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Affaire Castillo : chamboule-tout en Amérique du Sud ?
Le latéral équatorien Byron Castillo ne serait-il pas plutôt colombien ? C’est ce que soutient le Chili, qui en a appelé à la FIFA pour se qualifier pour la Coupe du monde en empruntant un chemin détourné. Mais d’autres pays pourraient être les bénéficiaires d’une éventuelle sanction...
Un post Instagram qui avait tout du coup monté. C’était le soir de la victoire de l’Inter Milan en finale de Coupe d’Italie face à la Juventus, mercredi dernier. Entré dans les arrêts de jeu du temps réglementaire d’un match qui ira en prolongation, Arturo Vidal célébrait dans l’euphorie ce titre nerazzurro, tout en gardant dans un coin de sa tête une autre échéance : la Coupe du monde au Qatar. Si vous avez suivi les éliminatoires CONMEBOL, ou plus récemment, le tirage au sort pour le Mondial, il ne vous aura pourtant pas échappé que le Chili n’est pas concerné par l’échéance. Seulement septième, cette Roja décevante a notamment été devancée par l’Équateur, quatrième et belle surprise de cette campagne éliminatoire. Arturo Vidal n’a pourtant pas perdu espoir. Alors, au moment de la soirée où on partage sa joie sur les réseaux, le Chilien y est allé de son clin d’œil à la plainte déposée par sa fédération nationale (ANFP). Son selfie agrémenté d’un « champion mon frère » en légende n’a apparemment rien d’original, mais c’est l’arrière-plan qui importe, où l’on voit apparaître l’attaquant Felipe Caicedo. « Lui est vraiment équatorien », légende un peu plus bas le rugueux milieu chilien, en instrumentalisant son coéquipier toutefois pas concerné par les éliminatoires, pour avoir pris sa retraite internationale.
Coup de billard à trois bandes
Mais pourquoi Arturo Vidal s’occupe-t-il de décerner des certificats de nationalité un soir de victoire en Coupe d’Italie ? Pour le comprendre, il faut remonter au 26 avril, quand un journaliste colombien relaie une décision de justice qui statuerait que Byron Castillo, latéral droit international, n’est pas équatorien, mais colombien. Alors que le Chili a perdu cinq points sur six face à La Tri, l’ANFP se saisit de l’affaire, enquête, prend un avocat et finit par déposer un recours devant la FIFA, qui annonce – le 11 mai, jour de la finale de la Coupe d’Italie – avoir « ouvert une procédure disciplinaire destinée à examiner l’inéligibilité potentielle de Byron Castillo ».
Si la FIFA venait à rendre un verdict favorable au Chili, Vidal et consorts pourraient être qualifiés directement pour le Mondial au Qatar. La Roja récupérerait cinq points, mais soignerait aussi son goal average, avec deux victoires sur tapis vert sur le score de 3-0. Ce scénario, le plus favorable au Chili, lui permettrait de remonter à la quatrième place, grâce à une meilleure différence de buts que le Pérou, actuel barragiste et potentiel adversaire de la France à la Coupe du monde. L’Équateur, lui, rétrograderait au septième rang et serait donc privé de Mondial, alors qu’il a déjà écopé des Pays-Bas, du Qatar et du Sénégal au tirage au sort.
« Le Qatar est à la télé »
Mais qui est Byron Castillo ? Le latéral de 23 ans a fait ses débuts internationaux seulement le 2 septembre dernier, face au Paraguay. Il accumule huit sélections. Officiellement né à Playas, en Équateur, sa situation administrative n’a toutefois jamais paru limpide. En 2017, c’est d’ailleurs la Fédération équatorienne de football (FEF) elle-même qui l’avait écarté de sa sélection U20, pour avoir présenté des faux documents d’identité. Les doutes sur l’état civil de Castillo avaient aussi conduit, deux ans plus tôt, à l’annulation de son prêt à Emelec, autre grand du football national. Castillo serait en fait né à Tumaco, en Colombie, dans une province frontalière de l’Équateur. Et selon le certificat de naissance présenté par l’ANFP, il aurait vu le jour en 1995, et non pas en 1998. Reste qu’en avril 2021, un tribunal spécialisé avait ratifié la documentation présentée par Byron Castillo, et par conséquent, sa nationalité équatorienne.
Le joueur ne semble d’ailleurs pas inquiet. Au point de chambrer, lui aussi, sur Instagram. « Le Qatar est à la télé », a-t-il ainsi envoyé quand il a appris que le Chili avait saisi la commission disciplinaire de la FIFA. Avant de surenchérir dans une story : « À la télé, les pleurnichards. » La FEF, elle, assure aujourd’hui que Castillo est « citoyen équatorien et(que) toute sa documentation est en règle ». Une épée de Damoclès n’en pèse pas moins aujourd’hui sur les résultats des éliminatoires sud-américaines. La FIFA a d’ailleurs invité la fédération péruvienne à présenter « sa position », alors que son sort pourrait dépendre de sa décision. Précision : quand la Blanquirroja a été tenue en échec par l’Équateur (1-1), le 1er février dernier, Castillo ne jouait pas. Elle n’aurait donc pas de points à gratter.
Mais une autre hypothèse n’a pas été écartée : une disqualification absolue de l’Équateur. À qui profiterait-elle alors ? Humiliée 6-1 par La Tri en début d’éliminatoires et tenue en échec au retour (0-0), la Colombie, qui a échoué à un point de la zone de barrages et à trois points de la quatrième place occupée par l’Équateur, pourrait faire partie des grands gagnants. À moins que la FIFA décide de ne redistribuer aucun des points perdus face à la sélection dirigée par Gustavo Alfaro. Le site chilien La Tercera évoque aussi une autre possibilité : que la FIFA désigne arbitrairement le remplaçant de l’Équateur, si la Tri venait à être sanctionnée. Au hasard : l’Italie. On ne doute pas alors qu’Arturo Vidal nous gratifierait d’un nouveau tacle au niveau du genou sur « Insta » .
Par Thomas Goubin