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Aboubacry Ba : « Renard a osé faire reculer Yaya Touré »

Propos recueillis par Arthur Jeanne
10 minutes
Aboubacry Ba : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Renard a osé faire reculer Yaya Touré<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Aboubacry Ba est le monsieur foot de Canal + Afrique. Le journaliste sénégalais qui officie notamment aux côtés de Philippe Doucet dans Talents d'Afrique livre ses impressions sur cette CAN.

Commençons par la victoire des Ivoiriens, pour toi c’est un sacre logique ?

Disons qu’ils sont devenus la meilleure équipe. Au départ, c’était loin d’être la meilleure sélection. D’ailleurs, c’est même loin d’être la meilleure équipe de la Côte d’Ivoire. Depuis 2006, ils ont aligné des équipes sur le papier plus fortes. Pour la première fois depuis 2006, ils n’étaient pas favoris. Ils ont connus un après-Coupe du monde délicat. Des éliminatoires très compliqués, avec notamment 4 buts encaissés face à la RDC et face au Cameroun. Ça n’a pas pris tout de suite avec Hervé Renard. Ils ont démarré sans cette étiquette de favori et ont su monter en puissance. Le groupe a pris de la confiance. Au départ, on n’attendait pas Bailly ou Kanon titulaires en défense, Gbohouo dans les buts. La défense était d’ailleurs en difficulté au début. Puis elle est montée en puissance. Je pense d’ailleurs que la meilleure recrue d’Hervé Renard est Kolo Touré qui a stabilisé la défense.

La patte Hervé Renard, c’est ce qui a fait le succès de cette équipe ?

Oui, c’est très impressionnant. Il a fait preuve de caractère surtout. Il a pris une équipe de stars, de gros égos, considérée comme la meilleure d’Afrique depuis 2006. Il est arrivé, il a bousculé des joueurs qui étaient dans leur confort. Il n’a pas hésité à se passer de Bamba, qui était un cadre. Il s’est débarrassé de lui. il savait que le talent n’avait pas disparu, mais il fallait insuffler un nouvel état d’esprit.

Il n’a pas eu peur de se confronter aux « sénateurs » de l’équipe en fait ?

Il leur a dit : « Vous avez tout gagné en club, vous n’avez rien gagné avec votre pays. Moi, je suis champion d’Afrique. Vous m’écoutez et on va chercher ce titre. »

Yaya Touré symbolise ce changement, non ?

Tout à fait. Renard a dans son équipe le quadruple Ballon d’or africain Yaya Touré, il l’a fait reculer. Aucun coach n’aurait osé le faire, mais il l’a replacé dans un rôle beaucoup plus défensif, ce qui est son poste original. Résultat, on a retrouvé le Touré d’avant, qui se met au service de l’équipe. C’était devenu une sorte de patron, il a su le bousculer. On avait quasiment oublié que Touré était un milieu défensif, comme il met 20 buts par an. Renard a su le placer devant sa défense à 3, pour l’assise de l’équipe. Il est allé au charbon, tacler, récupérer des balles, ce qu’on ne le voyait plus faire en sélection.
 Cela a fait déjouer les équipes adverses aussi, qui s’attendaient à affronter une Côte d’Ivoire différente tactiquement avec un Touré plus haut. Et puis Touré a su, comme le grand joueur qu’il est, faire une différence au bon moment face à la RDC dans ce qui est pour moi le but le plus important de la Côte d’Ivoire lors de la CAN.

Les joueurs qui t’ont le plus impressionné ?

Atsu a été déséquilibrant et impressionnant de facilité à chaque match, Kidiaba, le goal de la RDC alors qu’il a 39 ans, et Javier Balboa, excellent techniquement. Tout le monde avait oublié qu’il a joué au Real Madrid, il a montré pourquoi. Il a prouvé que c’était un excellent joueur.

En tant que sénégalais, t’as pensé quoi de cette CAN des Lions de la Téranga ?

