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Adieu Vialli, enfant chéri du football italien

Par Éric Maggiori
Adieu Vialli, enfant chéri du football italien

Avec la Sampdoria, la Juventus et Chelsea, il a tout gagné. Des championnats, des Coupes et surtout toutes les Coupes d'Europe. Gianluca Vialli était un champion, un garçon qui a marqué le football italien. Surtout, il était un homme inspirant, qui a notamment joué un rôle déterminant dans la conquête de l'Euro 2020, aux côtés de Roberto Mancini. Vialli est décédé ce vendredi 6 janvier, à 58 ans, des suites d'un cancer du pancréas. Trop tôt, trop jeune.

L’image de leur étreinte après le sacre de l’Italie lors de l’Euro 2020 restera gravée dans la mémoire des Italiens. Gianluca Vialli et Roberto Mancini. Les jumeaux du but. De la Sampdoria à la Nazionale. De Wembley 92, où ils perdirent ensemble une finale de C1, à Wembley 2021, où ils remportent le championnat d’Europe main dans la main. Les deux étaient inséparables, et ce vendredi 6 janvier, le Mancio et toute l’Italie se réveillent meurtris : Gianluca Vialli est parti. Depuis 2018, l’ancien buteur de la Samp et de la Juventus se battait contre un cancer du pancréas, l’un des plus agressifs, de ceux dont on triomphe rarement. Dans une longue interview accordée l’an passé, il avait parlé de ce cancer comme d’un « compagnon de route dont il se serait bien passé ». Vialli, grand intellectuel et philosophe du football, avait déjà compris que la maladie ne le quitterait pas, et qu’il fallait vivre des choses tant qu’il en était encore temps. Le 14 décembre dernier, soit deux jours avant le décès de Siniša Mihajlović, il avait annoncé devoir suspendre ses activités avec la Nazionale pour se concentrer sur sa bataille. Quatre semaines plus tard, le football italien perd un autre géant.

De Crémone à Gênes, le grand saut

Certains joueurs sont l’homme d’un club. Gianluca Vialli a réussi un exploit encore plus fort : être celui de trois clubs. À la Cremonese, où il a débuté en Serie A, à la Sampdoria, où il a remporté le Scudetto, et à la Juventus, où il a soulevé la Ligue des champions, le joueur a été adoré, adulé. 113 matchs avec Crémone, 328 avec la Samp, 145 avec la Juve, et plus de 200 buts en tout. Une carrière « logique » , une ascension parfaite : d’abord le club de sa ville natale, ensuite une équipe « moyenne » qui va se sublimer et réaliser des exploits sans précédent, puis le très grand club, et enfin l’expérience à l’étranger. Il y a gagné tout ce qu’il était possible de gagner, des championnats, des Coupes et des Supercoupes, et il est, cerise sur le gâteau, l’un des seuls joueurs de l’histoire à avoir remporté les trois Coupes d’Europe : la C1 avec la Juventus (1996), la C2 avec la Sampdoria (1990) et Chelsea (1998) et la C3 avec la Juventus (1993).

La Juve me voulait, mais le président Mantovani m’a expliqué le projet de la Samp’. Pour moi, ça a été très clair : la Juve pouvait attendre.

Comme beaucoup de gamins italiens nés dans les années 1960-1970, Gianluca Vialli a commencé à jouer au foot à l’oratorio, ces terrains paroissiaux typiques de l’Italie. « J’ai appris à jouer au foot avec les prêtres, en contrepartie j’allais au catéchisme », racontait-il dans une interview au Corriere della Sera. Issu d’une famille aisée, il délaisse néanmoins rapidement l’école pour le foot. Il fait ses débuts chez les jeunes de la Pizzighettone, puis passe à la Cremonese pour un demi-million de lires, et y signe pro à 17 ans. « Petit, j’étais supporter de l’Inter, mais la Cremonese restera pour toujours mon équipe de cœur. » Et pour cause : c’est bien à Crémone que Vialli se fait un nom. Lors de la saison 1983-1984, sous les ordres d’Emiliano Mondonico, il brille et contribue grandement à la saison triomphale des Grigiorossi, qui décrochent leur montée en Serie A. Mais Vialli n’offrira pas à ses tifosi la joie d’une saison dans l’élite sous leur liquette. Pendant l’été 1984, il est transféré à la Sampdoria. « La Juve me voulait, mais le président Mantovani m’a expliqué le projet de la Samp’. Pour moi, ça a été très clair : la Juve pouvait attendre », assurait-il.

