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Ajaccio-Bordeaux : à fond les bastons
Avec le retour du foot, la question de la gestion des supporters redevient d’actualité. Les premiers incidents l’ont parfaitement illustré, y compris en Ligue 2 comme hier à Ajaccio. Mais les responsabilités s'avèrent plus complexes à déterminer que le simplisme sécuritaire le laisse croire...
Le déplacement des Girondins de Bordeaux à Ajaccio était particulièrement surveillé. Depuis le match contre Rodez et la poussette d’un joueur visiteur par une figure du kop, les Ultramarines se savent épiés à chaque match. Par ailleurs, un déplacement en Corse s’avère toujours compliqué pour les visiteurs, les Havrais ou les Marseillais en gardent un souvenir cuisant. Enfin, cette saison s’annonce sous des auspices particuliers concernant le monde des tribunes. Dans la perspective des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, des dispositifs sécuritaires très étendus ont été votés, qui s’appliquent aussi au football. L’usage des drones fournit un avant-goût de ces tests grandeur nature qui vont s’opérer dans les stades de l’Hexagone, pour faire oublier le fiasco de la finale de Ligue des champions entre le Real Madrid et Liverpool.
Souriez, vous être arrêtés
Dans ce contexte singulier, l’interruption de la rencontre entre l’ACA et Bordeaux lundi soir (0-0), après une dizaine de minutes de jeu, illustre déjà les limites de la politique de gestion adoptée, malgré les timides avancées préconisées l’an dernier dans le rapport Bauer (on soulignera aussi les échanges de coups entre Stéphanois à Rodez). Dans ce cas, un arrêté préfectoral avait été publié le 18 août, interdisant aux supporters bordelais de circuler ou de stationner autour du stade et dans le centre-ville d’Ajaccio et d’accéder aux infrastructures portuaires et aéroportuaires d’Ajaccio. Or, de nombreux supporters et ultras avaient déjà prévu de longue date ce déplacement, sûrement agrémenté d’un peu de tourisme. Dans un pays où la liberté de circulation demeure, restreindre de tels mouvements individuels reste problématique. Dans ce contexte, 80 Bordelais se sont regroupés à l’est de la tribune Poli, après être rentrés « camouflés ». Des heurts ont alors débuté au bout d’une dizaine de minutes avec une partie du public, des jeunes surtout. L’arbitre Gaël Angoula a décidé fort logiquement de renvoyer les deux équipes aux vestiaires. Bilan, dont il ne faut en rien minimiser la gravité après des jets de projectiles et échauffourées : huit supporters bordelais et cinq stadiers de l’ACA blessés.
[🎞️VIDEO] ⚽️ #Ligue2BKT 😮 Scène totalement surréaliste au stade François Coty ! 🏟️ Interdits de déplacement à Ajaccio, des supporters de Bordeaux font irruption dans les tribunes 👉 Et évidemment, ça tourne mal ! ❌ Match interrompu #ACAFCGB https://t.co/vHaModnnSt
— beIN SPORTS (@beinsports_FR) August 21, 2023
Le procureur de la République d’Ajaccio, présent au stade François-Coty, a immédiatement ciblé les continentaux et parlé de « provocation » avant d’annoncer l’ouverture d’une enquête pour violences aggravées en réunion. De leur côté, les dirigeants corses ont également dressé un constat sur le versant uniquement répressif : « Il n’y a qu’une seule route pour accéder au stade (..) comment les renseignements territoriaux venus de Gironde n’ont pas pu empêcher ces introductions ? » Le club bordelais en a profité pour remettre une couche sur les ultras et « le non-respect par un groupe isolé de supporters de l’arrêté préfectoral interdisant leur présence au stade Francois-Coty d’Ajaccio » et signale être « en contact étroit avec la préfecture et les délégués de la Ligue pour permettre leur expulsion, leur sanction, et salue la décision de reprise du match ». On se doute que dans ce discours, la volonté première est d’éviter de nouvelles sanctions, notamment de points retirés. La saison a d’ailleurs mal commencé. Lors de Bordeaux-Concarneau (1-0), les Ultramarines et la North Gate en étaient venus aux mains.
Une question de méthode
Toutefois, quasiment personne ne semble désireux de renverser la perspective. L’enjeu premier et unique semble de savoir comment réellement appliquer les interdictions de supporters, souvent injustifiées (parfois cassées par les tribunaux), alors que les tristes événements de lundi prouvent qu’il est quasiment impossible, même sur une île, de les empêcher concrètement. Ne serait-il pas temps d’anticiper et de réfléchir à leur meilleur encadrement et organisation ? Bref, plutôt qu’interdire et ensuite réprimer, penser la manière de gérer ça pour que tout se passe au mieux. Et le cas échéant sévir. Le parcage visiteur, le dialogue et bien sûr le sens de la responsabilisation des ultras s’avèrent être les méthodes inévitables, ce qui ne veut pas dire qu’elles sont infaillibles. Cela exige du temps et de la reconnaissance de part et d’autre. Pointer du doigt les Bordelais reste une solution de facilité. Malheureusement une tendance forte en matière de maintien de l’ordre et pas seulement dans le foot.
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