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Ajax bat (encore) Milan !
Désolé pour les supporters rossoneri, mais c’est bien l’Ajax qui gagnera ce soir à San Siro et se qualifiera avec le Barça pour les 8es de finale. Et pis c’est tout !
Avant de chasser les marchands du Temple, de multiplier les pains, de marcher sur l’eau et de ressusciter Lazare, Frank de Boer avait déjà accompli un miracle dès sa prise de fonctions. C’était le 8 décembre 2010… Frank le Grand venait de remplacer Martin Jol (que le Diable l’emporte et le fasse rôtir en Enfer pour l’éternité) et pour son premier match à la tête des Lanciers, un déplacement à San Siro l’attendait pour la dernière journée de Ligue des champions. Et Ajax vit la lumière ! Ajax triompha du Mal (2-0) grâce à deux buts de De Zeeuw et Alderweireld (que leurs noms soient sanctifiés pendant sept siècles et demi). Depuis le bruit courut partout à Amsterdam que le Prophète était de retour. À la fin de la saison l’Ajax remporta même le championnat qu’il n’avait plus gagné depuis 2004. Mieux : Saint-Frank fit le triplé 2011, 2012, 2013 ! Qui peut douter de l’aura divine de Frank de Boer ? Personne. Massimiliano Allegri le sait. Ce soir, il devra fléchir les genoux et se soumettre à la volonté de son vainqueur. Amen.
FDB veut les 8es !
Bon, OK, la vraie histoire est un peu différente… Le 8 décembre 2010, avant de recevoir l’Ajax, Milan était déjà qualifié avec le Real et peu lui importait de gagner ou de perdre. Mais, quand même… Frank de Boer est toujours resté attaché à cette victoire à San Siro. Il avait même évoqué ce souvenir en août, lors des tirages de Ligue des champions, laissant entendre à demi-mot que l’échéance finale de ce 11 décembre, ce soir, serait cruciale pour l’Ajax. Car FDB a toujours cru à la qualif pour les 8es : c’est sur la base de cet objectif qu’il a mobilisé les siens, même après le 0-4 à Barcelone, le 1-2 à Celtic et surtout le 1-1 contre le Milan à l’ArenA… Ce nul-là, Frank l’a encore en travers de la gorge, notamment ce penalty « bizarre » octroyé à Balotelli dans les ultimes secondes des arrêts de jeu. Bien trop classe pour ne s’en prendre qu’à l’arbitre (FDB ne les critique quasiment jamais), de Boer avait indirectement regretté que ses joueurs aient manqué de vigilance et d’efficacité pour l’emporter. C’est ce degré très élevé d’exigence qui avait permis plus tard de battre le Barça (2-1) : deux buts en première mi-temps et une défense héroïque en seconde, à 10 contre 11, en attestèrent.
Hier, en conf de presse, FDB a pris un malin plaisir à enfoncer son adversaire : « Pour cette rencontre finale, la pression est sur Milan parce qu’en championnat ils sont à 22 points de la Juventus » . Traduction : ce soir, les Rossoneri pourraient tout perdre. À moins que la perspective de jouer l’Europa League enchante Barbara… D’un point de vue comptable, le Barça est en tête avec 10 points, suivi du Milan (8) et l’Ajax (7). Pour passer, un point suffit aux Italiens alors que la victoire s’impose pour le club néerlandais. Un Milan AC mal en point(s) pourrait cependant frapper un grand coup en battant l’Ajax quand dans le même temps le Barça perdrait à dom contre le Celtic : dans ce cas, le club lombard finirait en tête de ce Groupe H ! Après tout, on sait que l’ADN européen rejaillit toujours dans les veines milanaises dans les moments critiques… Du coup, FDB reste lucide. Même s’il y croit vraiment : « Milan joue à domicile et aligne une très bonne équipe. Pour moi, ce sera donc du fifty-fifty » Frank redoute Kaká et Balotelli. Le premier a signé un retour encourageant, en marquant notamment à Celtic Park (3-0), quant au fantasque Mario, il en est à 3 buts lors deux derniers matchs de Serie A. El Shaarawy, de retour de blessure, complèterait une ligne d’attaque plus que respectable. Mais ça ne servira à rien : Ajax est trop fort.
Klaassen klaxonne !
