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Calabria, de bambino à capitano
Pur produit de la formation milanaise et désormais capitaine, Davide Calabria fait perdurer la tradition des bandiere, au même titre que Cesare Maldini, Franco Baresi et Paolo Maldini. Mais surtout, le défenseur rossonero est le dernier survivant de l'ancien Milan soporifique pré-Pioli.
Dimanche 25 février 2018, Rome. Alors qu’on entre dans le dernier quart d’heure de ce Roma-Milan, les hommes de Gennaro Gattuso mènent au score, mais sont bousculés par des Giallorossi bien décidés à égaliser. C’est le moment que choisit Davide Calabria pour s’ériger en héros. Après avoir percé la défense adverse d’un raid solitaire, il parvient à jouer le une-deux avec Kalinić, puis doubler la mise d’un somptueux lob sur Alisson. Comme un symbole, le bambino de Milanello se rend tête baissée vers le parcage visiteur pour fêter ce but de la délivrance avec les tifosi, le premier de sa jeune carrière. « Honnêtement, je n’ai pas les mots pour expliquer ce que je ressens, c’est que du bonheur de marquer mon premier but avec Milan dans un match comme ça, lâchera humblement le latéral droit rossonero à la fin de la rencontre. Merci à mes coéquipiers et surtout au coach pour sa confiance. »
Sandwich et Super Pippo
À l’image de son collègue Sandro Tonali, Calabria fait partie de ces gamins biberonnés aux exploits de la bande de Super Pippo, Maldini, Kakà & co. Ils ont même grandi à moins de 20 kilomètres l’un de l’autre. Le latéral droit, lui, a fait toutes ses classes à Milan. Arrivé au club à l’âge de 6 ans, le gamin d’Adro, banlieue de Brescia située à 71 kilomètres du chef-lieu de Lombardie, n’a pas hésité une seule seconde à rejoindre Milanello. « Dans ma famille, excepté mon père, tout le monde supporte le Milan, expliquait-il dans un entretien accordé à Cronache di Spogliatoio. Il y a eu plusieurs clubs qui se sont intéressés à moi, notamment l’Atalanta et Brescia. Cela aurait été plus pratique pour mes parents, car j’habitais vraiment entre les deux villes. C’était un peu plus compliqué d’aller à Milan, mais mon amour et celui de mes proches nous a convaincus dans ce choix. »
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Avant d’intégrer le centre de formation rouge et noir à l’âge de 15 ans, Davide est en préformation et doit aussi faire cinq allers-retours dans la semaine entre la casa (ou l’école) et Milanello. Mais le fan de Maldini et de Ligabue peut compter sur une mamma en or : « Elle a fait énormément de sacrifices, je ne m’en rendais pas forcément compte plus jeune, sachant que l’on n’a pas énormément d’argent. Souvent, à l’aller, je faisais une sieste, car j’étais fatigué de ma journée d’école. Et au retour, je faisais mes devoirs et je mangeais un sandwich qui était mon repas du soir. À force, j’étais épuisé, donc mes parents m’ont mis dans un internat plus proche de Milan. » Sérieux et déterminé, le jeune défenseur impressionne et s’impose comme l’un des grands espoirs de la formation milanaise. Aux côtés de Patrick Cutrone, « son meilleur ami dans le football », ou encore Manuel Locatelli, Calabria fait des prouesses avec la Primavera, sous les ordres d’un certain Filippo Inzaghi.
Et c’est ce même Pippo qui va alors exaucer son plus grand rêve, le 30 mai 2015. Pour le dernier match de la saison (exercice durant lequel les Rossoneri termineront à une pitoyable dixième place), le néotacticien décide de lancer dans le grand bain son poulain lors des six dernières minutes d’une victoire sur la pelouse de l’Atalanta (3-1). « J’ai franchi les étapes avec un seul rêve, celui d’un jour intégrer l’équipe première. Je ne pensais pas forcément y arriver, mais je n’ai pas arrêté d’y croire et ça a payé, c’est dingue », explique-t-il, toujours pour Cronache di Spogliatoio. Tifoso de la première heure pour qui « la victoire à Athènes en 2007 reste encore le meilleur souvenir de [sa] vie », Calabria évolue alors paradoxalement dans l’un des pires Milan des dernières décennies.
