- Mondial 2023
- 8es
Afrique du Sud, Jamaïque, Nigeria : l’envers des exploits
Parmi les seize nations restantes dans ce Mondial 2023, trois font office de surprise à ce stade de la compétition : la Jamaïque, le Nigeria et l’Afrique du Sud. Outre l’inattendue performance sportive, ces trois nations possèdent beaucoup de points communs, notamment la difficulté à parvenir à jouer cette compétition. Ambiance.
L’hiver australien aurait bien pu être privé de trois nations qui sont parvenues à se hisser en huitièmes de finale. La Jamaïque, le Nigeria et l’Afrique du Sud n’étaient pas vraiment des formations attendues à ce stade dans cette Coupe du monde. Si sportivement, les trois formations ont surpassé toutes les attentes, côté institutionnel ce n’est pas la liesse. Comme le rappelle The Athletic : « Ne vous y trompez pas : le Nigeria, l’Afrique du Sud et la Jamaïque sont qualifiés pour les huitièmes de finale de la Coupe du monde en dépit de leurs fédérations, et non grâce à elles. »
La Jamaïque, un crowdfunding pour aller au Mondial
Adversaire de la France lors de son entrée en lice dans la compétition, la Jamaïque a réussi à se qualifier pour la phase à élimination directe sans encaisser le moindre but, mais en en inscrivant un seul, face au Panama. Deuxièmes, derrière les Bleues, les Reggae Girlz ont pourtant débuté le tournoi bien avant ce mois de juillet 2023. Comme rapporté par le média britannique ABC News, l’équipe a dû se tourner vers des initiatives de crowdfunding, tout en sollicitant le gouvernement jamaïcain et son sponsor, Adidas, pour aider à financer ses camps d’avant-tournoi et son voyage vers l’Australie. Outre le manque de moyens, la sélection n’existait tout simplement plus jusqu’en 2014, date à laquelle Cedella et Rita Marley, la fille et la veuve de Bob Marley, interviennent financièrement afin qu’elle puisse participer aux éliminatoires du Mondial 2015.
« Je n’avais jamais entendu parler du fait que la Jamaïque possède une sélection féminine, expliquait Cedella Marley dans une interview accordée au média espagnol Panenka. Elles avaient besoin de beaucoup de choses : nutrition, formation, visibilité. Ce fut un travail d’équipe […] Nous avons ouvert des comptes sur les réseaux sociaux pour faire connaître l’équipe. Nous avons même pris en charge les déplacements et la logistique des stages de préparation. » Ce qui confirme un peu plus l’exploit des Reggae Girlz, comme en témoigne la célébration du sélectionneur Lorne Donaldson, qui aura encore une belle occasion d’exploser de joie mardi prochain en cas de nouveau miracle face à la Colombie, qui aura pour mission de marquer au moins un but à cette solide sélection jamaïcaine.
💫 Icónico Lorne Donaldson, que celebraba así el hacer historia con Jamaica
🎥 @HerFootballHubpic.twitter.com/98TedxWWGS
— Era Fútbol Femenino (@Erafutbolfem) August 2, 2023
Le Nigeria, envers et contre la Fédé
Un peu plus attendu et donc moins surprenant, le Nigeria a tout de même signé un petit exploit en sortant premier d’un groupe comportant l’Australie, hôte de la compétition, le Canada, champion olympique en titre, et l’Irlande. Pourtant, la préparation des Super Falcons est loin d’avoir été un long fleuve tranquille. Selon The Athletic, les joueuses sont impliquées dans un conflit avec la Fédération nigériane de football (NFF) depuis de nombreuses années. Le conflit est monté d’un cran lorsque le secrétaire général de la Fédération, Mohammed Sanusi, a expliqué que la NFF ne verserait pas aux joueuses les primes qui leur avaient été accordées au préalable face à la promesse de la FIFA de garantir à chaque joueuse une prime d’au moins 30 000 dollars pour sa participation au tournoi. Outre les questions pécuniaires, ABC News précise que la préparation a été rendue difficile par l’annulation de stages et de matchs amicaux.
Des tensions avec les joueuses, mais aussi avec le sélectionneur, Randy Waldrum, lui aussi en bisbille avec la Fédération nigériane. La raison ? Les moyens insuffisants mis à disposition de la sélection, bien sûr. S’ajoute à toutes ces difficultés le fait que l’adjointe de Randy Waldrum, l’Américaine Lauren Gregg, aurait été empêchée de rejoindre l’équipe pour la Coupe du monde pour avoir soutenu le combat menée par les joueuses. Une drôle d’ambiance renforcée par les mots doux prononcées par Ademola Olajire, le directeur de la communication de la NFF, à l’encore du sélectionneur, qualifié de « grande gueule incompétente » et de « pire entraîneur à avoir dirigé les Super Falcons du Nigeria ». Une cascade de péripéties qui a eu le mérite de souder le groupe, alors que les Nigérianes ont menacé de boycotter le match d’ouverture face au Canada pendant un temps. Sans que cela n’aille jusqu’au bout, notamment grâce à des discussions entamées avec la FIFPRO, le syndicat international des joueurs et joueuses. « Je suis très fier de ces joueuses, car beaucoup de gens n’y croyaient pas, savourait Waldrum. La force de notre succès sera l’unité de l’équipe. » Il en faudra pour terrasser l’Angleterre, l’un des favoris de la compétition, en huitièmes de finale.
Une organisation caritative pour payer les Banyana Banyana
Puisqu’il est question de galères, l’Afrique du Sud a également été servie avant la Coupe du monde, dans laquelle elle a vibré en arrachant sa qualification au bout du bout du temps additionnel contre l’Italie pour sa première participation à la grande fête du ballon rond. Là encore, c’est une histoire de conflit avec la Fédération. Quinze jours avant le début du tournoi, un différend entre les joueuses et la Fédé a eu lieu au sujet… du paiement des salaires, comme l’a révélé The Athletic. Ce qui a entraîné l’interdiction pour l’ensemble de l’équipe première de participer au match amical de préparation contre le Botswana, prévu le 2 juillet. Ce sont des joueuses du championnat local qui ont été appelées pour disputer cette rencontre, dont une joueuse âgée de 13 ans, afin d’éviter une éventuelle amende pour forfait. Pour quel résultat ? Une défaite 5-0 de l’Afrique du Sud, sans grandes conséquences ni grands enseignements pour le Mondial.
"They've made history and that is frickin' amazing" 🥹
This interview from #RSA manager Desiree Ellis 👏 #FIFAWWC pic.twitter.com/RB3JF9HQB0
— BBC Sport (@BBCSport) August 2, 2023
Pour calmer cette fronde naissante, il a fallu que la Fondation Motsepe, une organisation caritative africaine liée au président de la Confédération Africaine de football Patrice Motsepe, fasse un « humble don » à l’équipe. Toujours selon The Athletic, la directrice générale de l’entité, Precious Moloi-Motsepe, a confié qu’elle se sentait « obligée » d’aider l’équipe après avoir été contactée par la fédération comme dernier recours. Une histoire de petits et de gros sous qui n’a pas empêché les Sud-Africaines de réaliser le plus grand exploit de leur histoire, portées par la sélectionneuse Desiree Ellis, ancienne internationale des Banyana Banyana. Il faudra être encore un peu plus fortes et renversantes pour sortir les Pays-Bas, dans la nuit de samedi à dimanche.
par Léna Bernard