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Aïssatou Tounkara, l’atout caractère
Pour compenser le probable forfait de Griedge Mbock, Corinne Diacre pourrait titulariser dans l'axe de sa défense Aïssatou Tounkara pour l'ouverture de la Coupe du monde. Aucune raison de s'en inquiéter, la Colchonera revient de suffisamment loin pour ne pas se défiler.
Son sourire aurait été présent quoi qu’il arrive. Il y a encore une semaine, Aïssatou Tounkara pensait qu’elle en prendrait plein les yeux depuis le banc de touche, elle l’arrière axiale remplaçante et animatrice du vestiaire désignée. Sauf que pour le match d’ouverture de la Coupe du monde, la Parisienne pourrait bien se retrouver propulsée en tant que titulaire sur la pelouse du Parc des Princes, aux côtés de Wendie Renard. Une promotion de dernière minute qu’elle doit au forfait plus que probable de son amie Griedge Mbock, victime vendredi dernier d’une entorse du genou lors de la rencontre de préparation face à la Chine (2-1). Ce jeudi, Corinne Diacre se voulait rassurante sur l’état de la stoppeuse lyonnaise : « La journée de repos qu’on a laissée à Mbock a été salvatrice pour elle. » Mais en cas de défaillance, la joueuse de l’Atlético de Madrid répondra à l’appel. « J’ai déjà joué avec Griedge, Wendie et Julie(Debever), décomptait-elle. Si la coach fait appel à moi, je suis prête, j’aurai mon rôle à jouer, je pense. Je suis originaire de Paris, le fait de faire le match d’ouverture au Parc, pour moi, c’est spécial. » Spécial, inespéré, mais certainement pas immérité.
Aïssatou à gagner
Aïssatou en a bavé. Elle le grand espoir du foot français, présente en sélection depuis 2011 et la catégorie U16, championne du monde U17 avec Kadi Diani et Griedge Mbock, championne d’Europe U19, pilier des U20 et de l’équipe de France B, avant d’intégrer les A en 2016, a connu un violent coup d’arrêt dans sa progression en mars 2018. Alors que la France affrontait l’Allemagne dans le cadre de la SheBelieves Cup aux États-Unis, elle a été fauchée en plein vol par Dzsenifer Marozsán. Bilan : une double fracture ouverte du tibia fibula. Opérée sur le champ à Orlando, Tounkara se lançait alors dans une course contre la montre pour ne pas rater son rêve. « Je n’ai pas de chance. Je revenais déjà de blessure et il m’arrive ça, soufflait-elle. Mais avec le recul, quand tu penses aux mois de galère, sans pouvoir marcher normalement ou à regarder les copines jouer, tu relativises et tu te plains moins. » En effet, cette blessure a été une grande leçon pour la Titi qui a percé à Juvisy (devenu entre-temps Paris FC), après avoir grandi au Buttes-Chaumont SC, puis à Issy-les-Moulineaux.
Car l’été suivant, l’Atlético de Madrid a tenu à finaliser son transfert, alors qu’elle était convalescente, et en rééducation à Clairefontaine. « Ça n’était pas évident pour eux de miser sur une joueuse blessée. J’ai senti que l’Atlético avait vraiment envie que je vienne, remerciait-elle. Je sais que c’était un choix risqué une année de Coupe du monde de partir à l’étranger. » Ce projet lui a donné la confiance nécessaire pour revenir au plus vite. « Pas une seule seconde, je n’ai pensé que je ne pourrais pas rejouer, raconte-t-elle à L’Équipe. La première phase, c’est de réapprendre à marcher, parce que je ne savais plus. C’est seulement au bout de cinq mois, quand on retouche le ballon, qu’on sent qu’on redevient footballeuse. » Six mois après l’accident, elle était déjà de retour sur les terrains, au point de s’imposer dans la défense des Colchoneras, de remporter la Liga et être finaliste de la Coupe de la Reine, et naturellement de retrouver sa place avec les Bleues.
Ne tirez pas sur l’ambiance
Rappelée dès l’automne, titularisée au poste d’arrière gauche pour le match face au Brésil (3-1) en novembre, Tounkara a finalement grappillé plus de temps de jeu qu’escompté (673 minutes). « Le fait que la coach me rappelle si tôt, c’est sûr, ça a été une preuve qu’elle comptait sur moi, confie-t-elle à 20 Minutes. Ça m’a donné envie de faire encore plus d’efforts pour revenir le plus vite possible. » Vite et fort, au point de devenir plus qu’une solution de rechange dans l’esprit de Corinne Diacre : si Renard et Mbock conservent une longueur d’avance, « Aïssa » est devenue une candidate crédible pour s’imposer dans l’axe ou sur un côté et représente même à 24 ans l’avenir à son poste. « Après une grave blessure comme celle-là, on revient plus fort mentalement, explique Diacre. Et comme Aïssatou avait déjà une grosse force mentale, là, elle est décuplée. Je trouve aussi qu’elle a fait des progrès techniques. » Un nouveau signal fort pour cette jeune joueuse qui ne cesse de transmettre de bonnes ondes auprès de ses partenaires.
Et pour cause, Aïssatou est répertoriée comme le boute-en-train du vestiaire, celle qui lance les cris de victoire. « Moi, je parle à tout le monde, j’aime bien faire rigoler les gens. Je suis comme ça tout le temps, naturelle, confirme-t-elle à 20 Minutes. Dans chaque groupe, chacun a son rôle en fonction de sa personnalité. Moi, je suis une personne qui aime rire avec tout le monde. » Mais depuis quelques mois, elle a pris encore plus d’épaisseur, démontrant sa force de caractère et sa motivation. « Quand elle était sur la civière, elle avait déjà cette volonté de revenir et d’être prête pour la Coupe du monde, se souvient la sélectionneuse. L’équipe était choquée par les images, mais c’est elle qui remontait le moral à tout le monde. » Sa capitaine Amandine Henry n’a elle aussi que des éloges à lui adresser : « Aïssa, c’est une guerrière mentalement. Revenir à ce niveau avec la blessure qu’elle a connue, c’est fort. J’ai 100% confiance en elle » .
Par Mathieu Rollinger