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Adeus, doutor Sócrates
Le Brésil est en deuil suite à la mort de l’ex-joueur mythique des Corinthians, le jour même où son club a remporté son cinquième titre de champion.
Ce dimanche à 17h15, les proches de Sócrates Brasileiro Sampaio de Souza Vieira de Oliveira lui disent adieu pour la dernière fois au cimetière Bom Pastor de Ribeirão Preto, la ville où il a fait ses débuts chez les pros en 1974. Le cercueil descend sous terre au son de l’hymne du Botafogo. Pas celui de Rio, qui vient de se prendre un but de Fred contre le Fluminense quelques minutes plus tôt, lors d’une des seules rencontres qui comptent pour du beurre de cette dernière journée du championnat brésilien. Le Botafogo de Ribeirão Preto, c’est un petit club qui dispute le championnat pauliste, qui a essayé d’attirer Vieri l’an dernier. Il ne fait pas le poids devant les grosses cylindrées de l’Etat, comme Corinthians, le club qui a accueilli O Doutor lors de ses meilleures années, de 1978 à 1984. Un quart d’heure avant l’enterrement, juste avant du match décisif contre Palmeiras, les joueurs du Timão se recueillent pendant la minute de silence en brandissant le poing à la « black power » , reproduisant le geste de Sócrates après chacun de ses buts. Ils n’auront pas besoin de le refaire pendant la rencontre, vu qu’elle se terminera par un triste nul 0-0. Cela dit, le résultat fait largement leurs affaires, puisqu’il permet au club de remporter son cinquième titre de champion national.
Entre larmes et chants
A la télé, les commentateurs ont bien essayé d’égayer l’ambiance avant la retransmission en balançant des banalités sur l’importance de cette dernière journée au cours de laquelle ont lieu simultanément pas moins de huit classicos régionaux, mais le cœur n’y était pas vraiment. Vasco, la seule équipe qui pouvait encore les empêcher de triompher, s’est sublimée pendant toute la deuxième partie du Brasileirão, boostée par l’union sacrée autour de son coach Ricardo, victime d’un AVC lors de la dernière journée des matchs aller. Mais cette fois, elle n’a pas peu faire mieux qu’un nul un partout contre Flamengo au stade Engenhão. Suite au décès d’un plus grands cracks ayant porté leur maillot, les joueurs du Corinthians ont à leur tour trouvé le supplément d’âme qui leur manquait peut-être pour franchir le pas après avoir vendangé des tonnes d’occasions de tuer le championnat lors des journées précédentes. Sócrates a fait souffler un dernier vent d’humanité au sein d’un club qui ces dernières années incarnait surtout le foot business à outrance, à des années lumières de la « démocratie corinthienne » du début des eighties, modèle de gestion révolutionnaire mis en place par l’ancien joueur et ses potes. A l’époque, ils avaient même réussi à faire trembler sur ses bases la dictature militaire brésilienne.
Lula avec le maillot des Corinthians
Au coup de sifflet final, les supporters exultent, mais la fête est forcément teintée de tristesse. Sur le web, pas un seul des grands sites d’info brésiliens ne se permet d’évoquer le dénouement du championnat sans rendre hommage à Magrão (le grand maigre, son surnom quand il était joueur, ndlr). « Entre larmes et chants, la fête est aussi du Doutor » , titre le commentateur sportif José Roberto Malia dans son blog sur le site brésilien d’ESPN. Même Lula, le plus illustre des fans du Timão, ne sait plus à quel saint se vouer. Alors qu’il ressemble de plus en plus à Jean-Pierre Coffe depuis qu’il a perdu ses cheveux et sa barbe suite à ses séances de chimio, l’ancien président a posé pour les photographes en arborant un maillot du club, avant de déclarer : « Bravo à toute la nation corinthienne, joueurs, entraîneurs, dirigeants et supporters… Ce titre est aussi un hommage au Dr Sócrates. Il nous manquera beaucoup. Sa contribution au foot et au Corinthians FC ne sera jamais oubliée » . Au Brésil comme partout dans le monde, on n’est pas prêts de l’oublier.
Par Louis Génot, à Rio de Janeiro