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Agassa : «Les joueurs du passé viennent nous voir»
Ce soir, le Stade de Reims se déplace à Bastia pour le choc de cette 24e journée de Ligue 2. Le premier reçoit le second. Jadis élevés au firmament du football français, les Rouge et Blanc pourraient rapidement retrouver leurs lettres de noblesse. Le portier rémois, Kossi Agassa, l’un des tout meilleurs de la division, fait les présentations.
Alors, prêt à en découdre face à Bastia ?
Ce ne sera pas un match facile, c’est certain. Mais on le sent bien. Nous restons sur une bonne dynamique et une victoire à l’extérieur contre Monaco (0-1). Certes, en Corse, le contexte est un peu différent : l’atmosphère y est un peu plus chaude. Mais personnellement, j’y suis allé avec Metz, en Ligue 1 en plus, et tout s’est très bien passé. Pour nous, à Reims, seul le terrain compte. On y va pour faire un résultat. Prendre 1 point, ça serait pas mal !
Avec 41 points dans les valises, vous êtes seconds du championnat à six unités du quatrième. En clair, la Ligue 1, c’est pour bientôt…
Non ! Notre objectif, c’est le maintien.
Encore aujourd’hui ?
Au club, il n’y a jamais eu de changement de ce côté-là. Nous devons atteindre la barre des 45 points et ensuite, seulement après, on pourra peut-être espérer autre chose. Mais je vous l’accorde, on y est presque.
Votre rendement à domicile est juste incroyable : 9 victoires en 10 matchs ! Entre nous, qui est le saint protecteur du stade Auguste Delaune ?
Je crois que nous sommes la seule équipe française professionnelle à avoir cette dynamique. Comment l’expliquer ? Je ne sais pas. Cet été, nous avons commencé une semaine avant les autres et depuis, tout le monde est à la page : prendre un maximum de points à domicile. Moi je n’y étais pas, mais en National, après la descente, (saison 2008/2009, ndlr) les dirigeants, le staff et les joueurs se sont dit qu’il fallait changer leur manière de voir les choses. Tout le monde s’est alors bien organisé pour former un groupe de qualité. Depuis, l’effectif n’a pas trop bougé. Il doit mûrir encore un peu mais vous savez, un club, ça se construit en 5, 6 ou 10 ans. Petit à petit. Et à Reims, c’est de mieux en mieux…
Toi, dans 10 ans, dans quel stade te donnera-t-on rendez-vous ?
Dans 10 ans ? J’aurais déjà arrêté le football. J’ai bientôt 34 ans vous savez. Et pour la suite, on verra…
Oui mais à 33 ans et des poussières, ce ne serait pas la meilleure saison de ta carrière ?
C’est ce que disent les gens. Et à vrai dire, je ne peux pas dire le contraire. Quand j’étais jeune, à Metz, je n’ai pas beaucoup joué. C’était dans la mentalité de la maison de mettre sur le terrain les jeunes formés au club, comme Ludovic Butelle. Après, avec l’arrivée de Grégory Wimbée, c’est l’expérience qui a parlé. Toutes ces années m’ont aidé à grandir dans ma tête. Aujourd’hui, à Reims je me sens bien. J’aime bien la ville : ça n’est pas trop grand, pas trop petit, pas trop loin de Paris. Surtout, je ne suis pas blessé, une première cette saison ! Quand tu joues tous les jours, les performances viennent d’elles-mêmes. Et si à 34 ans je ne joue pas, quand est-ce que je jouerai !
Le Stade de Reims est un club chargé d’histoire : six titres de champion de France et deux fois finalistes de la Coupe des clubs champions contre le Real Madrid. Le poids du passé est-il toujours présent, voire pesant au sein du club ?