Une immense déception, parce que je n’ai pas retrouvé le Sénégal des éliminatoires. On a beaucoup épilogué sur l’échec du Sénégal, pas parce que c’est un grand d’Afrique, mais en raison des éliminatoires. On arrivait bien armés, après une phase d’éliminatoires de grande qualité. C’est même parti des barrages de Coupe du monde où le Sénégal a failli sortir les Ivoiriens à Casablanca. Au pays, tout le monde s’est dit : une équipe est née. L’équipe arrive en tête d’un groupe compliqué en qualifs, avec un seul but encaissé, les attentes sont hautes, d’autant que ça commence avec une victoire face au Ghana.
Si un sélectionneur arrive dans un pays et méprise la presse locale, ne lui adresse pas la parole, le jour où cette presse peut se venger, elle ne va pas lui tendre la main.

Il a manqué quoi, alors ?

Peut-être l’expérience du haut niveau, et il y a eu des choix de coaching étranges aussi. Après la victoire face au Ghana, le coach a fait 5 changements dans son 11. En général le turnover commence lors du dernier match, donc on n’a pas trop compris. Pourquoi ? Est-ce qu’on s’est vu trop beau en pensant que l’Afrique du Sud, c’était facile à battre ? Je n’ai pas trop compris.

Un des moments marquants de la CAN, c’est cette conférence de presse où Giresse se fait allumer par la presse sénégalaise.

Personnellement, ça ne m’a pas surpris. C’est le lot de tous les sélectionneurs éliminés au premier tour de se faire critiquer. Mais là, le niveau des questions, des débats de cette conférence de presse montrait qu’au-delà du jeu, il y avait un fort ressentiment de la presse sénégalaise et presque un sentiment de revanche.

Tu l’expliques comment ?

Si un sélectionneur arrive dans un pays et décide de mépriser la presse locale, de ne pas lui adresser la parole, le jour où cette presse peut se venger, elle ne va pas lui tendre la main. Elle ne lui dira pas : « Coach, vous avez fait de bonnes éliminatoires » , elle ne rationalisera pas la défaite. Cette presse-là, elle va lui rappeler qu’elle existe, que la sélection nationale en Afrique, c’est l’affaire de tout le monde ! Il y a des sélectionneurs qui ont perdu en Afrique et qui n’ont jamais eu de problèmes avec la presse. Claude Leroy est présent depuis 1985, il n’a jamais eu de problème avec la presse locale, car il prend le temps de lui parler, il sait combien elle est importante. Giresse n’a jamais parlé à la presse sénégalaise. En tant que journaliste, j’en ai fait l’expérience, si tu es sénégalais, ivoirien, camerounais et que tu veux une information de ton sélectionneur, alors il faut lire la presse étrangère pour l’avoir. C’est frustrant, car ces entraîneurs dont je parle (Giresse entre autres), ils parlent à la presse sportive française, mais pas à la presse locale. La seule fois où la presse sénégalaise pouvait parler à Giresse, c’était en conférence de presse, alors ils en ont profité. La presse sportive africaine ne doit pas être négligée, on ne peut pas décréter qu’ils sont mauvais et ne pas leur parler et attendre en retour un traitement juste.

En parlant de ça, ça fait penser aux sorciers blancs, comment tu expliques autant d’entraîneurs européens à la tête des équipes africaines ?

C’est ma plus grande préoccupation. Je n’arrive pas à comprendre. Lors de cette CAN, il y a 3 sélectionneurs africains sur 16, c’est le plus faible total et ça arrive dans un contexte assez bizarre. Lors des 6 CAN précédentes, il y a toujours eu un sélectionneur africain en finale (Keshi, Zahoui, Shehata). Un sélectionneur africain gagne la CAN en 2013, amène pour la première fois son pays en 8es de finale de Coupe du monde. C’est le moment précis que les fédérations choisissent pour ne pas prendre de sélectionneur africain. C’est un paradoxe que je n’explique pas.

Pourtant, il y a de la qualité.

À part Renard, les seuls sélectionneurs qui ont remporté plusieurs fois la CAN sont africains. Gyamfi dans les années 60 avec le Ghana, Shehata avec l’Égypte, donc il y a de l’expertise. Ce qui manque, c’est la confiance des fédérations. C’est un débat qui a encore cours en Afrique.

L’exemple de ça, c’est Florent Ibenge.

Ibenge a fait toutes les éliminatoires sans contrat, il se contentait de primes de matchs. Il a reçu son contrat un mois avant la CAN ! Et il termine en demi-finales, avec une équipe bien gérée, un projet de jeu clair. L’expertise africaine existe. Elle a juste besoin de la confiance de la Fédération.
Le dernier buteur à dépasser 3 buts en CAN, c’est Eto’o en 2008. Et qui peut mettre la pression à Samuel Eto’o ?

