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Aimar, le clown du spectacle

Par Ruben Curiel, à Buenos Aires
4 minutes
Aimar, le clown du spectacle

Il était revenu, comme avant : le sourire aux lèvres, le maillot de ses premiers amours sur le dos, et des gestes de classe intacts. Mais Pablo Aimar n'a pas tenu. Le « Payaso » a décidé de prendre sa retraite, ne s'estimant « pas à la hauteur physiquement ». Adios, Pablito.

Les plages et les parcs d’attractions attirent des milliers de touristes à Johor Darul, en Malaisie. Mais ce soir de septembre 2013, c’est un clown qui capte toute l’attention. Il a 33 ans, semble un peu fatigué, les pieds abîmés d’avoir arpenté le monde pour jouer son spectacle. Il a débuté sa carrière en Argentine, accompagné de son meilleur acolyte, Javier Saviola, surnommé « le lapin » . Puis il a traversé l’Atlantique et rejoint Valence. Le temps de faire sourire l’Espagne. Saragosse fut l’étape suivante. Là où le spectacle consiste à voir un taureau foncer sur un drap rouge, des milliers de personnes se détournaient de ce funeste cirque, pour admirer la corrida de l’homme et son ballon à La Romareda. Fatigué de répéter la même scène au même endroit, le clown a traversé la frontière et s’est installé à Lisbonne. Cinq saisons de représentations plus tard, il choisit l’exil, certainement conscient d’avoir fait son temps. Il pose alors tout sourire, comme toujours, avec l’écharpe du club de Johor Darul. Et comme toujours, sa mission sera de redonner le sourire. Cette fois, c’est dans un théâtre qui a dernièrement accueilli des matchs truqués que le « Payaso » offre ce que le monde du football imagine comme ses dernières facéties. Mais même là-bas, Aimar ne peut plus. Son corps ne répond pas. En 2014, il refuse même de rentrer à la maison, d’enfiler une nouvelle fois ce somptueux costume blanc à bandes rouges.

Un retour retardé

Après une opération au talon, le natif de Río Cuarto décide de mettre fin à son exil lucratif pour revenir à River Plate. Mais cette blessure tenace l’empêchera de fouler la pelouse de ses débuts. Une seconde opération sera nécessaire pour que le nouveau numéro 35 de River réalise le rêve de milliers de supporters. Le 31 mai dernier, Marcelo Gallardo offre un quart d’heure à son ami de toujours. Son visage poupon n’a pas changé. Face à Rosario Central, près de quinze ans après ses débuts, Aimar porte une nouvelle fois le maillot de River. La première balle qu’il reçoit se transforme en un petit pont sur Andrande, gigantesque défenseur réduit au statut de spectateur de la majesté intacte d’Aimar. À la fin de la rencontre, l’ancien international argentin déclarait : « Je voulais que mes enfants me voient jouer pour River, je ne voulais pas leur raconter que j’ai joué ici. » Pour les supporters de River Plate, ce 31 mai est l’un de ces soirs où la victoire est sublimée par un événement, comme le petit pont de Riquelme sur Yepes pour les supporters de Boca Juniors, ou comme la main de Dieu pour tout le peuple argentin. Pablo Aimar est enfin revenu. Quelques jours plus tard, il joue une demi-heure face à Liniers, en Coupe d’Argentine. Le joueur est une nouvelle fois présenté il y a quelques jours, en compagnie des recrues millonarios. Le discours est le même. Seulement, Gallardo et Aimar le savent : le meneur de jeu revient jouer dans un pays au football atrophié. Les romantiques sont partis. D’ailleurs, les supporters se sont fait une raison, et demandent dans leurs chansons de « mettre plus de couilles » ou de gagner « coûte que coûte » . Mais Pablo Aimar ne peut pas assumer l’intensité physique du football argentin. Malheureusement, il ne portera plus le maillot de River Plate. L’illusionniste a encore frappé.

Un adieu sur le terrain ?

« Coéquipiers, avant tout, je voudrais vous remercier pour le traitement que vous m’avez accordé. J’ai tout essayé pour être physiquement à votre hauteur. Mais je ne peux pas. Hier, on m’a annoncé que je ne figurais pas dans la liste de la Copa Libertadores. Et je le comprends, je ne veux pas prendre la place d’un autre. C’est pour cela que j’ai décidé d’arrêter le football. » C’est en ces mots que Pablo Aimar s’est adressé au groupe de Marcelo Gallardo. Avant la demi-finale aller de la Copa Libertadores remportée face à Guaraní (2-0), le monde « riverplatense » a arrêté de tourner pendant quelques instants. Comme sur le terrain, Aimar est lucide. Marcelo Gallardo le confirmait hier, en conférence de presse : « J’ai parlé avec Pablo, et je lui ai dit que sa condition physique n’était pas bonne pour qu’il soit inclus dans la liste. J’ai pris cette décision, et il m’a dit que je lui rendais un grand service car il souffrait. On espère qu’il reste avec nous. » Officielle à la fin de la rencontre, la retraite d’Aimar vient gâcher la fête orchestrée par un Monumental en folie. Gallardo, lui, tente de maintenir l’illusion : « Les grands joueurs méritent de se retirer sur le terrain. »
Devant sa télévision, un certain Leo Messi doit encore sécher ses larmes. Son idole vient de se retirer. Lors de la cérémonie du dernier Ballon d’or, Aimar avait enregistré un message pour le numéro dix du Barça : « Joues-tu encore avec la même passion que lorsque tu étais gosse ? » Ce à quoi Messi avait répondu : « J’arrêterais de jouer lorsque je ne m’amuserai plus. » Comme l’illustre clown de River Plate.

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