- Angleterre
- Premier League
- 37e journée
- Sunderland/Southampton
Adam Johnson, pomme pourrie ?
Présenté comme un crack à son arrivée à Manchester City en 2010, Adam Johnson - faute de temps de jeu - a pris la poudre d’escampette direction Sunderland l’été dernier. Presque dans l’indifférence générale. Mais le talentueux gaucher, pas résigné, entend se débarrasser de ce foutu statut d’espoir déchu. Un salut qui passe par assurer le maintien des Black Cats dans l’élite anglaise, dès cet après-midi, face à Southampton (16h00).
Entre Manchester City et le patronyme Johnson, c’est le récit de deux love stories foirées. La première porte le prénom de Michael. Considéré outre-Manche comme le F.E.C (Futur England Captain) et l’un des milieux de terrain les plus talentueux de sa génération, Michael Johnson va pourtant connaître une sombre déchéance. Neuf ans après son arrivée chez les Citizens, le visage boursouflé et les kilos superflus, il voit, à vingt-quatre piges, son contrat résilié. La faute à une hygiène de vie rédhibitoire, notamment due à une dépendance à l’alcool et au casino. Le second Adam, davantage connu, n’a pas connu pareille chute. Mais la réussite n’est pas venue non plus toquer à sa porte. En deux ans et demi à City, le joueur laisse l’image d’un énorme gâchis. Comme quoi, être le sosie de Ian Curtis, l’un des porte-étendards historiques de la ville de Manchester, n’avait rien d’un gage de facilité.
Pourtant, lorsque Adam débarque à Manchester en février 2010, il est estampillé « futur espoir » ou « crack » . Statut qu’il confirme dès sa première saison. Entre dribbles chaloupés et déboulés incessants sur son flanc droit, l’ailier en donne pour l’argent des supporters de l’Etihad Stadium. Sauf qu’Adam se retrouve vite confronté à la concurrence des recrues « pétrodollars ». En tête, le magicien David Silva. Il voit alors son temps de jeu se réduire comme peau de chagrin, au point de ne plus faire des entrées qu’en fin de match. Compliqué, alors, de s’épanouir pleinement sur les près du Royaume. Sur la banquette, il ronge son frein puis décide finalement de prendre la poudre d’escampette à Sunderland l’été dernier contre un chèque de 12,6 millions d’euros. Sans omettre de cracher cordialement sur la politique menée par le City émirati : « Quand City vous contacte, c’est difficile de refuser. Mais désormais, je déconseillerais aux jeunes joueurs anglais d’aller là-bas. On ne peut pas avoir autant de temps de jeu qu’on le souhaiterait, lâche-t-il amer en octobre dernier. Vous pensez que vous allez jouer pour les champions, mais en réalité, vous ne jouez pas vraiment pour les champions, vous n’êtes qu’un membre de l’effectif. C’est complètement différent. Si c’était à refaire, je ne signerais probablement pas à City » . Une gifle qu’appréciera Roberto Mancini.
Magic Johnson n’est plus
Frustré, échaudé, le bonhomme choisit donc de se refaire une santé à Sunderland, sa ville natale. Choix pour le moins déconcertant au premier abord. D’autant plus que Liverpool, Everton ou encore Tottenham lui faisaient les yeux doux au mercato estival. Mais Johnson entend retrouver du temps de jeu. S’aguerrir. Réapprendre. Montrer que sa fine patte gauche mérite mieux qu’un simple statut de Super sub. C’est là que le club du nord-est de l’Angleterre présente des conditions propices à un réépanouissement personnel. Une honnête 13ème place de Premier League lors de l’exercice 2011/2012 décrochée grâce à une ligne offensive séduisante (Colback-McClean-Sessegnon). Surtout, l’ancien joueur de City rallie les Black Cats pour le très pragmatique Martin O’Neill, lequel ne manquera pas de l’adouber à sa signature. « L’ajout de joueurs de qualité a été notre principal objectif cet été et Adam correspond indiscutablement à ce projet. Il a des capacités terrifiantes, une implication formidable et je suis sûr que c’est un joueur qui excitera les fans, s’enthousiasmait le coach qui ne quitte jamais ses joggings sur le bord des pelouses. Je ne pouvais pas être plus heureux de l’avoir au club » .
