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Ahmet Schaefer : « On ne va pas devenir le Qatar de la Ligue 2 »
Depuis le jeudi 14 mars, le Suisse Ahmet Schaefer (37 ans) est le nouveau président du Clermont Foot. Le successeur de Claude Michy, qui a racheté le club auvergnat pour une somme estimée à 4 millions d’euros, arrive en France avec un projet, des ambitions, mais sans vouloir « tout révolutionner », comme il le répète souvent.
Le montant du rachat du Clermont Foot est estimé à 4 millions d’euros. Confirmez-vous ce chiffre ?Je ne peux rien vous dire à ce propos, car il y a une clause de confidentialité. Mais depuis 2017, je travaillais sur un projet de reprise d’un club en Europe. Parmi les cinq championnats majeurs (Allemagne, Espagne, France, Angleterre, Italie), c’est la France qui avait ma préférence. C’est un pays réputé pour la qualité de sa formation, avec un vrai potentiel de développement à l’international, et qui a été deux fois champion du monde. J’étais candidat au rachat de Troyes, mais cela n’avait finalement pas pu se faire. D’autres clubs m’intéressaient, dont Clermont Foot.
Les négociations ont-elles été longues ?Nous avons pris le temps nécessaire. Nous avons commencé à discuter il y a un an environ. Car Claude Michy n’était pas spécialement pressé de vendre.
Il n’était pas dans la position d’un président qui entretient des rapports compliqués avec les collectivités territoriales. Après 41 ans de présidence, il laisse un club très sain financièrement. Mais pas seulement : il a été le premier à confier à une femme, Corinne Diacre, une équipe professionnelle masculine (2014-2017). Clermont Foot partage également avec le club de rugby de l’AS Montferrand un centre de formation, ce qui doit être unique en Europe. Ce qui m’a également plu avec Clermont Foot, c’est que j’ai retrouvé de nombreuses similitudes avec mon pays, la Suisse. Le pragmatisme, un vrai sens de la discrétion, une certaine façon de travailler.
Pourquoi avez-vous voulu investir dans un club ?Je précise d’abord que j’investis seul, avec des capitaux familiaux (Ahmet Schaefer est issu d’une famille ayant réussi dans le secteur bancaire, N.D.L.R.). Je suis un passionné de football, et en 2008, j’ai rejoint la FIFA, et plus précisément le cabinet de Sepp Blatter, qui en était alors le président. J’y suis resté quatre ans, puis j’ai intégré MP&Silva, qui gère des droits audiovisuels. J’ai participé à la création de l’Arab Gulf Cup Football Federation (AGCFF, créée en 2016, N.D.L.R.), une association qui regroupe huit fédérations du Golfe persique (Arabie saoudite, Irak, Oman, Yémen, Qatar, Bahreïn, Émirats arabes unis, Koweït), et j’étais impliqué dans la stratégie commerciale, les droits télé, etc. mais je voulais m’engager financièrement dans un club. D’ailleurs, je travaille également sur des projets pour investir dans un club de Division 2 en Suisse et un autre en Europe de l’Est.
Vous investissez seul, mais vous venez bien entouré…
Oui. Je le répète souvent, je ne suis pas ici pour brûler les capitaux familiaux. Mais je viens accompagné de personnes de confiance, des amis. Il y a Jérôme Champagne, qui a travaillé à la FIFA et qui possède une très bonne connaissance du football, une grande expérience et un réseau développé. Il sera en charge de la communication, de la stratégie et du développement à l’international. Yannick Flavien, qui est également français, s’occupera de la partie financière. Et Ingo Winter (de nationalité allemande, N.D.L.R.) sera responsable du scouting. En juin ou en juillet, nous nommerons également un directeur général, qui sera français.
Le budget du Clermont Foot, en 2018-2019, est de 6,8 millions d’euros, le dix-neuvième de Ligue 2. Sera-t-il plus élevé la saison prochaine ?Oui. Mais je ne peux pas vous dévoiler son montant. Je ne suis pas venu au Clermont Foot pour tout révolutionner, et devenir le petit Qatar de la Ligue 2 française. Je vais investir par étapes. Avec un budget modeste, Pascal Gastien fait un travail remarquable. La saison dernière, Clermont Foot avait terminé à la sixième place. Cette saison encore, les résultats sont bons. L’équipe est encore mathématiquement concernée par les play-offs. Pascal Gastien, que j’ai rencontré avec son staff technique, sera encore l’entraîneur la saison prochaine. Il est la pierre angulaire du projet. C’est un formateur, un très bon entraîneur qui effectue du très bon travail avec des moyens modestes, et qui fait bien jouer son équipe. L’identité de jeu est quelque chose d’important. Une équipe qui propose un football de qualité est forcément plus attractive au moment de recruter.
Avez-vous fixé un objectif Ligue 1 ?Clermont Foot est un club bien ancré dans le paysage du professionnalisme français. Notre objectif est de disputer les play-offs tous les ans, ce qui augmentera nos chances d’accéder à la Ligue 1, d’ici trois à cinq ans.
L’effectif est-il appelé à beaucoup changer l’été prochain ?Le meilleur des recrutements, c’est de conserver ses meilleurs joueurs, et c’est ce que nous voulons faire. Clermont Foot est aussi un club formateur, et nous comptons sur nos jeunes. Nous allons aussi profiter de notre réseau, au niveau national et international.
Clermont-Ferrand est avant tout une ville de rugby…
C’est vrai. Mais il y a la place pour le football et le rugby dans une agglomération comme celle de Clermont-Ferrand. On peut tout à fait coexister. La preuve, avec le centre de formation partagé. Il y a ici un tissu industriel actif, diversifié. Je pense que nous pouvons faire monter la moyenne de spectateurs à 4000 ou 5000 en Ligue 2 s’il y a des résultats. Il y a un projet d’extension du stade Gabriel-Montpied qui a été adopté (en mai 2018, avec une capacité qui va passer de 10 800 à 16 200 places, d’ici 2023, pour un coût hors taxe de 30 millions d’euros, N.D.L.R.).
Serez-vous quotidiennement à Clermont ?Pour l’instant, je vis à Dubaï avec ma famille, mais nous allons rentrer bientôt en Suisse. Avec Jérôme Champagne, Yannick Flavien et Ingo Winter, et en attendant la nomination du directeur général, il y aura toujours quelqu’un de présent au quotidien. Ce projet, très excitant, nous demande beaucoup de travail, de voyages, mais cela en vaut la peine…
Propos recueillis par Alexis Billebault