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Aitana Bonmatí, Ballon d’or de la normalité
Après deux années de règne d’Alexia Putellas, Aitana Bonmatí est venue récupérer son dû ce lundi au théâtre du Châtelet : un Ballon d’or. Seul titre qui manquait à la milieu de terrain du Barça après une saison extraordinaire.
Si chaque année, France Football se tue à entretenir le suspense des noms des gagnants du Ballon d’or, celui d’Aitana Bonmatí était sans doute le secret le moins bien gardé de la saison. Au palmarès de la joueuse de 25 ans cette saison : une Coupe du monde, une Ligue des champions, une Liga et une Supercoupe d’Espagne. Et puisque le jury s’entête à répéter que le premier critère pris en compte est celui de la performance individuelle, la milieu du Barça peut aussi se targuer d’avoir été élue meilleure joueuse du Mondial et de la Ligue des champions. En plus d’avoir déjà été nommée meilleure joueuse de l’année 2023 par l’UEFA. Une trajectoire extraordinaire pour celle qui porte le numéro de Cruyff au Barça et celui de Xavi avec l’Espagne. Un bon résumé de la joueuse qu’elle est.
AITANA BONMATI IS THE 2023 WOMEN’S BALLON D’OR!#ballondor pic.twitter.com/e1TEWWBr8C
— Ballon d'Or #ballondor (@ballondor) October 30, 2023
De l’ombre à la lumière
Plus jeune qu’Alexia Putellas, l’autre milieu star du Barça, elle a longtemps été la besogneuse, celle que l’on replace dans diverses positions pour le bien de l’équipe, sans que jamais son niveau de jeu ne s’en trouve affecté. Avant de prendre ce rôle presque box to box, capable de diriger le jeu, de tacler, mais aussi de se projeter au moment opportun pour venir ajouter son nom au tableau d’affichage. Aitana Bonmatí est du genre à se battre même quand l’Espagne en colle cinq à la Zambie, à élever le ton pour replacer ses coéquipières un peu trop dilettantes, à aller se plaindre à l’arbitre s’il faut. Ce rôle de meneuse lui a été précipitamment confié en l’absence d’Alexia Putellas, certes, mais aussi naturellement, avec son caractère bien trempé. Le même dont elle a dû faire preuve pour s’imposer au milieu de garçons quand elle était plus jeune. Grandissant sans jamais savoir si elle pourrait un jour être joueuse professionnelle – statut qui n’existe que depuis 2020 en Espagne –, elle n’a jamais lâché son rêve.
Ambitieuse, exigeante et compétitrice, Aitana Bonmatí reconnaît « souffrir » de vouloir toujours plus au quotidien. D’autant plus dans un football féminin qui ne laisse toujours pas ses actrices se concentrer uniquement sur leur travail : c’est-à-dire s’entraîner, récupérer, jouer et gagner. Quatre mots qui sonnent comme un véritable leitmotiv pour la Catalane, dont la froideur sur le terrain et sa gestion impeccable des émotions font d’elle une joueuse quasi robotique. Une machine dont la vie est régie par le foot, au point de rechigner au moment d’honorer les obligations marketing des sponsors. Au Mini Estadi, son nom n’est pas le plus brodé au dos des maillots, il n’est pas le plus acclamé lors de l’échauffement, mais il est souvent celui qui est le plus scandé en fin de match, quand après deux trois touches toujours efficaces, elle permet à son Barça de remporter la partie.
Un titre et un rêve
Son Ballon d’or est aussi celui d’une certaine normalité. Si elle représente bien une jeune génération espagnole en quête de droits humains et de respect des femmes, Aitana Bonmatí est récompensée surtout parce qu’elle est la meilleure. Faisant disparaître peu à peu le côté iconique qui serait requis pour gagner un Ballon d’or féminin tel qu’ont pu l’être ses prédécesseures Hegerberg, Rapinoe et Putellas. Celle qui habite toujours dans son pueblo de Ribes malgré sa vie barcelonaise à mille à l’heure a évidemment eu un mot pour la lutte de ses partenaires pour un football féminin digne et pour Jenni Hermoso. Mais elle a surtout eu le même air impressionné que tous ceux qui grimpent les marches du théâtre du Châtelet la première fois, avec le stress de n’oublier personne dans le discours. Et au fond d’elle, le rêve qu’un jour celle qui prendra sa place ne parlera que de football.
Par Anna Carreau