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Adán, le jour où Mourinho l’a sacrifié
Aujourd'hui gardien le plus en vue de Liga, Antonio Adán n'en reste pas moins l'homme d'un événement. Coincé au beau milieu de la guéguerre Mourinho-Casillas, le portier remplaçant du Real Madrid avait été sacrifié. Un épisode à trois bandes qui a coûté sa carrière merengue à l'intéressé. Et c'est sans doute tant mieux.
Le soleil s’éclipse du Santiago Bernabéu à l’instar de l’orgueil et de la fierté des Beticos. Premier adversaire à domicile de l’escouade merengue, le Real Betis Balompié quitte la capitale espagnole avec une manita dans la besace. Cinq pions encaissés qui, en ce début de championnat, font office d’avertissement pour cet historique mais promu en Liga. Cette défaite, loin de remettre en question les choix de Pepe Mel ou le niveau de ses hommes, pointe du doigt les manques défensifs du Betis. Antonio Adán, locataire des cages sévillanes, préfère, lui, en sourire : « J’étais heureux de retrouver d’anciens coéquipiers et beaucoup de gens qui travaillent dans ce club où j’ai vécu 16 ans. » Natif de la banlieue madrilène et pensionnaire de la Fabrica depuis ses balbutiements footballistiques, il s’épanouit aujourd’hui. À tel point que, portier avec le plus de parades depuis le début de la Liga, il tient la comparaison avec un phénix qui renaît de ses cendres. Une renaissance qu’il doit au duo Casillas-Mourinho qui, en janvier 2013, avait fait d’Antonio Adán la victime collatérale de leur guerre intestine.
Deux titularisations, une expulsion et la fin, déjà
Un an et demi avant cette manita, Antonio Adán défend la liquette blanche immaculée du monstre de Chamartin. Un monstre qui, en pleine période de troubles mourinhesques, tremble. L’entraîneur portugais, en conflit ouvert avec son vestiaire, tente par tous les moyens de mettre la main sur la taupe. « Un jour, il est entré furieux dans le vestiaire et a commencé à shooter dans les bouteilles, confirme Adán sur les ondes de la Cadena Cope. Mourinho s’en est ensuite pris à plusieurs coéquipiers et a demandé à tous les joueurs un par un qui était le rat. Cet épisode a changé la mentalité du vestiaire. » Un vestiaire qui entre, de fait, en conflit ouvert avec le Special One. Iker Casillas, capitaine et défenseur du madridismo devant l’éternel, est le premier à en faire les frais. Tant et si bien qu’à partir de décembre 2012, le conflit interne devient une bataille médiatique dont l’épicentre ramène à la Rosaleda. Dans l’antre de Málaga, la stupeur gagne chaque spectateur lorsqu’à l’annonce des compositions d’équipe, Casillas est annoncé sur le banc. Un revers 3-2 plus tard, le Portugais ne se cache pas et renvoie son capitaine à ses études.
« L’entraîneur analyse la situation, regarde les joueurs à sa disposition et choisit son équipe. J’écoute mes adjoints et à mon avis, qui est celui qui compte, Adán est meilleur que Casillas. » Le compliment du Mou se mue alors en fardeau pour le portier aux 25 printemps. Cible d’une presse également partie en croisade contre le Portugais, il tente de faire profil bas. Ce, jusqu’aux prémices de janvier. Aligné pour une seconde rencontre consécutive, Adán ne reste que six minutes sur le pré du Santiago Bernabéu. Le temps suffisant pour faucher Xavi Prieto et délaisser ses coéquipiers en infériorité numérique face à la Real Sociedad. Son retour aux vestiaires s’accompagne de chants à la gloire de San Iker et tue dans l’œuf sa carrière avec l’équipe fanion madridista : plus jamais il ne défendra la liquette blanc meringue. « Iker était le capitaine et, dans un groupe, des tensions et des discussions peuvent voir le jour, analyse-t-il aujourd’hui dans les colonnes du Pais. C’est certain que Mourinho a levé la voix à plus d’une reprise, comme un chef, mais la seule chose que souhaitait le vestiaire était de gagner et de battre le grand Barça de Guardiola. »
Adán : « Mourinho ne m’a pas utilisé »
Suite aux épisodes de Málaga et de la Real, la scoumoune frappe de nouveau Casillas lors d’un déplacement à Mestalla. Sa main fracturée presse la direction madridista à engager un Diego López qui devient le nouveau cauchemar de San Iker. Adán, lui, retrouve un statut de troisième gardien et, à la fin du mercato estival suivant, décide de résilier son contrat. Une expérience de six mois à Cagliari plus tard, il s’engage avec le Betis en janvier 2014 et en devient même l’un des capitaines. Une certaine idée de la réussite. Aujourd’hui, la rancœur n’a toujours pas fait son apparition dans la bouche d’un Adán qui rend grâce à José Mourinho : « Lors de cet hiver 2012, il m’a mis titulaire et je ne crois pas qu’il m’ait utilisé. J’ai joué en tant que titulaire avec les meilleurs, et les choses ne se sont pas passées comme nous le voulions Mourinho et moi. J’étais au milieu d’une situation compliquée, avec une énorme caisse de résonance médiatique. J’ai beaucoup appris. » Au point de devenir, après sept journées de cette édition de Liga, le portier avec le plus grand nombre de parades du pays. Olé.
Par Robin Delorme, à Madrid