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Qui part favori sur la ligne de départ entre la France et la Belgique ? Difficile à dire. Ça tombe bien, aucune des deux équipes ne semble vouloir de ce rôle.
C’est un Français et un Belge qui sont en demi-finales de Coupe du monde. Qui est favori ? Et là, la blague tourne court. Normal, elle n’a pas de chute et personne ne semble se mettre d’accord sur la réponse à apporter. Peut-être parce que personne ne veut récupérer la patate chaude et assumer cette étiquette de « favori » qui est plus un fardeau qu’autre chose. Mais aussi parce que même en pesant cent fois le pour et le contre de chaque équipe, impossible de dire laquelle des deux semble la mieux armée pour filer en finale. La France a pour elle l’histoire, un coach qui sait gagner et qui a déjà été champion du monde à une époque où il avait les cheveux moins blancs, et une équipe plus que balèze qui ne baisse pas facilement les yeux. Les Belges, eux, viennent de sortir le Brésil sans broncher, ont une triplette offensive en forme d’épouvantail, une génération dorée qui va bientôt rouiller, et ce côté « maintenant ou jamais » qui les rend franchement dangereux. #TÔTOUTARD, ajouterait Meunier en utilisant son hashtag gueulard et mystérieux. Dans la balance, qui est le plus lourd ? Non seulement personne ne le sait, mais en plus personne ne veut hériter de ce rôle. Et les Bleus n’ont pas attendu d’être dans le dernier carré pour rejeter soigneusement toute appellation qui ressemblerait de près ou de loin au terme « favori » .
Fifty fifty
En fait, la grande opération de désamorçage a commencé alors que l’équipe de France n’avait pas encore joué une seule seconde dans la compétition. Costume présidentiel sur le dos, Noël Le Graët avait laissé le statut de gros dur de la cour de récré à d’autres : « L’équipe de France est en progrès. Je ne pense pas que c’est la meilleure équipe du monde aujourd’hui, mais elle est en progrès. Elle est jeune. » Brassard de capitaine autour du bras, Hugo Lloris ne s’était pas montré beaucoup plus corsaire : « L’équipe de France a de l’ambition, mais on ne se considère pas comme favoris. » Affaire classée. Expédiée, même. Mais quand le débat revient comme un boomerang trois semaines plus tard, alors que les Bleus sont cette fois demi-finalistes du Mondial, il faut renouveler le stock d’arguments.
Surtout pour des Français qui n’ont pas changé leur ligne de conduite, et qui ne sont toujours pas demandeurs du statut de bête à abattre. Petite variation dans le discours malgré tout, désormais les joueurs de Deschamps ne disent plus « c’est pas nous les favoris, c’est eux » , mais « c’est ni nous ni eux » . Dans le texte, ça donne Lucas Hernandez qui ne se mouille pas : « On est à 50-50, une demi-finale, il n’y a pas de favori. » Ou encore Olivier Giroud utilisant le même élément de langage, en y ajoutant un monumental enfonçage de porte ouverte : « Pour moi, c’est 50-50. C’est une très bonne équipe, mais on a aussi une très bonne équipe. »
Chat échaudé
Des bégaiements qui arrangent bien les Belges, pas non plus fanatiques des grandes séances d’auto-glorification. Après l’entraînement dominical des Diables rouges, Nacer Chadli n’a pas prononcé le mot interdit, même s’il a affirmé sans ambages : « Quand on bat le Brésil, il ne faut plus craindre personne. Si tu crains, tu ne peux pas jouer à 100%. » La Belgique reste peut-être marquée par un passé récent qui l’a vu perdre lamentablement à l’Euro contre le pays de Galles, au cours d’un match dans lequel ils faisaient office de favoris incontestables. Toujours lors de l’Euro, dès la phase de poules, plusieurs adversaires des Belges – le gardien hongrois Gábor Király et l’entraîneur de l’Italie Antonio Conte, entre autres – faisaient même de la Belgique leur favori pour la victoire finale.
Et comme un chat échaudé craint toujours l’eau froide, deux ans après leur Euro raté, les Belges préfèrent la jouer cool. Et utiliser d’autres formules pour rappeler qu’ils ont quand même les canines bien acérées. Nacer Chadli, à nouveau : « On est une équipe qui aime dominer le match. Avec Martinez, depuis deux ans, on ne joue quasiment que comme ça. » Pas favoris, mais souverains. Un joli jeu de nuances, qui n’apporte aucune réponse à la blague du Français et du Belge qui sont en demi-finales de Coupe du monde. Une seule certitude, à la fin, il y en a un des deux qui tombe à l’eau.
Par Alexandre Doskov, à Saint-Pétersbourg