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Ah, tiens, c’est bizarre, Zlatan a encore marqué dans un grand match !
Dimanche soir, Zlatan Ibrahimović a confirmé la grande forme de l'AC Milan depuis son retour en Italie avec un nouveau doublé contre le Napoli. Mais bon, on trouvera sans doute encore des gens pour dire qu’il ne marque pas dans les grands rendez-vous...
Ce qui est pratique avec les clichés et les fake news, c’est qu’il faut très peu de temps à ceux qui les colportent pour les concevoir, puis encore moins de temps pour les énoncer et les diffuser. À l’inverse, ce qui est terrible, c’est qu’il faut énormément de temps, d’efforts et d’énergie pour prouver aux colporteurs de fake news et de clichés qu’ils ont tort. Diverses études et théories vous expliqueront qu’une idée fausse se propage cinq ou dix fois plus vite que la réalité des faits. Le 5 novembre, alors que l’AC Milan sombrait face à un Lille épatant et qui pourrait bien être l’une des équipes frisson de la saison, Zlatan se montrait également assez discret. Sans passer complètement à côté non plus, le Suédois livrait un de ses plus mauvais matchs depuis son retour en Italie après son passage en MLS. Période qui correspond étrangement avec le retour de l’AC Milan en tête de son championnat et une série de plus de vingt matchs sans défaite. Mais bon, bref. Il n’en fallait pas plus pour que l’une des phrases les plus faciles à sortir quand on parle de football – ce qui devrait déjà indiquer qu’elle est un peu fausse… – refasse son apparition. Eh oui les ami(e)s : il y aurait une vérité absolue qui dit grosso modo que « ZLATAN EST NUL À IECH DANS LES GRANDS MATCHS !!! JE L’AI TOUJOURS DIT !!! » Depuis, le Suédois a marqué en fin de match contre le Hellas Vérone pour permettre aux siens d’arracher un nul, et a planté un doublé dimanche soir contre ce nain européen, sans âme, sans histoire, sans grandeur, sans importance, c’est bien connu, qu’est le Napoli (qui avait l’occasion de monter sur le podium de Serie A en cas de succès)…
Pour répondre à la facilité, on va prendre un critère tout aussi facile pour vérifier cette affaire : les statistiques… À 39 ans, Zlatan Ibrahimović a joué des centaines de matchs et il a marqué un demi-millier de buts. Parmi les victimes : le PSV, Valence, la Lazio, la Fiorentina, le Bayern Munich, le Real Madrid, l’Atlético, Arsenal, l’Ajax, la Juventus, le Napoli, le Barça, Chelsea, Manchester City, Liverpool, l’Inter, l’AC Milan, la Roma… Ce n’était pas des grands rendez-vous ? On fera comme si les matchs contre des équipes comme le Feyenoord, l’OL et l’OM n’étaient pas des matchs importants dans leur contexte pour ne pas parler de ses buts contre eux, mais l’ironie de l’histoire nous fera remarquer qu’il avait déjà marqué contre le LOSC par le passé. Il a aussi crucifié les gardiens de l’Espagne, de l’Allemagne, de l’Italie ou du Portugal. Ce n’était pas des grands matchs que n’importe quel joueur a envie de jouer, non plus ? On taira ses performances contre la France ou son but de taré contre l’Angleterre en matchs amicaux. Il a marqué dans tous les championnats, dans quasiment toutes les compétitions, dans de nombreuses affiches, lors de huitièmes, de quarts, de demi-finales, de finales, lors de matchs internationaux importants pour son pays. C’est un rappel des faits simple, voire simpliste – il n’y a vraiment que les buts qui comptent ? – mais qui n’a pas moins de valeur qu’asséner, solide sur ses appuis, que le Suédois passerait au travers de tous les grands rendez-vous.
Le plus dur, comme on l’a dit, ce n’est pas de répandre une idée fausse. Bien au contraire, c’est ce qui demande le moins de preuves et d’énergie. Le plus dur, ce n’est pas non plus de démonter cette idée fausse. Non, le plus dur, c’est d’y apporter de la nuance. À l’inverse de ceux qui entonnent la rengaine du « Zlatan est nul dans les grands matchs » dès que l’adversaire les arrange, personne n’affirmera que Zlatan Ibrahimović est toujours extraordinaire dans les grands rendez-vous. L’ancien joueur de l’Ajax, du Barça ou du PSG, champion des Pays-Bas, d’Italie, de France et d’Espagne, sacré plusieurs fois par le passé meilleur buteur de Serie A ou de Ligue 1 et actuellement de la sélection suédoise, onzième buteur de l’histoire de la Ligue des champions – coincé entre ces petits attaquants que sont Di Stéfano et Eusébio – est un joueur indispensable, quand il n’est pas le danger numéro 1, de chaque équipe où il passe, et il est surveillé comme tel par les joueurs du camp d’en face. Mais, malgré toutes ses qualités et son expérience, il peut évidemment passer au travers, ça arrive. Encore heureux, sinon ça fait belle lurette que tout le monde le comparerait à Cristiano Ronaldo ou Lionel Messi, et qu’on en parlerait par exemple chaque année dans les candidats au Ballon d’or (sa meilleure performance restant une 4e place en 2013) ou qu’on essaierait de glisser son nom à l’heure de dresser des classements des 10 ou 20 meilleurs joueurs de l’histoire. Chose que personne n’a ou ne fait sérieusement. Peut-être même pas lui-même, c’est dire !
Par Pierre Maturana