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Abriel : « Ramener l’OM sur le devant de la scène, c’était fou »
Ancien de Marseille et Lorient, Fabrice Abriel a mis un terme à sa jolie carrière il y a un an avec l’envie de devenir entraîneur. L’ex-milieu de terrain explique où il en est. Tout en revenant sur l’apport de ses anciens coachs, ainsi que sur ses passages chez les Phocéens et les Merlus.
Tu as stoppé ta carrière à Valenciennes en 2015. Depuis, tu as fait quelques piges en tant qu’entraîneur amateur, c’est ça ?En fait, j’ai fait un stage en parallèle du diplôme d’entraîneur. Quand j’ai rompu mon contrat avec Valenciennes en septembre 2015, j’ai décidé de ne pas changer de région et j’ai choisi Escaudain pour m’initier. J’ai eu mon diplôme en juin, et là, je viens de m’engager dans un club de la région parisienne, les Gobelins. J’aurai une équipe de DH. On va essayer de redonner un second souffle à cette équipe.
Ça a donné quoi, à Escaudain ?Ça m’a vraiment plu. J’étais en amateur, alors c’est forcément enrichissant. Car c’est là que le mot entraîner prend tout son sens. En Ligue 1 ou Ligue 2, ton boulot est déjà un peu mâché. Ce n’est que du management d’homme, l’effectif a déjà un bagage. Chose qui est tout à fait différente chez les amateurs. Tu as tout à leur apprendre.
Donc tu n’as jamais été entraîneur à l’AS Aulnoye, comme plusieurs sites internet l’affirment ?Non ! On les a rencontrés en championnat, mais c’est tout.
Quand t’est venue l’idée de devenir coach ?Durant les dernières années de ma carrière. En fait, à ce moment-là, tu es davantage dans le partage avec la nouvelle génération.
Tu les orientes, tu leur donnes des conseils… Tu es moins autocentré, tu ne penses plus vraiment à ta carrière. Tu es aussi plus dans le partage avec le coach, puisque tu as forcément plus de recul. Donc tu sens si tu as la fibre ou non, tu vois. Quand tu parles avec des jeunes et qu’ils sont réceptifs à certains de tes conseils, ce n’est pas anodin. Quand tes partenaires se tournent vers toi en plein match pour te demander ce qu’il faut faire, tu te rends compte qu’entraîner, c’est sans doute fait pour toi. Pareil avec les entraîneurs : s’il y a des choses qui collent, et que tu as des convictions sur les choix tactiques à prendre… Mais être prêt à se lancer, ça prend du temps. Quand Christian Gourcuff est parti entraîner l’Algérie, il m’a proposé de venir avec lui sur le banc. Sauf que je n’étais pas prêt. J’ai signé à Valenciennes et un an plus tard, là, je me suis senti prêt.
Tu t’inspires de qui ?Un peu tout le monde. Je n’ai pas dégagé un homme en particulier. Parce que chaque entraîneur est bon dans un domaine spécifique. Sur le plan tactique, je prends modèle sur Christian Gourcuff. Sur le plan de la formation, c’est Claude Puel. Sur la gestion de groupe, Didier Deschamps. J’ai noté toutes les différences, leurs points forts… Et j’essaye désormais de trouver mon ADN à moi.
Et il ressemble à quoi, l’ADN Abriel ?Ce n’est que le début, mais on tend vers une philosophie où le collectif sera primordial. Une équipe bonne tactiquement – j’adore la tactique ! –, mais aussi prête au combat. Après, seul l’accomplissement d’une saison entière, ou deux, ou trois, me donnera une idée de ce que je veux vraiment.
Est-ce qu’il y a, au contraire, des entraîneurs avec qui tu as travaillé et qui représentent ce que tu ne veux pas devenir ?Je vais te répondre autrement : même chez les meilleurs, il y a des domaines qui pèchent. Christian Gourcuff, par exemple.
Sur le plan tactique, il est exceptionnel, il met l’accent sur des points bien précis que le supporter ne peut pas voir. En revanche, dans le relationnel, ce n’est pas forcément parfait. Pareil pour Claude Puel, qui aime bien tout centraliser, tout maîtriser, et qui privilégie la patience à l’instantané. Lui, il peut faire jouer des jeunes qui sont moins bons que des « anciens » juste pour les faire progresser, peut-être au détriment du résultat. En fait, les qualités d’un coach font parfois leurs défauts.
