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Achille Anani : « Je voulais faire chauffeur-livreur comme mes potes du quartier »

Propos recueillis par Mathieu Faure
Achille Anani : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Je voulais faire chauffeur-livreur comme mes potes du quartier<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

À 17 ans, Achille Anani s’entraînait avec Steve Mandanda, André Ayew, André-Pierre Gignac et Mathieu Valbuena à l’OM. Après de multiples rebonds qui l’ont conduit en Serbie, à Endoume et à Aubagne, l’attaquant de 25 ans vient de signer à Grenoble, en Ligue 2, après avoir enfilé les pions en National cette saison avec Bourg-en-Bresse (15 buts). Une récompense méritée pour ce fan de Didier Drogba qui aura tout connu pour en arriver là. Entre rencontre amoureuse et découverte de Jésus.

Pas anodin de quitter le National pour Grenoble, en Ligue 2, pourquoi ce choix ?C’est un choix sportif et ça a « matché » très vite entre Grenoble et moi. Cela faisait deux ans que le club me suivait, la progression sportive était évidente, j’ai senti une véritable confiance de leur côté, et le discours du coach m’a aussi convaincu. Je n’ai pas hésité une seconde quand l’occasion s’est présentée. C’est un projet qui m’attire. C’est global, car au-delà du projet de Ligue 2, je sais où je veux aller. Et Grenoble est le club parfait pour un projet aussi bien sportif qu’humain.

Tu te fixes quoi comme objectifs ?Vite m’intégrer à Grenoble et apporter ma pierre à l’édifice. On va essayer de monter en Ligue 1. La Ligue 2 est un championnat qui permet d’exploser, de franchir une étape. Le niveau est très élevé, c’est un autre challenge qui s’ouvre à moi. Je suis très heureux de me retrouver face à un tel défi. C’est un plaisir de se frotter à des joueurs qui, pour certains, sont internationaux. C’est parfait pour montrer qui tu es !

Malgré l’arrêt du championnat, quel bilan dresses-tu de cette saison avec Bourg-en-Bresse ?Le bilan est forcément positif. Évidemment, il y a le côté personnel avec 15 buts, mais il n’y a pas que ça. J’ai beaucoup appris cette saison, d’un point de vue humain, mais aussi collectif. J’ai évolué avec des joueurs d’expérience et si j’ai progressé, c’est aussi grâce à eux. J’ai grandi au cœur de cette équipe, j’ai pu élever mon niveau via ce collectif et l’exigence quotidienne. Sans eux, je n’aurais jamais pu signer à Grenoble en Ligue 2.

Comment as-tu vécu la crise et l’arrêt du championnat à cause du coronavirus ?On a tous été surpris par cette pandémie, c’est arrivé d’un coup, mais j’étais pour l’arrêt du championnat. La santé est plus importante que tout. Quand tu vois autant de morts, tu te dis que le football et surtout le footballeur est secondaire. Nous ne sommes pas indispensables dans une telle crise sanitaire. Après, j’entends que l’on pourrait reprendre à huis clos pendant un moment, mais venant du monde amateur, j’ai l’habitude d’évoluer dans un stade vide sans personne où seule ma famille proche venait me voir jouer. Aujourd’hui, tant que la famille et mon entourage professionnel (son conseiller Anderson Ahoua et ses avocats Xavier Salvatore et Romain Bizzini, N.D.L.R.) sont là, je suis heureux.

J’entends que l’on pourrait reprendre à huis clos pendant un moment, mais venant du monde amateur, j’ai l’habitude d’évoluer dans un stade vide sans personne où seule ma famille proche venait me voir jouer.

Quel type d’attaquant es-tu ?Je suis un joueur puissant, rapide. Plutôt un bon finisseur et j’adore marquer. Je dois encore bosser ma technique, je suis parfois un peu lourd, mais la vivacité, ça se travaille.

Quand on débarque en Ligue 2 à 25 ans, peut-on parler de revanche ?Clairement. C’est une revanche sur plein de choses. À un moment, j’ai voulu tout arrêter. À force d’entendre que je ne passerais jamais pro, j’en étais convaincu. Alors vers 22-23 ans, je voulais faire comme mes potes du quartier, chauffeur-livreur ou Uber. Dans ma tête, c’était fini. J’allais jouer en amateur le dimanche et bosser la semaine. Et puis le destin n’a pas voulu…

Il a ressemblé à quoi, ce signe du destin ?J’ai découvert la foi. Depuis je ne me fixe plus de limite, je ne me pose plus de questions. Ça m’a donné une force mentale inexplicable, il faut le vivre pour le comprendre. Mais en tout cas, j’étais reboosté comme jamais et maintenant, je ne fais plus attention à ce que l’on dit de moi.

