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Abraham Guié Guié : « Ma femme savait pourquoi j’étais là-bas »
Il ne s’y connaît pas des masses en cinéma, a raté la seule saison de Ligue 1 de sa carrière avec Nice, vient de diviser son salaire par deux et a lutté quatre ans pour maintenir son couple à 4 000 kilomètres de distance. Sur le papier, Abraham Guié Guié aurait pas mal de raisons de se dire qu’il a la guigne. Pourtant, lors de l'été 2010, l'Ivoirien remplaçait Olivier Giroud à Tours et s’apprêtait à devenir le meilleur buteur de l’histoire de la Ligue 2... sur les quatre premières journées. Un titre qui lui appartient toujours, au moment de son retour à Orléans.
Tu es recordman du nombre de buts inscrits sur les quatre premières journées de Ligue 2, avec sept buts. Question simple : tu le savais ?Euh… oui, oui oui. Ils me l’ont dit à Tours.
C’était pendant la saison 2010-2011. Tu débarques du Budapest Honvéd et tu mets un triplé lors de la première journée contre Sedan, un triplé lors de la troisième contre Clermont puis un dernier but à la quatrième face à Évian… Mais qu’est ce que tu foutais contre Istres ? (J2, défaite 1-0, ndlr)(rires) C’était contre qui ? Istres ? J’ai marqué contre eux au match retour, mais pas au match aller. Bah je sais pas, je n’avais pas la réussite. J’ai tout donné pourtant.
C’est quoi ton secret pour un début de saison canon ?Je n’ai pas de secret. J’avais fait une bonne préparation avec l’équipe, j’avais la confiance de tout l’encadrement, du coach, donc je me sentais en confiance. Moi, je suis croyant et puis voilà. Je prie mon Dieu. Je suis arrivé en pleine forme parce que je venais de Hongrie à l’époque, et que je voulais vraiment me faire une place en Ligue 2.
Tu penses que la foi a pu t’aider à marquer plus de buts ?Quand j’ai vu que j’étais déjà à sept buts après quatre journées, je me suis dit que bien sûr, c’était le résultat de la prière, mais aussi du travail. J’étais en pleine confiance, le but venait à chaque fois que je frappais.
La base pour un bon début de saison, c’est de faire une préparation de malade, non ? À quoi ressemblait la tienne ?Les préparations en France et en Hongrie ne sont pas du tout les mêmes. Ici, j’ai eu beaucoup de mal avec les courses et tout, mais j’ai su m’adapter. Comme je l’ai toujours dit, tout le monde m’encourageait. Il y avait plus d’exercices physiques, des 100m, des 200m, des 400m… c’était dur, mais c’était pour une bonne cause.
Est-ce qu’il y a d’autres domaines dans ta vie où tu lâches tout super tôt ?D’autres domaines dans ma vie où je lâche tout ? Pfff… je ne sais pas parce que moi, je suis tout le temps à la maison, je ne sors presque pas. Famille, famille, famille… J’aime bien me poser chez moi, parce que l’entraînement est souvent très dur. Alors, si derrière tu sors, tu vas te balader ou tu fais un truc après, tu perds de l’énergie. Donc c’est inutile. Le meilleur truc, c’est le repos. Tu es en famille, avec des potes, tu discutes, c’est ça le truc.
Pour en revenir à ta saison 2010-2011, tu as marqué plus de buts sur les quatre premières journées que sur les trente suivantes, puisque tu termines avec 13 buts en championnat. Comment tu expliques cette baisse de régime ?Quand on est rentrés en novembre, je me suis blessé à la cuisse. Quand je suis revenu, je n’étais pas à mon top niveau, mon corps était bizarre, il était mal. J’avais le moral un peu touché parce que j’avais peur de faire des trucs, des courses, des frappes, et du coup je n’avais pas l’inspiration que j’avais au début.
Quel souvenir gardes-tu de ta saison suivante, à Nice ? Tu découvres la Ligue 1, mais ça ne se passe pas aussi bien que prévu…Oh, c’est une période difficile dans ma carrière. C’est Éric Roy qui m’avait fait venir, mais j’étais arrivé trop tard pour faire la préparation avec Nice. Je n’ai pas non plus fait la préparation avec Tours, parce qu’ils ne voulaient pas prendre le risque que je me blesse pendant les négociations. Donc je suis arrivé alors que le championnat avait déjà commencé, et j’ai dû tout reprendre de zéro. Puis, au bout de six mois, le coach Éric Roy est parti, et René Marsiglia, l’entraîneur adjoint, a repris l’équipe. Il a refait six mois, puis Claude Puel est arrivé. Tu sais, un entraîneur, il vient avec son effectif et tout… Je n’étais pas dans son plan de jeu. Il me mettait de côté, puis j’ai eu une discussion avec lui dans son bureau. Il m’a dit que j’étais bon, mais qu’il préférait un autre type d’attaquant. Donc il a fait venir Darío Cvitanich, et je lui ai demandé à être prêté à Lausanne.
