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  • Disparition d'Emiliano Sala

Adieu, Emiliano

Par Florian Manceau
4 minutes
Adieu, Emiliano

Après avoir fait ses au revoir au football français pour être transféré à Cardiff, Emiliano Sala n'a pas eu le temps de dire adieu à ses proches et au reste du monde. À 28 ans, l'Argentin est décédé à la suite d'un accident d'avion. Son corps a été retrouvé. Hommage en mémoire d'un type bien.

Au fond, il dénotait peut-être trop pour avoir le droit de continuer à faire partie de ce monde toujours plus cruel. Au sein de l’univers dans lequel il s’était construit une place à la sueur de ses efforts, Emiliano Sala faisait un peu figure d’ovni. Non pas par sa manière bien singulière de planter des buts ou de multiplier les courses défensives, mais plutôt par sa façon d’être. Oublions justement le joueur puisqu’il n’est désormais plus question de football, et accentuons le regard sur l’homme.

À 28 ans, l’Argentin s’était créé une réputation de parfait gentleman. Qu’ils l’aient côtoyé deux minutes ou vingt ans, ceux qui l’ont connu (dirigeants, entraîneurs, partenaires, adversaires, éducateurs, membres administratifs ou du staff médical, supporters, journalistes, proches ou moins proches…) sont unanimes : Emiliano Sala était un mec bien. Que ce soit à Bordeaux, à Orléans, à Niort, à Caen ou à Nantes, chaque club ou chaque famille qui l’a accueilli après son arrivée en France en 2010 (en provenance de Proyecto Crecer, où il a commencé sa formation) garde du bonhomme un souvenir positif, et personne n’a attendu la nouvelle dramatique pour dire du bien du monsieur.

Respect & humilité

Inutile de demander comment se sont déroulées les dernières semaines au FCN, où l’ensemble des Canaris a appris comme tout le monde la disparition de l’avion aux environs de neuf heures le mardi 21 janvier au matin. La famille et les proches, eux, étaient depuis bloqués en pause mortuaire. Jusqu’à ce jeudi 7 février, où le corps retrouvé au fond de l’océan a été identifié comme celui du Sud-Américain selon les autorités anglaises. Celui du pilote David Andrew Ibbotson, qu’il ne faut pas oublier, a sûrement connu un sort similaire.

Désormais, il n’y a plus qu’à se remémorer les anecdotes passées avec Emiliano Sala, modèle d’humilité et de gentillesse. Un type qui ne faisait aucune vague et dont le comportement, que ce soit sur le terrain ou dans le domaine extrasportif, n’a jamais été remis en cause. Un type qui se moquait pas mal d’être dans la moyenne basse niveau salaire alors qu’il faisait partie des cadres, tant qu’il faisait la fierté de sa mère adorée et plus globalement de sa famille dont il était proche. Un type qui ne refusait jamais une photo de fans, qu’elle soit réclamée sur la plage ou dans l’enceinte du stade, même s’il appréciait particulièrement l’anonymat et le calme. Un type qui ne roulait pas en Porsche, qui n’habitait pas dans une résidence de 1000 m2 et qui préférait tomber sous le charme d’un chien de la SPA que d’un pure-race. Un type qui n’oubliait aucun visage et qui serrait toutes les mains en demandant sincèrement comment ça allait. Un type qui, s’il ne kiffait pas forcément l’exercice de l’interview, ouvrait sans difficulté la porte de sa maison, pizzas, bières et maté de circonstance. Un type qui ne perdait jamais patience, quand l’entretien s’étirait durant plus d’une heure et demie alors que vingt minutes aurait pu être suffisantes.

Combattre, résister et partager

Monstre de générosité et d’abnégation, Emiliano Sala ressemblait finalement pas mal à l’image qu’il laissait transparaître de lui sur une pelouse. À savoir un gars travailleur, s’arrachant pour les siens et se battant chaque seconde comme un mort de faim pour faire honneur à ses origines et son éducation sans oublier d’où il venait. Élevé loin de la richesse par une maman vivant quasiment par procuration et un papa beaucoup moins présent en raison de son travail, le Sud-Américain n’avait peur de rien et résistait à tout. Aux refus des recruteurs (combien de tests a-t-il dû réaliser pour être accepté par les Girondins de Bordeaux ?), à la solitude (combien de fois a-t-il dû se sentir isolé quand il a débarqué seul dans l’Hexagone à vingt ans ?), à l’éloignement toujours réel de ses amis et de sa famille, au manque de temps de jeu (combien de fois a-t-il dû se répéter que le foot était fait pour lui lorsqu’il galérait pour accéder à l’équipe première bordelaise ?), aux épreuves sportives affrontées marche après marche (CFA, National, Ligue 2, Ligue 1), au manque de considération, aux périodes de creux, aux moqueries sur son style de jeu.

Sûr qu’il fallait quelque chose d’aussi inimaginable et d’aussi injuste – un décès d’une personne de 28 ans l’étant de toute façon systématiquement – pour le mettre à terre. Pour les amateurs de sport, Emiliano Sala est parti avec la gueule d’un buteur enfin reconnu à sa juste valeur (une cinquantaine de pions sur les dernières saisons de L1). Pour tous ceux qui l’ont fréquenté, il avait déjà celle d’un mec parfait, même s’il est toujours plus facile de s’arrêter sur les qualités d’un homme envolé. Et si ce genre de contexte raconte habituellement que les meilleurs partent toujours les premiers, la formule s’approche tout de même ici beaucoup de la réalité.

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Par Florian Manceau

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