Comme le destin est capricieux, la première journée de Serie A offre à Vialli un Sampdoria-Cremonese. Victoire 1-0, la page est tournée. Surtout, à Gênes, Vialli rencontre Roberto Mancini. Amis au premier regard. « Frères, même. Roberto, je peux ne pas lui parler pendant plusieurs mois, et quand on se voit, c’est comme si on ne s’était jamais quittés. On a partagé tellement de choses sur les terrains… » À la fin de cette première saison génoise, Vialli soulève son premier trophée : une Coupe d’Italie remportée face au Milan, avec un but en finale. Suffisant pour qu’Enzo Bearzot l’appelle en Nazionale en novembre 1985. Sa carrière est définitivement lancée.

Le cauchemar de Wembley

L’aventure à Gênes est un véritable conte de fées pour Vialli, qui s’impose comme l’un des tout meilleurs joueurs du championnat, dans une Serie A où évoluent Diego Maradona, Michel Platini, Zico. « Cette Samp-là a grandi petit à petit. D’abord la Coupe d’Italie. Puis la finale de Coupe des coupes, perdue. Ensuite la finale de Coupe des coupes, gagnée. Et puis 1991, l’année de l’exploit. » L’exploit, c’est évidemment ce Scudetto que la Sampdoria remporte au nez et à la barbe de l’Inter et du Milan de Sacchi. Vialli et Mancini, les jumeaux du but, inscrivent leur nom dans la légende. Vialli termine meilleur buteur de Serie A avec 19 pions, Mancini en met 12. « L’Italie toute entière était avec nous, avait raconté le gardien, Gianluca Pagliuca, dans les colonnes de So Foot. Ça faisait une dizaine d’années qu’on jouait ensemble, nous étions une équipe très populaire, le petit contre les grands, et tout le monde avait envie que le petit gagne enfin. Et puis, on était beaucoup à avoir refusé de partir, et les gens le savaient. Cette fidélité plaisait aux Italiens. »

Barça-Samp ? Pendant quatre ans, j’ai rejoué ce match dans mes cauchemars.

L’année suivante, la Sampdoria se hisse jusqu’en finale de Ligue des champions, face au Barça. Peut-être le plus grand regret de la carrière de Vialli, qui avait été monstrueux pendant toute la compétition. Mais ce jour-là, à Wembley, il manque deux énormes occasions : sur la première, il tire au-dessus à quelques mètres des buts ; sur la seconde, il trompe Zubizarreta d’un petit piqué, mais le ballon vient finalement mourir à un millimètre du poteau. L’épilogue est cruel : but de Koeman en prolongation et victoire du Barça. « Pendant quatre ans, j’ai rejoué ce match dans mes cauchemars », assurait Vialli, qui file à la Juve dans la foulée.

Avec la Nazionale, un rendez-vous presque manqué

La Juventus sera la consécration finale pour Vialli, qui se console de la C1 perdue en remportant la Coupe de l’UEFA dès sa première saison turinoise. Après des années à s’éclater avec Mancini, Vialli s’épanouit désormais aux côtés de Roberto Baggio, Fabrizio Ravanelli et Alessandro Del Piero, sous les ordres d’un Marcello Lippi qui débarque à l’été 1994 et que Vialli définit comme « son messie ». Cette Juve-là, championne d’Italie en 1995, se hisse jusqu’en finale de Ligue des champions en 1996, face à l’Ajax. Pour Vialli, c’est une deuxième chance de remporter la coupe aux grandes oreilles, quatre ans après Wembley. 1-1 score final, la rencontre se décide aux tirs au but. La Juve s’impose après seulement 4 tirs au but… pour le plus grand plaisir de Vialli, qui était le cinquième tireur attitré. « Ce fut un soulagement infini pour moi(de ne pas avoir à tirer, NDLR). Le match se jouait au Stadio Olimpico, et sur cette pelouse, j’avais déjà tiré deux penaltys : une fois contre la Roma, j’avais raté et je m’étais cassé le pied en tirant, un autre contre les USA au Mondial 1990, raté aussi. Je savais que c’était ma dernière chance de gagner la Champions. Alors imaginez si avec tout ça, j’avais dû tirer le dernier tir au but… »

Chaque Mondial a une étoile brillante, ici Toto Schillaci, et une étoile filante, ici moi. Tout m’est arrivé : le mollet, la cuisse, la bronchite… Je n’ai pu disputer que deux matchs et demi, c’était terriblement frustrant.