Avec Christian Gourcuff, tu as pris ton pied, quand même.Ah mais oui, on avait la même vision du football. C’est avec lui que je me suis le plus éclaté. Mais paradoxalement, on ne se parlait pas énormément.
Lorient, c’est la meilleure période de ta carrière ?C’est difficile de juger. Moi, ce que j’ai envie de retenir de ma carrière, c’est que j’ai été titulaire avec tous les entraîneurs que j’ai eus, quelle que soit la tactique mise en place ou le poste qu’on me confiait. Je me suis adapté à tout ce qu’on me demandait. À Lorient, j’ai enchaîné tous les matchs pendant deux ans, ce que j’avais fait à Guingamp l’année d’avant (Abriel est le recordman du nombre de matchs consécutifs en Ligue 1, ndlr). Là-bas, j’étais au top dans mon jeu, mais aussi sur le plan intellectuel. J’avais l’impression de savoir comment allait se dérouler le match avant même qu’il ne débute. Et c’est là-bas que j’ai senti que j’avais franchi un palier. Que je me sentais vraiment comme un joueur confirmé.
Après, tu vas à l’OM. Tu as notamment joué la Ligue des champions avec Marseille.C’était un nouveau palier, encore. Il me manquait la réussite dans un club qui joue les premiers rôles et la C1.
C’était d’ailleurs la condition pour que je parte de Lorient, où j’aurais pu terminer ma carrière. Mais je ne voulais pas rester dans ce confort. Forcément, la LDC, ça reste de gros souvenirs. Premier match contre Milan : je suis remplaçant. Alors que j’étais titulaire lors de toutes les rencontres précédentes de L1… Bon. Face au Real Madrid, là, j’ai joué. Et en fait, c’est lorsque tu es sur le terrain que tu captes vraiment. Tu te rends compte que c’est la crème de la crème. T’as l’impression que tous les matchs que tu as faits avant, ça compte pour du beurre. C’est du bidon. Tu as toute ta carrière qui défile. On fait un super match… et on perd 3-0. Tu sentais que le Real avait une marge, alors que nous, on était au taquet.
Autres moments sensationnels, ce sont ces trophées glanés avec un club qui n’avait plus gagné de titre depuis dix-sept ans…Depuis 1993, Marseille n’avait rien gagné… Tu imagines ? Alors, on a commencé par une Coupe de la Ligue. Une minuscule Coupe de la Ligue, j’ai envie de te dire. Mais vu l’attente et l’émotion du public, c’était comme ramener le championnat. La folie. Ramener l’OM sur le devant de la scène, c’était fou. Quand on a vu l’engouement, le feu sur le Vieux-Port et tout, on s’est dit : « Putain, on est obligés de ramener le titre de champion ! » À ce moment-là, on avait deux matchs en retard. On joue quatre jours après la finale, on gagne. Une semaine après, on gagne de nouveau et on passe premiers. Le championnat avait tourné. C’était fini.
Surtout avec Didier Deschamps, le symbole du pragmatisme !(Il rigole) Ouais… Il ne se prend pas la tête, surtout. C’est un de ses points forts. Autant il veut tout contrôler et tout connaître de l’adversaire, autant sur certains détails…
Il ne va pas te faire chier pour des trucs puérils comme d’autres entraîneurs. J’en ai vues, des causeries d’après-match de 45 minutes après une défaite qui ne servent à rien. Lui, c’est : « C’est bien, on a gagné, félicitations, rentrez chez vous, reposez-vous bien, on rejoue dans trois jours. » Ou : « On a perdu, on ne va pas s’enflammer, on ne va pas pleurer, on se reconcentre, on se remet au boulot et on change les choses pour samedi. » Ça dure deux-trois minutes, tu vois ce que je veux dire ? Et s’il a un problème avec un gars, il le chope et lui parle entre quatre yeux…
Vous la sentiez, la tension Deschamps-Anigo ?Bah elle était officielle, donc on était au courant ! Mais on ne les a jamais vus s’embrouiller en direct, hein.
Du coup, tu vas supporter qui lors de Lorient-Marseille ?Je ne suis pas du genre à supporter une équipe, mais je regarde beaucoup le foot en général. Et ça va être un match compliqué pour l’OM.
Propos recueillis par Florian Cadu