- Affaire de la sextape
Affaire de la sextape : here comes the judge !
La cour de Versailles a validé l'enquête concernant la tentative de chantage « à la sextape » exercée à l'encontre de Mathieu Valbuena. Elle ouvre donc directement la voie à un procès courant 2017. Cette décision attendue ne s'avère pourtant pas si anodine, car parmi les personnes poursuivies – et toujours présumées innocentes – se trouve évidemment Karim Benzema. Or le retour en équipe de France de ce dernier, ou tout simplement sa reconquête de l'opinion, suppose qu'il soit lavé d'abord de toutes les accusations – et plus largement suspicions – pesant sur lui.
La nouvelle tombe mal pour Karim Benzema. Les Football Leaks avaient révélé que, parmi de nombreuses stars à crampons plutôt fâchées avec la géographie fiscale, le Madrilène avait poussé le civisme jusqu’à payer dans son pays ses impôts sur ses fameux droits à l’image. De quoi redorer son blason et prendre le contre-pied du portrait de vilain petit canard du foot tricolore. Or voilà qu’aujourd’hui revient sur le devant de la scène cette malédiction de « la sextape » . En déposant plainte, Mathieu Valbuena a certes quelque part brisé une vieille habitude de « régler » cela en « famille » , ce que beaucoup, y compris à la Fédération, lui ont ensuite reproché. Une opprobre qui n’est donc pas près de disparaître au-dessus du Lyonnais en pleine renaissance sportive.
La décision de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Versailles peut pourtant d’abord se lire comme une simple étape procédurière dans le marathon juridique lancé avec la mise en examen des principaux accusés dans cette tentative de chantage. La seule surprise finalement tient dans la demande auprès du juge d’instruction d’ajouter Djibril Cissé parmi cette liste. Il avait été blanchi par la victime – « Pour ce qui me concerne, je n’ai rien à reprocher à Djibril qui s’est conduit en ami, en tentant de m’aider » – et même une première fois par le Parquet qui avait refusé pareille requête. L’ex-Marseillais va donc devoir lui aussi affûter ses arguments et trouver les bons mots – car ici nous sommes bel et bien face à une histoire « orale » – pour convaincre les magistrats de sa bonne foi.
Le poison des écoutes
Un autre point essentiel doit être signalé. En confirmant ainsi l’enquête, malgré la demande en annulation de Karim Benzema, Mustapha Zouaoui, Younes Houass et Karim Zenati, la justice a laissé surtout les fameuses écoutes téléphoniques (critiquées, car pour certaines « à l’initiative » d’un policier se faisant passer pour un représentant de Mathieu Valbuena) dans le dossier. Ces enregistrements constituent les plus lourdes preuves à l’encontre des accusés. Elles formeront notamment le principal problème à désamorcer pour la défense de Karim Benzema lors du procès – s’il a lieu, puisqu’il semble que Serge Money, avocat de Mustapha Zouaoui, laisse planer l’éventualité d’un pourvoi en cassation. Rendues partiellement publiques par les médias, et déjà donc dévastatrices pour l’ancien Bleu, elles seront, de par les sous-entendus des propos, le principal support pour fonder une « complicité » délictueuse, quand l’avant-centre parle juste d’avoir voulu « rendre service » .
La case prison ou le maillot bleu ?
« Karim Benzema est innocent, il n’a rien commis de répréhensible dans cette affaire : nous allons tout faire pour démontrer son innocence. » Me Sylvain Cormier, avocat de Karim Benzema, a certes voulu balayer ce petit revers technique pour recentrer l’enjeu légal pour son client sur l’essentiel. Il n’a pas tort. L’avant-centre du Real Madrid est malgré tout poursuivi pour « complicité de tentative de chantage et participation à une association de malfaiteurs » , ce qui peut amener une condamnation à cinq ans de prison et 75 000 euros d’amende. Cependant au-delà du risque assez faible de le voir terminer sous les verrous, c’est surtout de fait l’avenir de sa carrière qui sera finalement appelé à la barre. Si les péripéties – successions de déclarations contradictoires, levée partielle de son contrôle judiciaire, surenchère politique, clash avec Didier Deschamps dans Marca, etc. – qui se sont succédé depuis son inculpation ont en soi considérablement hypothéqué son retour en EDF, de solides partisans et lobbyistes en tout genre, y compris sur les plateaux télé ou à la FFF, continuent de réclamer sa réintégration. Une condamnation enterrerait définitivement ce rêve qu’il prétend toujours caresser. Il resterait à savoir en outre comment réagira son club, ou les futures potentielles équipes intéressées par lui, face à l’éventuelle « décote » de sa valeur sur le marché des transferts, ainsi que la probable attitude fuyante des sponsors. Enfin, dernier point, pas des moindres, Karim Zenati. Ce dernier, avec lequel il forme le duo périphérique de cette affaire – face au « trio » central constitué de Mustapha Zouaoui, Younes Houass et Axel Angot –, a toujours été présent dans ses déclarations. Karim Benzema a toujours lié son sort, et son innocence, à ceux de son ami de toujours, qui fut lui incarcéré, et peut craindre, au vu de son passé et de son casier, de payer un bien plus lourd tribut s’il est déclaré coupable.
Il faudra aussi désormais surveiller un dernier paramètre : la date éventuelle du procès. Depuis le départ, cette banale et triste tentative de chantage a pris, au vu des personnes concernées et du lieu (Clairefontaine) une dimension politique, voire démagogique. Il suffit de se remémorer les déclarations de l’ancien Premier ministre Manuel Valls, aujourd’hui candidat à la primaire de gauche, et le recadrage présidentiel qui s’ensuivit. Nul doute qu’il vaudrait mieux pour la sérénité des débats qu’il se déroule après la présidentielle…
Par Nicolas Kssis-Martov