La Fédération congolaise, c’est d’ailleurs un peu n’importe quoi !

La RDC est troisième, on ne l’attendait pas du tout à ce niveau. Ils arrivent à l’aéroport de Kinshasa acclamés et on les entasse dans des pick-up sponsorisés par l’opérateur téléphonique local ; il n’y a même pas de car mis à disposition de l’équipe ! Cela m’a choqué. Et je me suis posé une question, avec un sélectionneur européen, ils auraient été traités comme ça ? Je ne le pense pas. D’autant que la fédé congolaise n’avait même pas envoyé Ibenge au tirage au sort. Il n’y a pas le même respect pour les coachs locaux que pour les entraîneurs étrangers.

Mais tu l’expliques comment, ce manque de respect ?

Les présidents de Fédération qui viennent, ils pensent court terme, mandats, réélections. Et dans l’imaginaire de ces dirigeants du foot africain, il faut aller chercher le coach le plus connu, pour gagner tout de suite et justifier une réussite de mandat. Il faut un nom, c’est malheureux, mais ça fonctionne comme ça, on ne pense pas au long terme. C’est la culture de l’immédiateté. Du coup, on ne pense pas local, dans l’esprit de ces dirigeants, le meilleur, c’est toujours l’ailleurs.

Comment t’expliques le niveau de jeu décevant de cette CAN ?

Il y a cette guerre larvée entre les clubs et la CAF depuis longtemps. Les clubs européens sont unanimement contre la tenue de la CAN en janvier. Ils ont usé de tous les moyens pour changer de dates, mais la CAF a tenu bon. Ce qu’il reste aux clubs, c’est de mettre la pression à leurs joueurs. Avant la CAN, ils font tout pour que les joueurs n’y aillent pas, souvent ça marche, d’ailleurs. Ça passe par des menaces à peine voilées, du genre en cas de blessure, on ne te prolongera pas. Tu ne seras plus titulaire en revenant. Cela s’abat sur des joueurs très prometteurs comme Brahimi qui est passé à côté de sa CAN. Les grands joueurs comme Touré ou Eto’o en son temps échappent à ses pressions-là, mais l’ensemble des jeunes joueurs prometteurs les subissent.

C’est donc pour ça que le niveau est moyen ?

Regarde les stats et les récompenses individuelles, très souvent les joueurs annoncés comme les stars de la CAN passent à côté. Le meilleur joueur de la CAN, c’est souvent un mec qui sort un peu de nulle part comme Katongo en 2012. C’est le résultat de cette guerre larvée, qui fait que les joueurs, en raison de cette pression, jouent un peu avec le frein à main. Cette pression justifie le faible niveau d’investissement des futurs grands. Par ailleurs, c’est la même chose avec le meilleur buteur, qui ne finit jamais à plus de 3 buts. Le dernier à dépasser ce chiffre, c’est Eto’o en 2008, et qui peut mettre la pression à Samuel Eto’o ?

Pour finir, tu penses quoi des sanctions contre le Maroc ?

C’est le tarif minimum. C’est pas fait à la tête du client, c’est prévu dans le règlement de la CAF, un pays désigné organisateur se désiste moins de 6 mois avant la tenue de la CAN, il y a cette batterie de sanctions qui doit s’abattre. 
Les raisons données par le Maroc en plus n’étaient pas super valables. Quand on accueille la sélection guinéenne, qu’on accueille les stages des clubs guinéens et qu’on maintient les vols avec ce pays, c’était bizarre de refuser la CAN pour cette raison. Ma conviction, c’est qu’ils ont accueilli plus de Guinéens dans les vols réguliers de Royal Air Maroc au départ de Conakry que si des supporters guinéens étaient venus. Le Maroc s’appuyait peut-être sur des informations qu’on ne connaît pas, mais pas sur les chiffres de l’OMS. La CAF a bien fait, parce qu’imaginez que la Guinée équatoriale ne se soit pas portée candidate… Il y aurait eu un manque à gagner énorme et ça aurait été un fiasco pour la CAF.
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Propos recueillis par Arthur Jeanne

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