Non pas du tout. Les joueurs du passé viennent nous voir jouer de temps en temps. Certains d’entre eux se déplacent aux matchs, aux entraînements, aux manifestations organisées par le club, comme à l’anniversaire des 80 ans du Stade de Reims en fin d’année dernière. Just Fontaine ou Raymond Kopa, oui je les connais bien. Ils nous apportent leur soutien, nous donnent des conseils. Ça fait du bien !
Comme Raymond Kopa, tu es parti faire un tour en Espagne. Bon, pas au Real Madrid…
J’ai joué deux saisons à Hercules Alicante. C’était une période un peu délicate. L’Espagne, c’est pas pareil ! Je ne parlais pas la langue et je n’ai pas joué du tout. L’entraîneur qui m’avait recruté s’est rapidement fait virer. Pis, ils en ont changé trois fois quand j’y étais ! Après quatre ans et demi passés à Metz, je voulais juste aller voir ailleurs, voir ce qu’il s’y passe. Mais bon, la France, c’est ce qu’il y a de mieux pour moi.
On dit vulgairement que Raymond Kopaszewski, fils d’immigré polonais, est la preuve vivante que le football peut être une chance de promotion sociale. Qu’en penses-tu ?
C’est ce que je vous disais, ça fait 10 ans que je vis en France ! J’ai quitté le Togo pour ce pays. Donc, oui, c’est vrai.
Tu étais dans le bus de la sélection togolaise attaqué par des rebelles de la province de Cabinda, en marge de la CAN 2010 organisée Angola. Quels souvenirs gardes-tu de cette tragédie ?
En sélection, j’avais pris l’habitude de m’asseoir au fond du bus. Et de là, tu ne vois rien ! On s’est tous jetés sous les sièges. Tu sais juste que t’es au milieu de la forêt, ça tire de partout, il y en a qui pleurent, qui sont blessés, mais tu ne comprends rien. Moi aujourd’hui, c’est bon, c’est passé. On est venu me voir pour me demander de porter plainte, mais ça ne sert à rien.
Mais porter plainte contre qui ?
C’est la question que je me suis posée ! Porter plainte contre les rebelles, la Confédération africaine de football ou la fédération togolaise ? Je n’ai jamais trouvé la réponse. C’est terminé, il faut tourner la page.
T’as suivi cette édition de la Coupe d’Afrique des Nations ?
Bien sûr. Tout le monde dit que la victoire de la Zambie est une surprise. Bon déjà, rappelons que les gros ne se sont pas qualifiés. Mais moi je l’ai jouée cette sélection de Zambie, plusieurs fois, et je peux vous dire que c’est une excellente équipe, qui vit ensemble, avec un très bon groupe.
Les Éperviers togolais ne se sont pas qualifiés pour cette phase finale. Que s’est-il passé ?
Non, et tant mieux ! Vous savez, il y eu le problème de 2010, la fusillade et tout ça. Nous n’étions pas prêts dans nos têtes. Même moi ! Désormais, il faut oublier tout ça. Emmanuel Adebayor est revenu en sélection : c’est une très bonne chose pour le Togo. Lui et moi avons pris de l’âge. Nous sommes les cadres de l’équipe maintenant. Désormais, c’est à nos dirigeants de nous constituer une bonne préparation et un bon groupe pour pouvoir bien préparer la CAN 2013.
Pour ensuite enchaîner par la Coupe du Monde 2014…
Non, notre objectif c’est la CAN 2013. Après, c’est sûr, si on peut partir au Brésil…
Mais si tu devais choisir entre la montée en Ligue 1 avec Reims et une qualification en Coupe du Monde, quel serait ton choix ? Pas de joker possible.
Je suis obligé de choisir ? La montée en Ligue 1. J’ai déjà fait une Coupe du Monde en 2006. Il y a eu de bonnes et de mauvaises choses, mais ce fut une bonne expérience. Et puis quand les gens t’arrêtent dans la rue, ils ne te parlent que de cela… Mais la montée, c’est aussi un palmarès. Si on y arrive, ça va rester !
Propos recueillis par Victor Le Grand