien au hasard. Finalement, je suis heureux que Dieu m’ait offert un nez pareil. Est-ce que c’était dur de le porter ? Bien sûr que non ! Évidemment, quand j’étais jeune, certains me charriaient et ça me faisait de la peine. Très vite, j’ai compris que, finalement, je devais tirer avantage d’une caractéristique aussi marquée. Et j’ai réussi.
Propos recueillis par Gad Messika