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Akhenaton : « Le football, c’est l’expression populaire par excellence »

Par Arnaud Clement
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Entre deux concerts pour la fin de la tournée monstre d'IAM, l'infatigable Akhenaton, 46 ans, a réussi à composer un nouvel album solo. Malgré un temps limité pour le composer, il n'a quand même pas raté la Coupe du monde au Brésil, les frissons James ou Suárez, ni même le début de saison d'un OM qui le fait de nouveau vibrer.

Akhenaton, quelques mois après les deux derniers albums d’IAM, te voilà de retour avec un cinquième opus solo, intitulé Je suis en vie, que tu as potassé quand tu as pu en à peine trois mois, pendant la longue tournée du groupe. Pas trop dur de mêler sports co et individuel ?

C’était compliqué au niveau du temps, c’est certain. En général, j’aime être posé en studio pour faire un album et avoir le luxe du temps, chose que je n’avais pas là (Def Jam lui a proposé de faire un album solo en avril, pour une sortie à la rentrée, ndlr). Donc il y a eu des moments heureux et d’autres plus compliqués. Un petit coup de déprime, mais ça repart dès le lendemain. Je ne rentre pas dans des craintes et des paniques qui durent longtemps. Heureusement que j’ai été reboosté par ceux qui m’entouraient. Ce sont les personnes avec qui on travaille qui sont parfois beaucoup plus à même de nous parler de nous-mêmes et de nous donner la foi. Comme en sport dans une équipe d’ailleurs. Quoi qu’il en soit, c’est un album plus soul dans la manière dont on l’a composé. Il y a des références à Billie Holiday, à James Brown, des sons qui constituent l’ADN d’IAM, avec ces samples à base de soul, jazz, blues… Dans la lignée de l’héritage des musiques qui ont accouché du rap.

Du coup, à bosser comme un fou furieux, on imagine que tu as moins suivi la Coupe du monde brésilienne que les précédentes…

Pour une partie de la Coupe du monde, les poules en fait, nous étions alors en tournée en Chine, et il fallait donc qu’on se tape les matchs à minuit, 3 heures et 6 heures du mat’. Donc comparé aux autres années, c’est peut-être celle que j’ai le moins suivie, oui. Mais on a suivi la France, je n’ai raté qu’un match. J’ai aussi suivi l’Italie.

Pas longtemps…

Mais tu la suivras encore longtemps dans le futur (rires). Tu as vu toutes ces étoiles ? C’est une galaxie !

Il y a pourtant un titre qui te trahit sur ton suivi de la compète, c’est JJJAMES, un hommage à James Brown. En vrai, c’est pour James Rodríguez si tu insistes autant sur le J, non ?

C’est ça ! Un super joueur, lui. Il est venu renforcer le Real cette année, ça va être compliqué d’aller leur enlever le titre en C1… Les deux concurrents d’ailleurs, le Barça et le Real. C’en est stupide à voir tellement il y a de monde offensivement… Mais oui James, c’est un coup de cœur. Après, un mec comme Suárez est aussi très fort, malgré ce geste déplorable et condamnable, qui n’enlève en rien son talent. L’Uruguay produit un football terne, lui l’illumine. Même Cavani est un super joueur, qui ne mérite pas toutes ces critiques. Donnez-le nous, on le prend à l’OM !

On retrouve pas mal de featurings sur ton nouvel album, que ce soit avec les membres d’IAM ou avec des rappeurs US. C’est un besoin de partager le micro comme un ballon lors de vos parties de foot dans le complexe de Zizou ?

Exactement, c’est le même état d’esprit qu’en football. La culture hip hop est basée sur l’échange et le partage. D’ailleurs, tout le monde rigole avec la voix d’Oxmo qui lance l’album sur le titre Tempus Fugit, mais c’est une symbolique de ce qu’est le rap à la base. Je n’ai aucun problème avec ça, et encore moins que ça soit quelqu’un de talent comme Oxmo. On a beaucoup critiqué le rap, mais le concept du featuring et de l’échange est apparu avec notre musique, qu’on le veuille ou non. La variété US n’a fait que reprendre ça.

