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Adieu Didier, on t’aimait bien

Par Chérif Ghemmour

Didier Roustan nous a quittés dans la nuit de mardi à mercredi à 66 ans. Le journaliste novateur et passionné a inspiré depuis ses débuts en 1976 à Téléfoot des générations de suiveurs. So Foot lui doit beaucoup. Sa triste disparition nous laisse un peu orphelins.

Adieu Didier, on t’aimait bien

S’il existe un « esprit So Foot », alors Didier Roustan y a beaucoup contribué. Directement ou de façon plus subliminale. La transversalité Foot et Culture (musique, cinéma, littérature, médias, politique, anthropologie) chère à So Foot, Didier l’avait déjà promue dès la fin des années 1970 quand il officiait à l’émission Télé Foot 1.

Révolution Rock !

Avec une bonne dose d’humour et de rock en stock, le maverick arrivé de Cannes à 18 ans en 1976 avait tout simplement dynamité le sport à la télé de papa, bien coiffée avec la raie au milieu. Avec Queen, les Who ou Led Zep en fond sonore, Didier scénarisait les résumés de finales de la FA Cup en images accélérées ou en arrêtant pile sur un plan fixe un tir de Stapleton… « Et alors ? But ou pas but ? Suspense… » Et but, bien sûr, sur le riff de Whole Lotta Love ! Delio Onnis est dans la surface de réparation adverse comme dans son salon ? Et bingo ! Didier, le beau gosse au teint mat, interviewe le goleador argentin sur la pelouse du stade de la Vallée du Cher du FC Tours, dans les 16 mètres aménagés comme une salle de séjour ! Avec sofa, table basse, téléviseur, commode, luminaire et téléphone. On était très, très loin de la tisane dominicale de Stade 2.

La pratique du ballon rond exercée comme libéro à un niveau plus qu’honorable au niveau régional avec les Cadets de l’AS Cannes (champions du Sud-Est), avec même un appel du pied de Robert Domergue, le coach des A de Cannes alors en D2, pour aller s’entraîner avec les pros, lui apportera à la télé l’expertise affûtée du ballon rond. Parce que c’est la voie du journalisme qu’il choisira plutôt que de passer pro, une ambition qu’il n’a jamais eue. Dans un entretien pour So Foot dans le numéro 194 paru en mars 2022, Didier s’était penché avec introspection sur ce poste de libéro qui dépassait son admiration pour le classieux Franz Beckenbauer : « Libéro, parce que je suis Balance, un signe d’air, avec un besoin permanent de liberté et comme le mot libéro veut dire “libre”… C’est celui qui doit plus qu’un autre analyser l’ensemble du jeu et qui doit compenser, assumer de grandes responsabilités à un poste où on est gardien bis, l’avant-dernier rempart. Libre et responsable, ça convenait bien à mon caractère, car je suis très collectif. J’ai toujours été un peu “révolté”, contre toutes formes d’injustice, j’ai passé ma vie à me dévouer pour les autres et pour aider chaque fois que j’ai pu aider. J’aime bien m’occuper des autres. » Et il le prouvera plus tard au sein de l’AIFP et à la tête de Foot Citoyen.

La Roustanie

À sa passion enragée du football, le libéro fan de Kaiser Franz, donc, cultive le goût du beau football offensif incarné par Pelé, son idole d’enfance, et par Johan Cruyff, son héros d’adolescence. La révolution Roustan, admirateur de Che Guevara, tenait aussi au fait que Didier était un enfant du rock, de la télé et de mai 68. Ce cocktail détonnant a fait germer une culture foot à la française originale, esthétique et rock’n’roll. Avec lui, parmi d’autres innovateurs, notre passion foot est devenue « sensibilité » foot. Un univers commun où on se retrouve à vibrer de joie ou de tristesse à travers les dribbles de Diego, le col relevé de Canto, l’Ajax 2019, l’OM de Bielsa, les larmes de Baggio, le Ballon d’or de Modrić, les bitures de Grealish, le Don’t Look Back in Anger jouée par la Garde républicaine au Stade de France, la Bombonera sous la pluie, les pitreries de Yamal et Williams ou les punchlines d’Omar da Fonseca… Didier était porteur de toute cette poésie foot partagée entre initiés et forcément incomprise du grand public.

J’ai toujours été un peu “révolté”, contre toutes formes d’injustice, j’ai passé ma vie à me dévouer pour les autres et pour aider chaque fois que j’ai pu aider. J’aime bien m’occuper des autres.