Tu as passé quatre ans à Chypre, à Limassol. Pourquoi revenir en France en Ligue 2 alors que tu jouais la Ligue Europa là-bas ?C’est surtout familial, parce que moi, j’ai toute ma famille ici : ma compagne, mes enfants et tout. Les supporters à Chypre voulaient que je reste un an de plus, mais le club était un peu… disons que j’étais le joueur le mieux payé là-bas. Donc, c’était soit je diminuais mon salaire, soit je partais et ils prenaient deux joueurs pour ce que je leur coûtais. Je n’ai pas accepté leur proposition, donc j’ai décidé de partir. Puis c’était aussi familial, hein, mes enfants, ils vont à l’école ici, et quatre ans à voir la famille deux fois par an…
Attends, pendant quatre ans, tu ne voyais ta femme et tes enfants que deux fois par an ?Voilà. Pendant les vacances d’été et en décembre, ils venaient. Quatre ans, ça m’a un peu fatigué. J’ai parlé à ma compagne et on a décidé que c’était mieux que je revienne en Ligue 2.
Comment un couple peut-il résister à la distance ?C’est difficile, mais tu sais, ma femme savait pourquoi j’étais allé là-bas. C’était bien quand même, c’était une bonne chose. Je me suis épanoui, j’ai fait mes trucs et j’ai laissé mon nom là-bas.
Pour qu’on se rende compte, quel est le rapport entre ce que tu touchais à Chypre et ce que tu touches maintenant à Orléans ?Oh il y a une grande différence, hein. (silence) Une très très très très grande différence. Par rapport à ce que je touchais à Chypre, ici je ne touche même pas la moitié.
C’est-à-dire ?Là-bas je touchais un chiffre net, et maintenant je touche la moitié de ce que j’avais avant, mais en brut. J’étais à… 20 000 net. Avec les primes de match, mes primes personnelles comme les primes de but, ça faisait peut-être 25 000, 26 000. Aujourd’hui, je touche 10 000 euros brut à peu près. Après, je n’ai pas mis les sous au divan (sic), j’ai pensé selon la famille.
Tu as connu pas mal de pays : l’Afrique du Sud, La Côte d’Ivoire, la Hongrie, Chypre, la Suisse et la France. Quelle culture t’a le plus marqué ?Chypre. Le Chypriote est à la fois bizarre et doux (rires). C’est selon son humeur. Un jour, il peut te donner tout ce que tu veux, et le lendemain il vient d’une humeur totalement différente et ne te donnera rien de ce que tu demandes. Mais le pays était bien, la ville aussi. C’est aussi pour ça que je suis resté quatre ans, parce que je m’y sentais bien. J’avais l’impression d’être au pays. Il fait tout le temps chaud là-bas. Même en décembre, il ne fait pas froid.
Bon, tu as un peu la pression pour les quatre journées qui viennent ?Non, je n’ai pas la pression. Le championnat, il est long. Après, les années ne sont pas les mêmes. Là, j’ai 31 ans, donc mon physique n’est plus le même. Je me suis bien entendu avec mes coéquipiers, le coach et tout le monde. Tout le monde m’aime bien. Le reste, c’est une histoire de confiance.
Tu vas mettre un triplé contre Nancy à la 1re journée, du coup. Ça, je ne veux pas parler, ça va se régler sur le terrain (rires). Si ça vient ça vient, mais je ne peux pas dire que je vais mettre un triplé. Si je peux déjà commencer par un but et qu’on gagne, ce serait très bien.
Orléans fait un gros mercato. Qu’est-ce que vous attendez de la saison à venir ?On ne va pas se mentir, l’année dernière, Orléans n’était pas bien. Le club a lutté pour garder sa place en Ligue 2. Cette année, je pense que ça va être pareil. On vise le maintien, et après dans les années à venir, pourquoi pas la montée ?
Propos recueillis par Théo Denmat et Robin Richardot