Tu consacres un titre à ta fille devenue ado, comme tes deux garçons, qui est aussi un message pour l’inciter à se construire comme elle veut, que ce soit avec ou sans voile par exemple…

(Il coupe) C’est un exemple de discussion que je peux avoir avec elle et plus largement avec mes enfants. C’est logique que ça soit une décision qui lui appartient car la religion est quelque chose de très personnel. Donc ce texte est une forme d’ode à la liberté. Notamment pour les femmes… Pourquoi vouloir opposer le bikini américain à la burqa ? Chacun fait comme bon lui semble…

Tu n’es donc pas comme ces papas qui refilent les couleurs de leurs clubs à leurs gosses…

(Rires) Si un peu… Mes enfants suivent le mouvement, ils ont tous le maillot de Naples, celui avec le camouflage. Même ma fille en a un ! C’est important culturellement d’être attaché à ses racines et d’avoir un profond respect pour les cultures et origines des autres. J’ai été élevé comme ça. Ils sont donc à fond derrière Naples mais aussi l’OM. L’équipe d’Italie est importante pour eux, la France aussi. C’est la somme de nos origines, je suis fier que la France gagne et que l’Italie en fasse autant. D’autant que j’ai toujours eu une neutralité en la matière.
Quand Chelsea a marqué contre Paris, on a fait une vidéo sur Happy de Pharell avec les survêtements de Chelsea

Laisse-moi deviner, toi qui nous déclarais préférer le beau jeu de Gerets aux titres de Deschamps, tu regardes beaucoup plus l’OM cette année que la saison dernière…

Ça, c’est rien de le dire… Même à New York, je n’en ai pas raté un. Je mixais et j’arrêtais quand il y avait un match comme on avait beIN Sports au studio. Et comme l’OM est souvent retransmis. C’est agréable à voir cette année, c’est clair. On concrétise nos dominations pour une fois. Il y a des années où on dominait et en face, tout le monde jouait dans les cages, y compris le diffuseur, et on finissait par prendre des buts pourris en contre. Là, tu sens une implication tactique, physique et technique de tous ceux qu’on disait trop jeunes l’an passé. Je suis content que ça paye, content des Imbula, Thauvin, Payet… J’étais heureux qu’ils viennent à l’OM l’an passé. Sauf qu’il faut tenir tout ça, avec un projet de jeu, d’implication et d’autorité que représente Bielsa. Quand quelqu’un vient entraîner le club, il faut lui donner les clés de la réussite et la possibilité de donner des ordres comme il le veut. Mais ce n’est pas propre qu’à Marseille. Regarde Monaco avec le combat de coqs entre Ranieri et la branche portugaise du club en fin de saison dernière…

Si tu dis ça, c’est que tu étais plus côté Bielsa lors des bisbilles avec Labrune il y a quelques semaines…

Étant moi-même quelqu’un qui campe sur ses convictions, j’apprécie ce que Bielsa a fait. Si échec il y a, il sait que c’est de sa faute. Si victoire il y a, c’est aussi grâce à lui. Mais il ne peut pas être en échec s’il n’a pas les clés de la réussite, par rapport au projet promis. Je pense que c’est quelqu’un de très à cheval sur ses convictions et je respecte ça profondément. Mais aujourd’hui, on vous traite de « loco » pour ça, car la société implique qu’une personne normale est celle qui se courbe, qui se plie aux règles et remet ses valeurs au placard. Je me retrouve assez dans des mecs comme lui.

Comment ça se passe si tu es devant un Caen-OM et que tu vois Gignac claquer le but décisif à la 93e, alors…

Je suis assez stoïque par nature, mais il y a des matchs à suspense qui m’ont fait me lever. Et sur ce match contre Caen, je me suis levé quand on a marqué à la fin. Quand tu es résigné depuis dix ans, que tu sais que tu marqueras jamais et que tu passes à une situation où tu peux marquer à n’importe quel moment, c’est tellement bon que tu exploses… Je l’ai même dit à mon fils qu’on allait marquer. C’est ce qui s’est passé et je me suis levé. Et pourtant, c’est rare ces dernières années… La dernière fois ? Quand Chelsea a marqué contre le PSG au printemps en Champions League, je crois (rires)… Charrier nos potes parisiens, c’est notre plaisir de groupe. On est sept à supporter l’OM, quatre ou cinq sont pour PSG. Et quand Chelsea a marqué, pour te dire, on leur a fait une vidéo sur Happy de Pharell avec les survêtements de Chelsea (rires). Non sinon, j’ai aussi bien aimé le match des Bleus contre le Portugal, et notamment celui de Mandanda. On sait tous que Lloris est indispensable. Mais à Tottenham, il s’est quand même déjà bien déchiré… On le voit pas toujours, mais franchement, c’est pas vrai ?

