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Ajax, plus dure est la chute

Par Douglas de Graaf
5 minutes
Ajax, plus dure est la chute

Demi-finaliste sortant de C1 la saison passée, l'Ajax n'a même pas été capable de franchir un tour en C3, éliminé sans gloire par Getafe jeudi malgré sa victoire peu convaincante au retour (2-1). Après avoir côtoyé les cîmes, l'Ajax est redescendu aussi vite qu'il était monté. Une mauvaise habitude que le club d'Amsterdam avait pourtant tout fait pour éviter.

Sur la pelouse de la Johan Cruijff ArenA, tout le monde le cherche du regard. Est-il encore là, de façon latente, ou s’est-il vraiment évaporé ? Quand se décidera-t-il à cesser sa partie de cache-cache ? À qui faire appel pour le retrouver ? Lui, c’est ce jeu flamboyant de l’Ajax Amsterdam qui avait ébahi les amateurs de foot européen la saison dernière, tout en prenant à la gorge les grosses cylindrées du Vieux Continent. Un jeu qui doit son essence à la philosophie d’un club, qui s’impose spirituellement aux joueurs, que l’on soit en 1995 ou en 2020. Les hommes changent, l’esprit reste. Du moins en théorie. Car depuis plusieurs mois, un mystérieux fantôme semble avoir aspiré l’âme de cette équipe. Ne laissant après son passage que onze spectres, errant en quête d’identité ajacide. Qui, malgré la victoire contre Getafe ce jeudi (2-1), reste toujours hors de portée des joueurs de la capitale.

Qu’a-t-il donc bien pu arriver à cette équipe pour perdre autant en énergie et en inventivité ? Le succès acquis laborieusement face à Getafe ne dupera personne : l’Ajax n’a jamais pu toucher la qualification du doigt, et ce sont même les banlieusards madrilènes qui ont eu les meilleures occasions pour plier la partie (une barre et un poteau avant la mi-temps, alors que le score était de 1-1). La suite ? Un coup franc détourné dans son propre but par un défenseur des Espagnols… et puis c’est tout. Où est passé l’esprit de révolte matérialisé la saison dernière en C1 au Santiago Bernabéu contre le Real Madrid (1-2, 4-1) et au Juventus Stadium (1-1, 2-1) face à la Juventus ? Où sont passés le mouvement omniprésent, les combinaisons, les complicités, les efforts dans le contre-pressing, le football total en somme ? Pour les amoureux du club, la réponse est toute trouvée : en raison de son modèle économique et sportif, l’Ajax ne peut tout simplement pas performer sur la durée. Condamné à reconstruire en permanence, l’Ajax se situe actuellement au pied de la montagne de son supplice de Sisyphe. Rien de choquant, donc, de voir ces Lanciers new look souffrir autant de la comparaison avec leurs illustres prédécesseurs de la saison dernière.

Un cap à franchir

Mais tout de même. Si la direction du club a décidé de prendre un nouveau cap il y a quelques années, c’était justement pour soigner son instabilité chronique et refaire partie des grands sur l’échiquier européen. Plafond salarial brisé, sommes conséquentes investies sur des trentenaires (Dušan Tadić, Daley Blind), part du gâteau allouée aux jeunes rétrécie pour laisser les anciens se sustenter… Si, comme d’habitude, les diamants les plus brillants (Matthijs de Ligt, Frenkie de Jong) se sont exportés au mercato d’été pour laisser place à de nouveaux échantillons, les cadres comme Blind et Tadić n’ont pas bougé une oreille. Et ont même été renforcés par l’arrivée du vétéran néerlandais Ryan Babel (33 ans) en janvier. De plus, la saignée estivale avait été moins importante que prévue, André Onana, Nicolás Tagliafico, Donny van de Beek, Hakim Ziyech et David Neres ayant préféré jouer la carte de la stabilité.

Mais là se situe une grande partie du problème. Après un super exercice précédent, les meilleurs éléments ajacides peuvent parfois rester une saison supplémentaire. Mais jamais davantage. Et logiquement, ces fidèles pensent déjà à leur prochaine destination, quand les déçus (Ziyech et Van de Beek, étonnamment individualistes sur la pelouse) traînent leur spleen sans le cacher. Dans ce peloton, tous devraient prendre la bonne échappée cet été. Quand leur transfert n’est pas déjà quasiment bouclé.

Bien sûr, Erik ten Hag n’est pas aidé par les blessures. Outre Neres (sur la touche depuis novembre), Promes, Ziyech, Noussair Mazraoui et Joël Veltman ont tous manqué les derniers matchs en raison de pépins physiques. C’est d’ailleurs la raison principale évoquée par le technicien chauve pour justifier la période de vaches maigres de sa formation. « On sait où se situe le problème. Nous sommes privés de beaucoup de joueurs. Quelques garçons sont en train de revenir, cela nous permettra de retrouver de la créativité » , arguait-il en conférence de presse après une troisième défaite d’affilée à l’extérieur en championnat contre Heracles Almelo (0-1) le week-end dernier.

Ciel, mon infirmerie

Le problème des alertes physiques (et celui de l’apport insuffisant des recrues estivales) aurait pourtant dû être pris à bras-le-corps au mercato hivernal. Mais par manque d’anticipation, la direction sportive n’a jugé bon que de rapatrier un Babel à côté de ses pompes. Un influent éditorialiste du Volkskrant a même clairement mis en cause la compétence du staff médical de l’Ajax ( « Neres est sur la touche depuis beaucoup trop longtemps, quand Promes s’est vu indiquer un mauvais choix de rééducation : comment peut-on subir deux fois la même blessure musculaire en deux mois avec une trêve hivernale au milieu ? » ).

Des ennuis qu’un club aussi « jeuniste » que l’Ajax aurait pu atténuer grâce à ses pépites du Toekomst. Problème : si Erik ten Hag est un fin tacticien, il n’est pas réputé pour être un développeur de talents hors pair. À moins d’y être forcé (pour pallier des blessures notamment), l’ancien entraîneur d’Utrecht ne se montre pas particulièrement généreux avec Lassina Traoré, Jurgen Ekkelenkamp, Carel Eiting ou Noa Lang. Symbole de cette froide relation : le dernier cité, auteur d’un triplé lors de sa première titularisation en Eredivisie contre Twente (5-2) en décembre, a été sorti avant l’heure de jeu contre Willem-II (0-2) cinq jours plus tard en guise de punition collective. Le gamin s’est depuis réfugié à… Twente au mercato hivernal.

Très (trop) exigeant, Ten Hag oublie que ses jeunes poulains ne peuvent assumer les responsabilités qu’il demande que s’ils y ont été confrontés par petites touches auparavant, et dans un climat de confiance. Pour faire mentir leur entraîneur, les jeunes pousses (Danilo buteur, Carel Eiting deux fois décisif) se sont illustrées contre Getafe. Signe que le salut de l’Ajax réside en elles pour continuer de bluffer l’Europe. Encore faut-il qu’elles aient le loisir de s’exprimer aux Pays-Bas pour régler un AZ lui-même jeune et fraîchissant ce week-end.

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