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Adi Hütter, l’heure de se faire un nom
Le nouvel entraîneur de l'AS Monaco - qui dispute un deuxième match de préparation ce samedi contre le Cercle Bruges - est connu pour réussir avec des moyens limités, comme ce fut le cas à Francfort. Cependant, son caractère bien trempé lui a parfois joué des tours, notamment à Salzbourg et Mönchengladbach. Reste à savoir quelle version les Monégasques auront.
Aussi loin qu’il s’en souvienne, Adi Hütter a toujours été un homme qui savait ce qu’il voulait. Ainsi, le natif de Hohenems, petite ville autrichienne située à la frontière suisse, a toujours souhaité qu’on l’appelle « Adi » (diminutif d’Adolf, comme pour Adolf Dassler, le fondateur d’Adidas), peu importe ce qu’en pense sa grand-mère. Histoire d’éviter une hallucination auditive pas très heureuse. En football, c’est pareil : Hütter veut développer un jeu très offensif, mais souhaite aussi que ses joueurs donnent de leur personne quand il faut défendre. Je te donne, tu me rends. Pour le technicien, l’autre clé de la réussite est tout simplement une relation harmonieuse avec sa direction. Si au terme de la saison 2017-2018, Hütter est parvenu à remporter la Super League suisse avec le BSC Young Boys (mettant ainsi fin à 32 ans de disette, ainsi qu’au règne sans partage du FC Bâle, champion huit fois d’affilée), c’est parce qu’il a su travailler de concert avec Christoph Spycher, son directeur sportif de l’époque. Si en 2019, il a réussi à emmener l’Eintracht Francfort en demi-finales de la Ligue Europa (éliminé aux tirs au but par Chelsea, futur vainqueur de l’épreuve), c’est parce qu’il savait que Fredi Bobic (directeur général des sports) et Bruno Hübner (directeur sportif), deux des piliers du club de la Hesse, étaient à fond derrière lui. « Son CV est vraiment impressionnant », estimait alors Bobic au moment de le débaucher aux Young Boys. Hütter a prouvé qu’il était « capable de tirer le maximum d’une situation avec peu de moyens ».
Adi, le contrat de confiance
En revanche, quand ses relations avec la hiérarchie se gâtent, Hütter a du mal à faire la part des choses. Malgré un doublé coupe-championnat avec le RB Salzburg en 2015, l’ex-milieu de l’Austria Salzbourg quitte le club au bout d’une saison seulement. Être obligé de se plier au sacro-saint football de pressing si cher à Ralf Rangnick, ainsi qu’à la politique du club, qui consiste à vendre ses meilleurs talents au plus offrant, très peu pour lui. « Je ne veux pas m’acharner, je suis reconnaissant de l’opportunité qui m’a été offerte à l’époque de connaître quelque chose de nouveau, d’évoluer, mais ça n’a pas fonctionné », déclarera-t-il pour justifier son départ.
À Francfort, malgré de superbes résultats et une bonne relation avec ses joueurs et le public, il envoie tout valser, et ce, après avoir assuré « Je reste » aux fans en février 2021, malgré les rumeurs insistantes qui l’envoyaient à Gladbach. Voyant ses garants Bobic et Hübner également sur le départ, Hütter a craqué et activé sa clause de départ deux mois plus tard, provoquant l’ire des supporters de l’Eintracht et un relâchement de la part de l’équipe, qui, longtemps en course pour la Ligue des champions, a fini par se casser la gueule dans les dernières journées. Une relation de trois ans partie en fumée en un clin d’œil. Sur les bords du Main, on grince des dents. « Imaginez un instant la situation suivante : un client affamé commande un délicieux steak de filet, mais il est si avide qu’il va dans un autre restaurant avant même que le steak n’arrive sur sa table, pourra-t-on lire dans un édito de la Frankfurter Allgemeine Zeitung quelques jours après la décision de Hütter. Impensable ? Non, il y a ces arrivistes hostiles au plaisir qui sont bien partis pour détruire la magie de ce monde, dans de nombreux domaines. »
L’âge de la maturité ?
Sa dernière expérience du côté du Borussia Mönchengladbach n’a pas fait taire ces critiques. Son séjour dans le Niederrhein a rapidement tourné au vinaigre à la suite du départ du directeur sportif Max Eberl (pour cause de burn-out), l’homme qui l’avait séduit et qui avait levé pour lui une clause estimée à 7,5 millions d’euros. À la fin d’une saison 2021-2022 bien morne, où Hütter peut seulement se targuer d’avoir battu deux fois le Bayern (dont un cinglant 5-0 en Coupe), les Fohlen terminent la saison à une triste dixième place. Le karma, pourrait-on dire du côté de Francfort. Pas convaincu de pouvoir travailler de concert avec sa nouvelle direction, l’Autrichien décide même de se faire la malle.
Mais heureusement pour l’ASM, cette expérience semble avoir permis à Hütter de comprendre une chose : il faut parfois mettre de l’eau dans son vin. Capable de reconnaître quand il a mal agi, notamment à Gladbach, l’Autrichien fait son autocritique, même sur son style de jeu. « Le football que je voulais mettre en place n’était pas celui que les joueurs avaient en tête, dira-t-il lors de sa présentation à l’AS Monaco. À mon avis, nous avons joué de manière très chiante. Nous avions toujours le ballon dans notre moitié de terrain. Il y avait des choses à changer. » À Monaco, c’est donc un homme mûr qui arrive pour essayer d’imposer son style. Il n’y a plus qu’à lui faire confiance.
Par Ali Farhat