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Abramovich : le déclin de l’empire Roman
Alors que Downing Street n'a toujours pas renouvelé son visa britannique, Roman Abramovich a décidé d'envoyer un message sans ambiguïté au football anglais et au Chelsea FC, en suspendant la construction du nouveau stade des Blues. Signe que le rapport du milliardaire russe avec Chelsea n'est sans doute plus aussi idyllique que par le passé.
Il y a comme un léger vent de panique qui souffle sur Stamford Bridge. Ou du moins une brise d’incertitude. Alors que Laurent Blanc aurait rencontré ces dernier jours Marina Granovskaia, la directrice générale des Blues, l’ancien international français pourrait bien devenir le prochain manager de Chelsea. Un défi de taille, alors que la mécanique du club londonien semble grippée depuis plusieurs mois. La faute à son tout-puissant propriétaire, Roman Abramovich.
Impasse diplomatique
Fin mai dernier, Chelsea annonçait suspendre jusqu’à nouvel ordre la construction de son prochain stade, le nouveau Stamford Bridge. Une décision prise en raison « d’un climat actuellement défavorable à l’investissement » . Plutôt cryptique. Sauf si l’on se met à scruter les problèmes qui se posent présentement à Roman Abramovich. Le visa du propriétaire des Blues, qui lui permet de travailler en terre britannique, a expiré depuis la fin avril. Problème : il n’a depuis pas réussi à renouveler son titre de séjour. La faute aux autorités britanniques, qui refuseraient de lui délivrer le précieux sésame tant qu’il ne fournirait pas d’explications claires sur l’origine de sa fortune.
Un raidissement vis-à-vis de l’oligarque qui peut a priori surprendre : depuis qu’il a racheté Chelsea en 2003, Abramovich n’avait jusqu’ici pas vraiment été inquiété pour les autorités locales. Au Royaume-Uni, quiconque – à l’instar du propriétaire de Chelsea – investit 2 millions de livres dans l’économie du pays, se voit en effet délivrer un visa de quarante mois, qui peut ensuite être prolongé. Mais, depuis 2015, un tel visa peut être refusé si le pouvoir britannique estime que l’argent ne provient pas d’une source légale ou que l’origine de ces fonds est telle que délivrer un visa « nuirait à l’intérêt général » . Un soupçon qui pèserait donc sur une partie de la fortune d’Abramovich. Les déboires du milliardaire sont peut-être aussi liés aux tensions qui ont récemment pollué les relations russo-britanniques : depuis que Moscou aurait tenté d’assassiner mi-mars un ancien agent double à la solde des Britanniques, Londres a pris diverses sanctions à l’encontre de la Russie, notamment en expulsant 23 diplomates russes du Royaume-Uni. Le non-renouvellement du visa d’Abramovich, un proche de Vladimir Poutine, constituerait ainsi potentiellement une nouvelle sanction à l’encontre de Moscou.
Stade au point mort
Le propriétaire de Chelsea n’aurait donc pas fait dans le détail pour amorcer une contre-attaque à sa façon : depuis l’année dernière, Chelsea prévoit d’achever d’ici 2021 la construction du nouveau stade Stamford Bridge. Une enceinte flambant neuve de 60 000 places – censée remplacer le stade actuel qui ne compte que 40 000 sièges – dont la construction est désormais suspendue. Tout sauf anecdotique. Le nouveau stade des Blues, dont les coûts de construction sont estimés à 1,14 milliard d’euros, devait en effet s’affirmer comme la pierre angulaire de la politique économico-sportive du club dans les années à venir. Notamment en permettant à Chelsea d’augmenter de 70 à 100 millions de livres ses recettes annuelles au stade lors des jours de match.
Un nouveau coup dur pour les Blues, alors qu’Abramovich semblait déjà depuis de longs mois décidé à réduire ses investissements dans le club. C’est en tout cas ce qu’indiquait implicitement Antonio Conte dès la mi-janvier. Pour le Mister italien, les Blues ont cessé d’être le principal mastodonte financier de la Premier League. « Ce n’est pas simple de penser qu’on puisse finir devant des clubs comme Manchester United et Manchester City. Ces équipes continuent de s’améliorer, en investissant énormément d’argent… Si vous continuez d’avoir cet écart entre elles et les autres… Disons qu’il y a une transition au club. Je n’aime pas ce mot, mais il nous faut voir la vérité. »
Blanc et Blues
Une vérité qui se traduit aussi par le flou dans lequel est plongé le secteur sportif des Blues. En froid avec sa direction, Antonio Conte est jusqu’à nouvel ordre l’entraîneur des Londoniens, même si Laurent Blanc semble en pole position pour lui succéder. Un remplacement en forme de second choix pour la direction de Chelsea qui, à en croire les médias britanniques, aurait d’abord tenté d’attirer, sans succès, Luis Enrique et Maurizio Sarri dans ses filets.
L’incertitude demeure également quant au futur de certains joueurs cadres de l’effectif comme Thibaut Courtois, qui n’a toujours pas prolongé son contrat qui expire en juin 2019, et Eden Hazard. L’ailier belge s’est même permis de mettre subtilement la pression sur ses dirigeants mi-mai : « Je dois penser à beaucoup de choses avant de prolonger… Je veux qu’on recrute de bons joueurs, parce que je veux gagner la Premier League la saison prochaine. » Pas sûr que Roman Abramovich ait comme priorité d’exaucer les vœux de son attaquant. Fin mai, le propriétaire de Chelsea, de confession juive, s’est vu accorder la citoyenneté israélienne et devrait s’installer à Tel-Aviv. Israël, un pays où il n’aura pas à justifier l’origine de ses fonds. Mais où il risque sans doute de s’éloigner encore un peu plus de Londres et des supporters des Blues.
Par Adrien Candau