J’ai découvert la foi. Depuis, je ne me fixe plus de limite.

À 17 ans, tu étais au centre de formation de l’OM, mais tu ne signes pas professionnel, que reste-t-il de cette époque ?Tout se passait bien, car tu es dans une grosse structure, et puis derrière, je me suis perdu. À 17 ans, tu peux vite perdre pied si tu n’as pas une bonne structure autour de toi. Je me croyais déjà arrivé et je n’avais pas les bonnes personnes à mes côtés pour me mettre des claques et garder les pieds sur terre. Je m’enflammais un peu trop vite, car je sortais du centre de formation de l’OM et j’avais fait quelques apparitions avec le groupe pro à l’entraînement. Tu es là, tu t’entraînes avec Mandanda, Gignac, Payet… Normalement, c’est une étape, et moi, j’ai cru que c’était la finalité. J’avais encore mon regard d’enfant, alors qu’il fallait faire encore plus de sacrifices. Et c’est quoi à cette époque les sacrifices ? Les filles ? Les sorties ? Et j’avais surtout l’orgueil de croire que je pouvais y arriver tout seul… Alors quand l’OM ne m’a pas proposé de contrat professionnel, j’ai vécu une période difficile. Et comme je ne voulais pas repartir en amateur, j’ai pensé que c’était fini. C’est important de faire comprendre, avec le recul, que tu peux arriver à devenir pro même quand tu ne signes pas un contrat avec ton club formateur. Il y a d’autres moyens d’y arriver.

Ensuite, il y a un départ pour la Serbie. Comment tu te retrouves dans les Balkans et quels souvenirs en gardes-tu ?À ce moment de ma vie, tout le monde me lâche, et un ami me propose de jouer en D2 serbe. Au lieu de traîner au quartier, je préfère tenter l’aventure, car ça reste le monde professionnel. Mais c’était compliqué, j’ai débarqué dans une petite ville (Vranje) où j’étais le seul noir. Dans la rue, les gens me prenaient pour un revenant et se mettait à courir en me voyant. Et puis tu te rends vite compte de la qualité de vie en France quand tu sors un peu hors des frontières. Quant au niveau de jeu, c’était un championnat dur, de bouchers. Il fallait être prêt à aller au combat, et ce n’était pas mon cas. Et puis j’étais tout neuf, naïf. Au sein de ma propre équipe, on m’appelait « Monkey », le singe, et ça faisait rire tout le monde. Je ne parlais pas anglais, je ne comprenais pas la portée…

Au sein de ma propre équipe, on m’appelait « Monkey », le singe, et ça faisait rire tout le monde.

Tu reprends tout à zéro quand tu reviens à Aubagne, puis Endoume ?La Serbie, honnêtement, ça m’a brisé. Donc je pars du principe que pour rebondir, il faut descendre très bas… Alors je pense à tout arrêter, devenir Uber et on arrête là. Et puis un dirigeant d’un club local de Marseille m’embauche comme chauffeur et me propose aussi de jouer un peu dans le club de football du coin. À ce moment, le football n’est plus ma priorité. Mais Dieu a décidé de me récompenser.

Tu as pensé abandonner l’idée d’être pro à un moment ?Oui, je n’y crois plus. Mais je me suis rabaissé, j’ai laissé mon orgueil de côté, j’ai accepté d’être nul. Et finalement, c’est une grâce de Dieu. Alors je me suis mis à travailler avec cette nouvelle force en moi. Dieu dit que tout homme qui s’élève sera abaissé, mais celui qui s’abaisse sera élevé. Ça m’a marqué.

Dieu dit que tout homme qui s’élève sera abaissé, mais celui qui s’abaisse sera élevé. Ça m’a marqué.

Ta vie est faite de rencontres, notamment deux importantes, la foi, mais aussi ta femme, peux-tu nous en parler ?Elle est très douée au football (Alicia Pourquies, meilleure buteuse de l’histoire de l’OM féminine), bien plus technique que moi. Donc elle m’a toujours soutenu, conseillé, aidé. C’était une chance de l’avoir à mes côtés, elle fait aussi partie de mes victoires.

Le fait d’être papa, ça change quelque chose dans ton métier ? Ça te responsabilise. Depuis l’âge de 14 ans, je ne m’étais jamais fixé, je vadrouillais. Un enfant, ça t’oblige à voir les choses autrement. Tu te dis « ah, c’est ça la vie ». Car le petit, il faut lui donner à manger, tu rentres dans une autre dimension. C’est merveilleux, mais il faut être prêt. C’est une vraie responsabilité, ça fait partie de ta croissance d’homme.

Dans cet article :
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