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Achraf Hakimi, franc-tireur du Maroc
Doublement buteur sur coup franc dans cette CAN au Cameroun, Achraf Hakimi devient progressivement le leader charismatique d’une équipe marocaine en plein changement générationnel. Et au vu de ses qualités face à un mur, le piston droit pourrait tout à fait prétendre à devenir le tireur attitré du Paris Saint-Germain.
Ce n’est un secret pour personne : Vahid Halilhodžić est un homme difficile à séduire. Peu académique dans sa communication, le sélectionneur du Maroc avait pourtant bien choisi ses mots au moment de définir l’impact physique d’Achraf Hakimi au sein de son équipe taillée pour faire partie des favorites dans cette Coupe d’Afrique des nations. « À ce niveau, c’est un monstre, tranche coach Vahid dans un entretien pour Le Quotidien du sport. À sa vitesse, vous ajoutez sa technique en mouvement, et vous avez sûrement un des meilleurs au monde à son poste actuellement. » Oui, et cela va même plus loin depuis le début de la nouvelle année civile. Grâce à ses faits d’armes en sélection nationale, Hakimi a ajouté une nouvelle spécialité à sa panoplie déjà bien remplie de footballeur professionnel : le coup franc direct.
Ngotty : « Quand j’étais à Paris, nous étions plusieurs à postuler »
Que ce soit pour arracher le match nul contre le Gabon (2-2) ou permettre à son équipe de faire la différence face au Malawi (2-1), Hakimi s’est à chaque fois illustré de la même manière. Légèrement excentré sur la droite du terrain, son coup franc est parvenu à passer par-dessus le mur avant de surprendre le gardien grâce à une trajectoire flottante. Pour le choix de la lucarne, l’intéressé ne semble pas embêté : à gauche ou à droite, selon le placement du portier adverse. Mais comment Hakimi a-t-il fait pour être désigné tireur des Lions de l’Atlas ? « Choisir le tireur, c’est un feeling, explique l’ancien international français Bruno Ngotty. À l’époque, nous tirions beaucoup à l’entraînement. L’objectif, c’était d’abord de cadrer et ensuite d’être le plus précis possible. Celui qui en met le plus, ce sera le premier choix. Après, il y a aussi l’instant du match où celui qui se sent le mieux prend ses responsabilités. »
Au Maroc, le casse-tête est terminé : Hakimi est devenu le tireur numéro un. Mais comment cela se passera-t-il au PSG, où Messi, Neymar, voire Di María se tirent déjà la bourre dans le domaine ? « Quand j’étais à Paris, nous étions plusieurs à postuler, évoque Ngotty, passé par le club de la capitale entre 1995 et 1998. Il y avait Youri(Djorkaeff), Paul(Le Guen)et moi. À partir de là, il y avait aussi des distances à respecter. Tout ce qui concernait les coups francs longue distance, c’était pour moi. Côté droit proche de la surface, c’était pour Youri, et le côté gauche, c’était Paul. Il y avait une discussion juste avant de frapper, et celui qui se sentait le mieux se lançait. » Si Hakimi n’est pas (encore ?) un adepte des missiles téléguidés de plus de trente mètres, son secteur d’activité pourrait se rapprocher de celui de Neymar, également droitier. Mais Ney sera-t-il capable de ranger son ego pour son coéquipier marocain ?
Pochettino, cœur à prendre
« On savait à l’avance comment s’organiser, car nous en discutions avant le match, analyse Ngotty. L’entraîneur faisait sa causerie et nous savions ce que nous devions faire. Aujourd’hui, on voit parfois des soucis au moment d’attribuer les penaltys ou les coups francs. À mon époque, nous ne frappions pas un coup franc parce que c’était pour les stats. La vraie question, c’était :« Quel est le meilleur choix pour faire basculer le match en faveur de mon équipe ? » » Une question à laquelle Mauricio Pochettino devra apporter une réponse, sous peine de voir ses ouailles se chamailler pour un rendu peu commode.
Enfin, la question du sang-froid vient aussi à l’esprit. Dans cet exercice si méticuleux, Hakimi serait-il aussi efficace dans un huitième de finale de CAN face au Malawi que dans une finale de Ligue des champions ? Unique buteur lors de la finale de C2 1996 entre le PSG et le Rapid Vienne grâce à un coup franc indirect, Ngotty l’en pense capable : « S’il prend ses responsabilités pour marquer de cette manière en faveur de son pays, c’est déjà une première preuve. S’il marque, cela prouve qu’il est adroit. Maintenant, il sait qu’il existe déjà de la concurrence à Paris entre Messi et Neymar. Il doit en discuter avec les principaux concernés, et il aura sa chance sur deux ou trois tentatives où il devra montrer qu’il est performant. Si cela lui sourit, peut-être qu’il aura l’accord de l’entraîneur et des joueurs dans le vestiaire pour être le tireur numéro un. Pourquoi pas. Ce sera à lui de demander le ballon. » Parce qu’un bon tireur de coup franc, c’est avant tout un joueur sûr de sa force.
Par Antoine Donnarieix
Propos recueillis par AD, sauf mentions.