« San Siro l’a très vite adopté »
Bertolacci, Luiz Adriano, Kucka, Alex, M’Baye Niang, Honda, tels étaient les noms avec lesquels a débuté Davide Calabria, tels sont les premiers coéquipiers de l’adolescent en professionnel. C’est dire. À l’été 2016, à l’issue de sa première vraie saison dans le groupe professionnel (42 fois dans le groupe pour huit petites apparitions), il dresse un bilan tristounet de ses débuts dans les colonnes de la Gazzetta dello Sport : « Pour moi, c’est une magnifique première saison. J’ai énormément progressé sur de nombreux aspects. D’un point de vue collectif, c’est plus mitigé. Disons qu’il y a un cruel manque d’appartenance de certains joueurs. Quand tu joues pour le Milan, tu ne peux pas te contenter de la sixième place. »
Malgré les carences de ses coéquipiers, Calabria fait son trou, profitant du début d’arthrose d’un doyen à son poste, Ignazio Abate. L’actuel entraîneur de la Primavera milanaise comprend que ses plus belles heures sont derrière lui et que sa relève est assurée. « Je suis content de voir un joueur talentueux pour prendre ma relève. Il arrive à combler ses lacunes avec sa hargne et son intelligence », argumentait Abate au sujet de son successeur après une victoire milanaise en octobre 2018 face à l’Olympiakos (3-1).
Titulaire indiscutable depuis l’arrivée de Gennaro Gattuso en novembre 2017, Calabria est devenu l’un des chouchous de San Siro. Latéral à l’ancienne, l’international italien n’a jamais triché sur le pré : « On le sait, ce n’est pas le joueur le plus spectaculaire qui a joué chez nous. Mais bordel, il est vraiment important, il donne toujours tout, en plus d’être formé ici. Forcément, San Siro l’a très vite adopté », explique Massimo, supporter milanais et abonné en Curva Sud. Jeune et ambitieux, Calabria donne satisfaction à tous ses entraîneurs, de Gennaro Gattuso à Marco Giampaolo et désormais Stefano Pioli. Si le Milan rayonne de nouveau sous les ordres du divin chauve, il ne faut pas oublier que son latéral droit reste l’unique rescapé de cet odieux Milan.
Tatouage, pinard et clébard
Cinq ans après ce fameux but face à la Roma, Calabria est toujours vêtu de la tunique rouge et noir, avec en plus le brassard de capitaine au biceps. « C’est un capitaine exemplaire, j’ai énormément de respect pour lui, pour le joueur, mais aussi et surtout pour l’homme », se montrait élogieux Pioli à l’encontre de son capitaine. Des éloges réciproques : « J’ai connu le pire Milan avant l’arrivée de Pioli. En plus, il y avait une instabilité institutionnelle, donc cela n’arrangeait pas les choses. Mais lorsque Stefano est arrivé, tout a changé, nous sommes redevenus ambitieux », se remémore le seul Rossonero, avec les remplaçants Pobega et Gabbia, à avoir été formé au club. Car oui, depuis l’arrivée de Super Stefano, le Milan s’est réinstallé sur le trône de l’Italie et a surtout retrouvé le dernier carré de la Ligue des champions. « Depuis tout petit, je rêve de gagner la Champions avec le Milan, alors oui, c’est notre objectif. Nous sommes le Milan, nous sommes habitués à gagner des trophées », lâchait-il, un poil trop confiant, après la qualification obtenue en terre napolitaine. Une déclaration de capitaine qui n’a pas laissé indifférent un certain Massimo Ambrosini, consultant pour Prime Video Italia : « Tu as raison Davide, ramenez-nous ce beau trophée à Milan. Ça fait trop longtemps que l’on ne l’a pas vu ici. »
Si le capitaine rossonero est souvent occupé à boire du jus géorgien sur le terrain, sa boisson préférée reste le vin, mais les grands crus. « Je suis un collectionneur, cela m’a toujours fasciné, cela me donne le sens de la terre et des racines. J’ai toujours trouvé ça super intéressant. Mon grand-père était comme ça aussi », explique-t-il à Rivista Undici. Toujours attaché à sa famille et à ses racines, Calabria revient très souvent dans sa commune d’Adro, « pour faire des balades et se ressourcer », mais aussi et surtout pour profiter des vignes de la région et du bar de son paternel, situé dans le centre-ville de Brescia. Son cru préféré, le Brunello de Montalcino : « Ce vin représente les traditions italiennes et je suis très proche de l’histoire de l’Italie, et en plus c’est un vin qui vient de chez moi. »
Le vin, donc, mais aussi les tatouages et les chiens : « Petit, j’avais des figurines de Dragon Ball Z dans ma chambre, maintenant, j’en ai en tatouage un peu partout. Mais mon premier tatouage, c’est “You’ll never walk alone”, c’est une référence directe à ma famille. Sinon j’ai des tatouages qui représentent un peu tout, un tigre qui représente ma sœur et ma mère. (…) J’aime beaucoup les animaux et surtout les chiens. J’essaye d’aider les animaleries, en faisant de nombreuses visites. La maltraitance animale, tout comme le racisme que je dénonce, est une cause qui me tient vraiment à cœur », avance-t-il dans l’émission Stasera c’è Cattelan sur la Rai. Une passion partagée avec de nombreux coéquipiers, dont Simon Kjaer, qui, lui, aurait un tatouage de Johnny Bravo sur l’une de ses fesses. Il reste trois matchs à David Calabria pour trouver une petite place sur son corps à la coupe aux grandes oreilles.
Par Tristan Pubert