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Agression d’un arbitre à Melun : « Je n’avais jamais vu une telle sauvagerie »
Ciblé dimanche dernier par un groupe d’hommes souhaitant à tout prix en découdre, l’arbitre de la rencontre entre l'équipe C de Melun et Bagneaux-Nemours, comptant pour la deuxième division de district de Seine-et-Marne, a violemment été frappé et insulté. Une scène filmée et largement partagée sur les réseaux sociaux. Les témoins de cet effroyable incident racontent.
Alerte Agression ArbitreUn collègue du District de Seine-et-Marne s’est fait agressé à la fin de la rencontre. Des images qui soulèvent le cœur @FFF @UnafArbitres @UnafIdf @77Footinfos @vphulpin @BFMTV @BFMParis @lequipe @AFCAMVajda @M6 @France3Paris @francebleuparis pic.twitter.com/2lyxCklzLm
— ARBITREZ-VOUS ???? (@ArbitrezVous) March 28, 2022
« C’est six ans de travail acharné de tout un staff, dirigeants et bénévoles d’un club qui partent en fumée en 45 secondes », fulmine le président du FC Melun, Cédric Guilloso, attristé par les incidents survenus au stade Paul Fisher le week-end dernier. 45 secondes, c’est le temps d’une vidéo devenue virale où l’on voit l’arbitre de la rencontre entre l’équipe C de Melun et Bagneaux-Nemours (1-4), en deuxième division de district de Seine-et-Marne, être pris à partie par un groupe d’hommes, qui le harcèlent jusqu’aux vestiaires et souhaitent clairement en découdre. « Ce n’est pas une bagarre lambda. On a tapé un arbitre ! On a franchi la ligne rouge, et ces images tournent en boucle dans ma tête… », peste le président du FC Melun, peiné et déçu de devoir revenir sur un tel évènement. D’autant plus que ce dimanche 27 mars, c’était jour de fête.
La fête est finie
Ce jour-là, c’était l’anniversaire de Monsieur Guilloso, le père de Cédric. Membre du club depuis 1990, l’intendant était venu assister au beau succès de l’équipe première du club en Régional 2. Une victoire 3-0 contre l’Union sportive de Grigny qui a permis à Melun de conserver sa deuxième place au classement, synonyme de promotion. De l’autre côté, sur la deuxième pelouse de l’enceinte Paul-Fischer, se disputait dans le même temps la future triste rencontre entre la réserve de Melun et l’EBNSP. Alors qu’il avait rempli le frigo de la buvette pour fêter ce bel évènement avec l’ensemble des licenciés, Cédric a vu son après-midi se transformer en cauchemar la 80e minute passée. « Je n’ai pas vu le troisième but de notre équipe une, je n’ai pas pu fêter ça dans le vestiaire, et dans la buvette après le match. Parce qu’il est arrivé ce qui est arrivé… », explique le président. Un des membres du staff de Bagneux raconte. « À la fin de la première mi-temps, un joueur de Melun a été expulsé », contextualise celui qui a souhaité rester anonyme. « Le carton rouge est logique, surtout que le fautif lâche« Tu vois rien ou quoi fils de pute ? »à l’arbitre. » Contraint de sortir du rectangle vert, le Melunais a alors pris son téléphone pour « appeler ses potes du quartier », reprend le bénévole de l’équipe visiteuse, « et à partir de ce moment, c’était fini » .
Les « mecs du quartier », comme le décrit le Balnéolais, sont arrivés en nombre pour déstabiliser l’arbitre et ajouter de l’animosité à une rencontre déjà bien tendue. « Nos joueurs en ont pris plein la gueule, mais n’ont pas réagi. » Menés 1-0, les visiteurs ont même rapidement égalisé au retour des vestiaires. « Toutes les minutes, on entendait des noms d’oiseaux et des menaces de mort. J’étais choqué », raconte l’encadrant de Bagneux. Une tension qui n’a cessé de grimper avec le deuxième, troisième et quatrième buts des Rouge et Bleu. S’ensuivent des jets de bouteille, des insultes de plus en plus irrespectueuses et surtout l’entrée violente de supporters sur la pelouse. L’arbitre est alors obligé d’arrêter la rencontre et de renvoyer tout le monde aux vestiaires. « On a directement appelé les flics dès qu’on a vu que ça débordait. C’est un membre du club de Melun qui s’en est chargé. Mais je peux assurer une chose : j’ai 54 ans et je n’avais jamais vu une telle sauvagerie », affirme le bénévole de Bagneux. Pour le référent des arbitres du club de Melun, le souci vient aussi de l’accès à l’enceinte. « Tout le monde peut entrer dans le stade… À cause de ça, voilà que des idiots ternissent l’image de notre club ! », lance Tony Hamoud, justifiant les arrivées de plusieurs jeunes en T-max au moment de l’incident. Ce sont ces mêmes jeunes, ou « débiles », comme préfère les nommer Cédric, qui ont violemment frappé l’homme au sifflet, protégé tant bien que mal par un éducateur.
On ne récolte pas forcément ce que l’on a semé
Bien qu’on le voie s’empresser d’ouvrir le vestiaire des arbitres sur la vidéo (en pull et short bleu, NDLR), le président est arrivé trop tard au centre de la foule pour expliquer quoi que ce soit. « Je ne peux pas affirmer tous ces faits. D’abord parce que je ne veux pas y croire, mais surtout parce que j’attends le rapport de l’arbitre et la commission de discipline pour agir. » En attendant, Cédric essaye de répondre à toutes ses interrogations en échangeant auprès des joueurs. Pourquoi ? Qui ? Comment ? « J’ai besoin de savoir. J’ai le film, mais pas les détails. » Avant de démêler le vrai du faux, le président avait eu une tout autre réaction dimanche dernier. « J’étais tellement énervé et surpris que je suis parti à Leroy-Merlin acheter du terreau pour refaire ma pelouse. J’ai vidé les dix sacs et ça m’a vidé la tête », raconte Cédric. Toujours aussi abasourdi deux jours plus tard, il tente enfin d’expliquer ce genre de comportement en pointant du doigt les évènements récents venus entacher la vitrine du football français : « Quand on voit les instances de la Ligue professionnelle cautionner une certaine violence en rejouant les matchs où il y a des situations dangereuses, il ne faut pas s’étonner de retrouver ça dans le monde amateur. Je vais peut-être loin, mais quel message envoie la Ligue 1 avec ce genre de décision ? » Avant que les instances répondent à ces questions, il y en aura d’autres à éclaircir dans les prochains jours à Melun, mais plus globalement sur le sort réservé au corps arbitral sur toutes les pelouses hexagonales.
par Matthieu Darbas
Tous propos recueillis par MD.