Oui, mais voilà, une saison plus tard, la maison Sunderland s’apparente plus à une escouade en déliquescence qu’à un tremplin. O’Neill, à cause de résultats en dents de scie, a été remercié par sa direction fin mars, et la formation est aux portes de la relégation. À titre personnel, les prestations de l’ex-joyau de Middlesbrough ne sont guère plus convaincantes que celles de ses coéquipiers. Il y a bien eu quelques coups d’éclats, quelques fulgurances ça et là. Un superbe cachou claqué contre Manchester City en guise de fuck à Mancini, un autre tout aussi beau et importantissime lors du Derby du Tyne and Wear gagné (0-3) en avril – pour un total de cinq pions en Premier League – et cinq passes décisives. Bilan famélique. Bien trop par rapport aux attentes qu’il suscitait. Franck Quedrue, son ancien coéquipier à Middlesbrough de 2004 à 2006, préfère remettre en perspective sa première saison chez les Black Cats. « On ne peut pas avoir des saisons où on est toujours à fond. Personne ne fait ça. Bien sûr, il y a des hauts et des bas mais je pense que c’est passager. Avec la qualité qu’il a, il n’y a pas de problème. Sur un éclair, il peut te débloquer une situation. Il est parti de Manchester City, il fallait un club où il joue tous les matches. C’est un choix, il était nécessaire pour lui de partir pour jouer(33 rencontres de championnat disputées en tant que titulaire cette saison, ndlr). Il aurait pu rester à Manchester où il était encore son contrat. Il faut qu’il joue pour peut-être rebondir. C’est plus dans optique là qu’il faut le voir » , commente le désormais joueur du Red Star 93.
Di Canio, sauveur du joyau de la couronne britannique ?
« Je n’ai pas spécialement envie d’être considéré comme le nouveau Stewart Downing » . Quelques mois après son arrivée à City, le bambin de 25 piges avait eu cette déclaration qu’il souhaitait prophétique. Bien mal lui en a pris, le virevoltant gaucher en prend la digne trajectoire. À savoir se coltiner l’étiquette d’éternel espoir. Celui qui manque de régularité, reste incapable d’épurer son jeu. Celui privilégiant le spectacle à l’efficacité, comme le regrettait son ancien patron Mancini. Si le technicien italien n’a pas su polir le diamant brut qu’il est, la tâche incombe maintenant au taré Paolo Di Canio, débarqué en lieu et place d’O’Neill. Et à en croire les dires de l’international anglais, cette venue est synonyme de nouveau départ pour lui. Et cela, qu’importe la réputation sulfureuse de son boss. « Après le match (contre Newcaste en avril dernier, ndlr), il m’a dit que ce n’était que le début pour moi à Sunderland. Et que, personnellement, ça va aller de mieux en mieux, a-t-il assuré. Il nous donne à chacun dans l’équipe beaucoup de confiance et vient nous parler individuellement. Il est très soucieux du maintien de la forme de l’équipe, il veut que tout soit parfait » . Qui a dit que Di Canio ne foutait que des beignes à ses poulains ?
Roy Hodgson, sélectionneur des Three Lions, espère en tout cas que l’enfant de Sunderland saura franchir le palier. Car, au regard de son talent intrinsèque, il serait quand même bien con de se passer de ses qualités : technique, rapide, percutant et doté d’une bonne frappe de balle avec, accessoirement, des crochets courts et des passements de jambe. Bref, le genre de profil attrayant pour se retrouver flanquer du sobriquet « Sa Majesté » par Stéphane Guy. Outre-Manche, seul Aaron Lennon peut se targuer d’en avoir autant dans les jambes. Mais pour endosser de nouveau la tunique nationale, « Jonno » n’a d’autre choix que de briller en club. « Il a la tête sur les épaules. Il arrive à un tournant, avance Queudrue. C’est vrai que là, la saison d’après, il doit faire une bonne saison. Parce qu’on dit ‘il est jeune’ mais il avance aussi… Si l’année prochaine, il sort une grosse saison, ça lui ouvrira les portes de clubs plus prestigieux » . Du temps où Adam Johnson n’était que promesses, les supporters Citizens lui avaient dédié ces quelques vers: « Oh Adam Johnson, tu es l’amour de ma vie. Oh Adam Johnson, je te laisserai même tirer ma femme » . À Sunderland, les prémices d’une telle déclarations sont déjà là. Mais, avant que ses fans et ceux de la perfide Albion ne lui offrent leurs dulcinées sur un plateau, Johnson se doit de renouer avec la lumière. Quoi de mieux que de commencer par une enceinte du nom de Stadium of Light.
Par Romain Duchâteau