Car depuis une défaite à dom contre Vitesse (0-1) en Eredivisie, l’Ajax est tout bonnement irrésistible. Les deux succès en C1 face au Celtic (1-0) et au Barça (2-1) ont marqué les esprits en Europe. Au-delà du résultat strict, c’est la manière qui a interpellé. Comme s’il se passait quelque chose à nouveau du côté d’Amsterdam, encore un peu place forte du foot mondial… Outre le but magnifique très « Ajax style » de Schöne face au Celtic, c’est la façon dont l’Ajax a baladé le Barça en première mi-temps qui a subjugué les amateurs de ballon rond. Or, en Eredivisie, c’est la même chose : 3-0 à Nimègue, 3-0 face à Heracles, 4-0 à la Haye et 4-0 ce weekend face au NAC Breda ! Soit 14 pions en 4 matchs… Et la manière ? Pareil aussi : un rouleau compresseur permanent qui étouffe l’adversaire, le pousse à la faute. Le facteur psychologique joue aussi : on sait que cet Ajax brille en C1 alors on le craint. Les Milanais le savent aussi : contre l’Ajax, ce ne sera pas une partie de plaisir. Les Rossoneri ont tout à craindre s’ils sont privés du ballon et poussés à subir… D’autant plus que l’Ajax, un peu trop « gentil » qu’ils ont rencontré à l’aller, a musclé son jeu, comme l’a rappelé hier Bojan ( « Nous devons jouer dur face à Milan » ).
Le plus extraordinaire c’est que cette équipe d’Ajax actuelle évolue diminuée ! Elle est privée de ses deux attaquants Siem de Jong et Sigthorsson et, récemment, de son milieu Lerin Duarte, ainsi que son défenseur gauche Boilesen. Eh, bien ça gaze quand même ! La légendaire polyvalence de l’Ajax a installé Schöne, un milieu, en attaque et Daley Blind « couvre » sans problème le poste de latéral gauche ou de milieu n°6. Mais l’apport crucial dans le jeu, c’est Davy Klaassen. Polyvalence, toujours : milieu offensif et attaquant, il en est à 6 buts en Eredivisie, dont un triplé inouï samedi face au NAC. Longtemps blessé la saison dernière, il explose tout, désormais, à seulement 20 ans. Klaassen a changé le visage de l’Ajax, notamment en attaque où il a solutionné les carences devant le but. Il se bat comme un chien et il a transmis sa hargne au reste de l’équipe, devenue plus « méchante » . Davy a raconté récemment que lors de ses interminables séjours à l’hôpital, un visiteur était venu le soutenir plusieurs fois, incognito et en toute simplicité : Johan Cruyff… De quoi motiver un retour fracassant.
Cruyff, encore et toujours…
Car l’esprit de Johan 1er imprègne encore la Maison Ajax. Un de se préceptes maintes fois répétés indique le récent renouveau du club : « Quand tu as un ou plusieurs joueurs blessés, c’est une chance. Pas un handicap. Dans ce cas, ça te permet de faire jouer un jeune. » Bingo ! Frank de Boer a parfaitement géré les départs (Eriksen, Alderweireld, Babel, Boerrigter) et les blessures. Il a fait monter les p’tits jeunes en grade (Fischer, Andersen, Klaassen, De Sa, Ligeon, Veltman, Denswill) ou en installant plus durablement d’autres éléments (Serero, Hoesen, Cillessen). L’Ajax est unique ! Un vrai Phénix renaissant de toutes ses galères… Quel autre club peut lancer n’importe quel jeune dans le grand bain pour combler un trou laissé par un partant ou un blessé ? C’est ça, posséder une identité de jeu authentique : c’est la faculté d’incorporer quiconque dans un système déjà en place où l’entrant trouve sa place les yeux fermés. Un Joël Veltman totalement inconnu (21 ans) a déjà fait oublier le grand Alderweireld. Dommage que Joël soit suspendu ce soir à San Siro… Van der Hoorn, plutôt décevant cette saison, au point de n’avoir quasiment pas joué en équipe première, devrait le suppléer. À lui de jouer !
Voilà… Ce soir sera une grande soirée, peut-être un vrai grand match entre deux équipes prestigieuses qui joueront pour la victoire. Allegri l’a dit : il ne vise évidemment pas le nul, bien sûr. Grosse délégation de supporters ajacides en vue (on parle de 3000 fans). Dans les tribunes, deux grands anciens accompagneront aussi les leurs, Danny Blind (adjoint de Louis van Gaal) et ce cher vieux Winston Bogarde. Détail : c’est Jaap Stam qui s’est collé en personne à l’entraînement des joueurs sur la pelouse de San Siro. FDB, Cruyff, Blind, Bogarde, Stam… L’Ajax est une grande famille : personne ne marche jamais seul.
Par Chérif Ghemmour