Tiens, le Mondial 1990… Un souvenir en demi-teinte pour Vialli qui, avec la Nazionale, n’aura pas connu les joies vécues en club, à l’instar de cette Coupe du monde à domicile achevée en demi-finales, face à l’Argentine. Vialli : « Chaque Mondial a une étoile brillante, ici Toto Schillaci, et une étoile filante, ici moi. Tout m’est arrivé : le mollet, la cuisse, la bronchite… Je n’ai pu disputer que deux matchs et demi, c’était terriblement frustrant. » Finalement, son tournoi référence avec les Azzurri restera l’Euro 1988, là aussi achevé en demi-finales. Trop peu pour un joueur de ce calibre, qui dispute son dernier match international en 1992, à seulement 28 ans. En 1994, au moment du Mondial américain, il est pourtant au top de sa carrière avec la Juve, mais il refusera la convocation d’Arrigo Sacchi. « Avec Sacchi, c’était un choc de personnalités. Avec lui, il n’y avait pas d’équilibre entre la tension et la sérénité. Il m’a exclu de l’équipe en 1992, convaincu que mes doutes allaient créer une énergie négative dans le groupe ; et il avait raison. J’ai eu tort de refuser, lorsqu’il m’a rappelé deux fois, avant et après la Coupe du monde 1994. J’étais susceptible. Le maillot azzurro ne se refuse jamais. »

Meneur d’hommes

En 1996, la Ligue des champions en poche, Vialli, alors âgé de 32 ans, part terminer sa carrière en Angleterre, à Chelsea. Où il aura encore le temps de gagner une Coupe des coupes (1998) et une Supercoupe UEFA (1998), quatrième et cinquième trophée européen de sa carrière. À Chelsea, il expérimente également le poste d’entraîneur-joueur, en remplacement de Ruud Gullit, viré en février 1998. Sa carrière d’entraîneur sera très brève, mais couronnée de succès : en trois saisons sur le banc de Chelsea, de 1998 à 2000, il remporte cinq trophées, alors que Chelsea n’avait plus rien gagné depuis 1970. Pourtant, il n’aspire pas à une carrière de coach, et après une courte expérience d’un an à Watford (2001-2002), il raccroche pour embrasser une brillante carrière de consultant sur Sky Sport.

Vous ne voulez jamais blesser les personnes qui vous aiment : mes parents, mes frères et ma sœur, ma femme Cathryn, nos filles Olivia et Sofia. Et vous avez un sentiment de honte, comme si ce qui vous est arrivé était de votre faute. J’avais l’habitude de me promener avec un pull-over sous ma chemise, pour que les autres ne remarquent rien, pour que je sois toujours le Vialli qu’ils connaissaient…

En 2018, Gianluca Vialli avait révélé sa maladie, avec beaucoup de pudeur et de courage. « Je savais que c’était dur et difficile de le dire aux autres, à ma famille. Vous ne voulez jamais blesser les personnes qui vous aiment : mes parents, mes frères et ma sœur, ma femme Cathryn, nos filles Olivia et Sofia. Et vous avez un sentiment de honte, comme si ce qui vous est arrivé était de votre faute. J’avais l’habitude de me promener avec un pull-over sous ma chemise, pour que les autres ne remarquent rien, pour que je sois toujours le Vialli qu’ils connaissaient… » Un an plus tard, en 2019, il rejoint les rangs de la Fédé italienne en tant que chef de délégation de l’équipe nationale, entraînée par son éternel ami, Roberto Mancini. Il prend ainsi part à la victoire de l’Italie lors de l’Euro 2020, et occupe un rôle prépondérant dans le vestiaire. Où, régulièrement, il parle aux joueurs, les écoute, et les motive en leur lisant, à voix haute, des passages de ses livres préférés. Avant la finale face aux Anglais, Vialli a notamment déclamé The Man in The Arena, extrait d’un célèbre speech de Theodore Roosevelt prononcé le 23 avril 1910. Et lorsque Gigio Donnarumma a repoussé le dernier tir au but de Bukayo Saka, Vialli est tombé dans les bras de Mancini. Une étreinte éternelle, dans laquelle se mêlaient déceptions et joies, sourires et larmes, le Mondial 1990 et Wembley 1992, le Scudetto 1991 et cet Euro 2020. Mille instants d’une vie, celle d’un homme qui restera un exemple pour tous ceux qui l’ont croisé. Addio, grande Luca.

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Tous propos recueillis issus d'une interview au Corriere della Sera

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