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Adrien Rabiot : le Duc au fond du trou
Souvent transparent, au mieux accessoire au sein d'une Juventus en pleine reconstruction, le milieu français semble coincé dans une drôle de saison, alors que son rôle au sein du milieu bianconero comme son évolution posent question. Dix-huit mois après l'arrivée du Duc dans le Piémont, la Juventus - qui affronte Naples ce mercredi en Supercoupe d'Italie (20h) - semble toujours se demander quel type de joueur est réellement Adrien Rabiot. Le souci, c'est que le principal intéressé ne semble pas avoir davantage de réponse.
L’heure n’était manifestement pas à la mesure. Ce dimanche 17 janvier, la Juve n’a pas seulement perdu un match de Serie A, 2-0, face à l’Inter. À une ou deux occasions près, elle n’a purement et simplement pas existé pendant 90 minutes. La faute, notamment, à un milieu de terrain ectoplasmique. Surtout dans l’axe, une zone confiée à la doublette Bentancur-Rabiot. Un duo fracassé par Tuttosport après la rencontre, la prestation de Rabiot étant qualifiée de « désastreuse » par le quotidien piémontais. Dur, mais pas injustifié, au terme d’une partie où le milieu français n’aura jamais su exister. Des insuffisances récurrentes, après une première moitié d’exercice franchement en dedans. Alors que la Juventus aligne cette saison ce qui ressemble à l’un de ses plus faibles entrejeux depuis dix ans, l’ancien Parisien a plus tendance à plomber le niveau général qu’à le faire remonter.
La preuve par les chiffres
Il s’agit d’abord de définir le problème. Quelques statistiques ne semblent pas superflues pour esquisser les courbes du croquis imparfait qu’Adrien Rabiot a gribouillé à la Juventus. Toutes compétitions confondues, depuis son arrivée en Italie à l’été 2019, le Français a inscrit deux buts et délivré une passe décisive. En 57 matchs disputés et 3771 minutes de jeu. Au sein d’une formation dominatrice. Le tout, en étant souvent aligné comme milieu relayeur d’une équipe, qui, si elle n’est actuellement pas leader de Serie A, reste l’écurie qui cumule le plus de possession de balle cette saison en championnat. Les chiffres sont impitoyables avec le nouveau Duc de Turin. On pourra rétorquer que les statistiques sont trompeuses et ne suffisent pas à illustrer son influence. Mais si le football n’est pas qu’une affaire de chiffres, ces derniers restent parfois porteurs de tendances lourdes, qui peuvent appuyer ce qu’on observe sur le terrain.
Comparons donc le rendement chiffré de Rabiot à celui d’autres milieux axiaux du championnat transalpin : sur la même période, Nicolò Barella (6 buts, 16 passes décisives), Marcelo Brozović (4 réalisations, 15 dernières passes) et Sergej Milinković-Savić (11 buts, 15 services pour ses attaquants) font par exemple infiniment mieux que lui. Au PSG, le Duc n’a jamais été vraiment un joueur de statistiques, mais la chose était moins visible. Ce n’est pas lui qui portait sur ses épaules la responsabilité de la manœuvre offensive. Ce qui ne l’empêchait pas de clamer haut et fort que numéro 6 n’était pas son poste dans l’entrejeu, où il revendique une place de milieu relayeur. « Le milieu défensif, c’est à la fois le cerveau de l’équipe et le cinquième défenseur. Il faut toujours contrôler ses déplacements, se brider, ne pas se projeter vers l’avant. Or moi, je suis porté d’instinct vers l’attaque et je pense avoir quelques qualités dans ce registre, y compris à l’approche du but adverse. »
Milieu qui lâche, milieu qui fâche
Ces fameuses qualités « à l’approche du but adverse », pas grand monde ne les as vues à Turin. Par intermittence, on l’a seulement observé caler ses chevauchées fantastiques, tout en puissance, si caractéristiques de son jeu. Surtout lors de la seconde moitié de la saison 2019-2020, où le joueur avait brièvement surnagé au sein d’une Juve déjà sur la pente descendante. Beaucoup trop peu, en définitive. Lors de l’exercice en cours, la Vieille Dame alterne le bon et le mauvais, mais Rabiot, lui, reste fidèle à une constante plutôt médiocre. Sur le pré, le bonhomme joue beaucoup trop latéral, ne verticalise quasiment jamais le jeu vers ses attaquants, et propose des angles et solutions de passes beaucoup trop sages pour mettre en danger l’adversaire. Dans l’entrejeu, il est aussi indolore qu’incolore. Quasiment oubliable. Soit tout le contraire de la sensation que doit dégager un milieu de terrain axial, qui se doit d’amorcer les offensives des siens.
Mais Adrien Rabiot est-il vraiment un joueur fait de ce bois-là ? N’aurait-il pas pu autrement mieux s’épanouir dans un rôle de sentinelle, qu’il n’a finalement jamais endossé sur le long terme ? Difficile à dire. Ce qui est certain, c’est que le secteur du milieu de terrain est une faiblesse majeure de la Juventus depuis deux saisons. Une zone où Rabiot n’est pas aidé par les carences techniques effarantes de Bentancur, la neutralité coupable de Ramsey et les performances anecdotiques d’Arthur, depuis que ce dernier est arrivé dans le Piémont. L’ancien Francilien, néanmoins, ne remonte pas tout à fait le niveau et on peut légitimement se demander si ses capacités de footballeur sont à la hauteur des qualités exigées pour s’imposer dans un top club européen. Une question sans réponse, une de plus, dans la carrière d’un joueur qui continue de susciter davantage d’interrogations qu’il n’apporte de confirmations.
Par Adrien Candau