Les neuf pris contre Liverpool en deux matchs la saison dernière, par exemple, ça fait tache…

Mais grave ! Et contre les jambons de l’Ouest là, West Ham, on en parle aussi ?

Les Bleus jouissent d’une autre cote de popularité depuis cet été. Ça te soulage, cette diversité qui crée des sourires dans un pays où le FN et les trublions borderline du PAF n’ont jamais eu autant de relais médiatiques ?

Oui, ça me soulage, je me dis que les choses sont possibles, car comme dans le sport, on peut créer partout des dynamiques heureuses. Là, on sent des Bleus heureux de jouer ensemble. Et ce qui marche pour onze ou vingt-trois en l’occurrence, ne pourrait-il pas marcher pour des millions ? Il y a une vision de la société où on ne doit pas se séparer d’une jambe ou d’un bras, car ils ne correspondraient pas aux convictions, à ce qui est acceptable, qu’il soit question de religion, de couleurs… On entend beaucoup de conneries en ce moment de partout et on leur offre des tribunes à ceux-là en plus. Et sur Internet, c’est encore pire. Les gouvernements n’ont encore pas compris que les extrémistes de tout bord sont sur Internet, qu’ils sont partout. J’avais un truc d’organisé avec Le Monde il y a peu, et en voyant les forums et les commentaires, on aurait dit le blog de Minute. Ce sont des mecs obsédés par la communication. Et quand 15 mecs balancent 15 ou 20 commentaires et sont bien organisés, petit à petit, on arrive à ses fins…

Cet été, on a quand même vu une frange serrer les fesses et entendu des horreurs à chaque match de l’Algérie, craignant même des batailles rangées en cas de France-Algérie en quarts…

Exactement. Aussi parce qu’il y a des supporters qui n’en sont pas. Je ne vois pas l’utilité de casser, qu’on gagne ou qu’on perde. On aurait dû s’attarder à montrer des images d’interviews en Algérie, avec des gens qui ne comprennent pas ce genre de réactions et les condamnent. Je vais te dire, peut-être que les casseurs étaient les mêmes qui dansaient sous les drapeaux bleu blanc rouge en 1998. Ils ont cru en des choses, en des messages délivrés par ce qu’ont fait les Bleus et ensuite, ils ont vu Footix se barrer avec leurs illusions, dès le début des années 2000. Je suis prêt à parier que ce sont les mêmes personnes. C’est le problème de gens qui n’arrivent pas à trouver d’espace ou d’identité pour s’exprimer… Alors ils embrassent des choses peu louables car on leur en a promis d’autres qui ne sont pas arrivées.

Le jeu t’attire, on l’a compris. Les coulisses et les magouilles du pouvoir beaucoup moins. Quand tu entends parler de corruption à la FIFA, d’esclaves dans les stades du futur Mondial au Qatar, de racisme dans les tribunes, voire même de Luzenac qui ne peut monter en L2 car pas assez bankable pour les grands pontes du foot français, tu as mal à ton football ?

Oui, clairement. Pour moi, le football, c’est l’expression populaire par excellence et il faut défendre des valeurs nobles, car le peuple peut y accéder dans sa majorité. Mais quand on voit les reportages sur les tribunes en Italie, qui ne sont pas les seules gangrénées, puisque la tribune sud du Real ou les virages à Lyon, c’est la même et c’est usant. Et je parle même pas de clubs comme le Feyenoord Rotterdam ou le Zénith Saint-Pétersourg. Là, tu as carrément le Ku Klux Klan dans les gradins… Et tout ce dont tu as parlé dans ta question me désole. Peut-être pourrait-on déjà harmoniser les règles financières pour pratiquer le même football dans toute l’Europe déjà ? On arrive à se mettre d’accord pour harmoniser des trucs qui emmerdent toute l’UE, mais pas à partir du moment où ça arrange tout le monde ? Ensuite, pour les stades, pourquoi pas adopter la technique anglaise avec des caméras partout et du flicage du football qui permet de ne pas avoir de barrières en dehors des stades. C’est un débat que j’ai eu avec mon fils, le côté classe et sans violence du foot anglais. Mais comme je lui ai dit, il faut voir les divisions en dessous. C’est la guerre en D3. Des espèces de nazis, tu en trouves à tour de bras et ça s’envoie des parpaings. Par contre, c’est vrai que cette forme permet d’avoir la paix au plus haut niveau. C’est malheureux, mais bon, tu sais, un sport populaire = une foule, une masse = des cons.
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