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Ajaccio : la préparation d’avant-saison, cette accusée idéale ?
Avant de vaincre, mercredi, face à l’OL (2-1) dans un match courageux, l’AC Ajaccio était jugé très limité, sous prétexte d’une préparation de stakhanoviste « made in Italy ». Un peu trop facile ? En partie.
Le rendez-vous de l’AC Ajaccio, dimanche à 17 heures, à domicile face à Montpellier, n’en dira pas plus sur les chances de maintien en fin de saison des Corses. Bien trop tôt. En revanche, il pourrait permettre à Fabrizio Ravanelli de ne plus voir la presse radoter sur la préparation physique, cette grande coupable désigée du début de saison raté de l’ACA. Surtout après le match plein offert face à Lyon, avec la victoire au bout (2-1). Certes grâce à un Memo Ochoa, qui a encore joué au contorsionniste sur la ligne, ou à un réalisme offensif à faire saliver le moindre mal classé. Mais aussi de par une débauche d’énergie conséquente, qui a fait se taire, au moins un instant, ceux pour qui Giampiero Ventrone, le préparateur physique italien débarqué cet été avec Penna Bianca, et ses assistants, sont les coupables de l’entame délicate (3 points en six journées).
Les séances scrutées via des puces GPS, les repas pesés au gramme près et surtout les exercices à répétition à vous faire vomir le premier champion du monde ’98 venu, voici ce qui expliquerait donc la position de relégable après six journées du club d’Alain Orsoni. La méthode italienne et ses efforts démesurés ne sauraient évidemment tout expliquer. Comme le remarque le suiveur de l’ACA d’un grand média national, « le calendrier offert – avec le PSG, Saint-Étienne, Rennes ou Nice au programme notamment – n’a pas franchement permis de se mettre dans le bain, tout comme ce manque de constance » dans l’effort et la prestation collective avant Lyon, qui ont soit coûté un ou des buts, soit poussé les partenaires de Johan Cavalli à la défaite. Même avec un drôle d’oiseau rare sur son banc et des intentions louables de poussée vers le haut niveau, Ajaccio ne deviendra pas la Juventus en un jour.
Gilles Cometti, french touch de la philosophie italienne
Quant à cette fameuse prépapartion, elle détonne surtout par cet apport de musculation ou ces charges de travail monstrueuses, aux antipodes des méthodes françaises. Il est en effet rare dans l’Hexagone de voir en pré-saison des joueurs exécuter, par exemple, des exercices d’arrachée, cette technique haltérophile, avec des pneus de tracteur. Surtout qu’elle serait coûteuse en forces vives, en témoigne ces 15 blessures enregistrées depuis le début de saison au sein de l’effectif ajaccien, contre 18 sur tout l’exercice 2012-2013. Si une bonne préparation présente le double objectif de permettre à un groupe de durer dans le temps, mais aussi de ne pas enregistrer trop de blessure, ça laisse à réfléchir. « C’est vrai que c’est éloquent un tel ratio, il y a matière à s’interroger, même si tout dépend de paramètres comme l’âge du public » , analyse à chaud Manuel Lacroix, expert de la thématique au centre d’expertise de la performance de Dijon, aussi appelé CEP Gilles-Cometti.
Gilles Cometti, un homme de souche transalpine disparu en 2007 et basé dans la capitale des Ducs, qui a inspiré en partie une large portion de l’Italie du football dans les années 1990. Ce chercheur émérite spécialisé dans la préparation sportive, d’abord dans la musculation avant d’étendre son savoir à toutes les disciplines, va en effet subjuguer les spécialistes de la Juve, du Napoli, de Parme ou de la Fiorentina, qui viennent alors se former au CEP, aujourd’hui toujours rattaché à l’université de Bourgogne, durant cette période pour faire évoluer leurs méthodes. Sa vision ? Renverser la pyramide des efforts pour affuter le public entraîné en mettant l’accent sur la musculation et une approche qualitative pour se rapprocher au plus près du « plus vite, plus haut, plus fort » , plutôt qu’en mettant l’accent sur les efforts longs et quantitatifs propres à l’endurance. « Les médecins sont obnubilés par le cœur, je pense au contraire que l’organe essentiel est le muscle. Le football est un sport qui sollicite l’explosivité. Il faut donc une préparation basée sur la musculation et non la course » , expliquait-il au journal l’Humanité en 1996.
Ventrone, l’adepte
Quel rapport avec Ajaccio ? En cette fin de XXe siècle, Giampiero Ventrone est tellement convaincu par ce qu’il a vu lors d’une conférence de Cometti en 1989 qu’il débourse la bagatelle de 6 millions de Lires pour être le premier dans son pays à se faire traduire l’un de ses ouvrages. Une bonne part du pays lui emboîtera le pas. Ce qui se vérifie notamment aujourd’hui par un point particulier, comme l’illustre Manuel Lacroix : « Les stagiaires du diplôme universitaire de préparation physique qu’on a pu envoyer dans les clubs italiens nous ont tous fait part de un point commun : on trouve sur place des salles de musculation d’un tout autre niveau qu’ici. Et je ne parle pas des staffs beaucoup plus étoffés pour cette spécificité. » Ajaccio n’y échappe pas, avec deux assistants pour Ventrone en matière de suivi des joueurs, Stefano Bruno et Mario Rotondale. Reste une question en suspens : une préparation peut-elle nuire à la performance ?
Manuel Lacroix, le préparateur du CEP Gilles-Cometti, hésite. « C’est délicat de se fixer une telle stratégie de se fixer l’objectif d’une préparation pour n’être prêt qu’en septembre ou octobre, surtout par rapport à la pression des résultats inhérente aux médias et à l’exigence de résultat » , indique-t-il dans un premier temps en référence à la volonté affichée de Fabrizio Ravanelli de réaliser une préparation plus fournie pour tenir dans la durée, tout en étant prêt qu’à l’automne. Toutefois, il tempère son discours par le fait qu’un tel changement de méthode nécessite forcément un temps d’adaptation, exemple à l’appui : « Nous réalisons souvent des expériences auprès de sportifs des clubs professionnels que nous accompagnons. Après une séance de sprint avec traîneau pour des handballeurs de Dijon organisée un jour, on a constaté après coup énormément de courbatures et de petites lésions. Tout effort nouveau choque l’organisme et les muscles, et ça a sans doute été la même chose pour les Ajacciens, surtout que les paramètres pouvant entrer en ligne de compte dans les blessures, comme l’âge, la préparation invisible ou la malchance interfèrent aussi… » Une seule possibilité dès lors pour juger du bien-fondé du renouveau de l’AC Ajaccio : « Wait and see. »
par Arnaud Clement