Didier Roustan dans So Foot en mars 2022

Didier a été un compagnon de route du So Foot des tout débuts. Tout comme Pierre-Louis Basse (Europe 1), Darren Tulett (Canal +) ou Christophe Crénel (Ouï-FM), il a été une sorte de parrain un peu distant, mais souvent bienveillant à faire la promo de ce magazine nouveau et footraque dans lequel il se reconnaissait sans doute un peu. En 2022, avant de lancer son application sur la Roustanie, il avait émis le souhait de cet entretien à So Foot et sa bande d’allumés connectés à la même « sensibilité foot ». Pour nous, il avait balayé sa vie, son œuvre, plutôt que sa « carrière », un mot qui le définissait si mal malgré un parcours majeur à TF1, Canal + et France Télévision.

Rare journaliste à s’être opposé à Bernard Tapie du temps de Téléfoot qu’il dirigeait  Tapie voulait avoir Téléfoot avec lui »), il a aussi féminisé son service des sports en imposant Marianne Mako, la protégeant ensuite des critiques. Sur Canal, on se souviendra de ses reportages omnisports au long cours, Mag Max, sur le foot, la boxe, le cyclisme ou la NBA, et lors du Mondial US 1994, il avait eu l’idée sensas de commenter les matchs avec son pote Éric Cantona, tous deux casquettes à l’envers. Pas mal pour un gars qui ne parlait aucune langue étrangère, mais qui baragouinait à merveille l’anglais, l’espagnol et l’italien ! Sa situation professionnelle majuscule, il l’a abandonnée pour se lancer en 1995 avec Cantona et Maradona dans l’aventure de l’AIFP (Association internationale des footballeurs professionnels), syndicat de joueurs éphémère qui s’est achevé dans l’échec et la dépression en 1999…

Foot Citoyen, sa fierté

Revanche posthume : Didier nous a quittés à l’orée de la saison 2024-2025 démentielle et surchargée, fustigée par beaucoup de grands coachs et joueurs, tel Kevin De Bruyne. En 1995, Diego et Canto dénonçaient déjà au sein de l’AIFP les cadences infernales… Mais comme Didier a le goût des autres, il lance en 2003 l’association Foot Citoyen, sans doute l’engagement public personnel dont il était le plus fier et dont il voulait qu’on se souvienne : « Comme je suis con comme la lune, je sors épuisé d’un combat pour repartir dans un autre combat ! Mon côté Don Quichotte, oui. Y a une forme de naïveté… Foot Citoyen, c’était une association qui prône les valeurs de respect, de fair-play et de tolérance dans le football amateur, notamment auprès des jeunes. Foot Citoyen s’est arrêté en 2017 : 15 ans de bénévolat intense, à dormir souvent sur la moquette, comme du temps de l’AIFP, et qui m’a coûté l’autre bras. J’y croyais et j’ai fait de nombreux dons, presque 250 000 de ma poche… J’ai pris beaucoup de risques pour ces deux “combats”, l’AIFP et Foot Citoyen. C’est mon côté engagé et ça représente près de 20 ans de ma vie quand même. »

L’Équipe TV avait fini par le canoniser de son vivant avec le titre de président à vie de L’Équipe du soir. El Presidente aurait mieux convenu à ce dingue de foot sud-américain  La Roustanie, c’est un pays virtuel vers les côtes Atlantique de l’Amérique du Sud, aux environs de Montevideo, Buenos Aires, São Paulo ») qui allait constamment se ressourcer en Argentine, humer l’atmosphère populaire des stades du pays. On l’a souvent caricaturé en pépé grincheux du football actuel, soi-disant nostalgique invétéré du football « d’avant ». Mais derrière cette posture de Tatie Danielle qu’il surjouait avec humour, Didier neutralisait plutôt la dictature de l’instant, intolérante et versatile, pour s’inscrire dans le temps long et établir à travers les héros et les grandes équipes du passé la permanence du talent, du beau. Avec le souci fétichiste des beaux maillots ou des beaux gestes !

Didier vénérait ainsi Pelé et Maradona, mais sans jamais sous-évaluer les cracks plus actuels comme Messi, Iniesta, Pirlo ou Benzema. En 2023, la sortie de son livre Puzzle (Editions Marabout) et la longue tournée promotionnelle qui a suivi auront été l’occasion pour lui de rencontrer ses nombreux admirateurs, ses « braves » comme il les appelait au moment de ses vidéos fourmillant de digressions sur le site de L’Équipe tout au long des années 2010. « Au fond de moi, je suis toujours comme le titre de la chanson de Paul Simon ‘Still crazy after all these years », glissait-il l’œil malicieux. Filant les métaphores musicales, Didier citait souvent une autre de ses chansons préférées, Long Time Gone, de Crosby, Stills & Nash, qui « parle de ce long moment difficile avant l’aube où tu revisites le long chemin parcouru et celui qui reste à accomplir ». Le long chemin parcouru de Didier aura été un accomplissement.

La rédaction So Foot adresse à sa famille et à ses proches ses condoléances émues.

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