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- Retraites de Diarra et de Diaby
Abou Diaby-Lassana Diarra, le chaînon manquant du milieu
À quatre jours d’intervalle, Lassana Diarra et Abou Diaby se sont retirés du circuit. Peut-être la seule fois de leur carrière où ils se sont réellement accordés sur le timing, alors que leur association au milieu n’a été finalement qu’un rêve chimérique, autant en sélection qu’en club.
Si Abou Diaby et Lassana Diarra avaient été des employés de bureau, avec leurs cinq semaines de congés payés et leurs RTT, il y a fort à parier que l’un aurait été juilletiste, l’autre aoûtien. Ainsi, chacun aurait profité du soleil sans jamais marcher sur le drap de bain de l’autre. À la rigueur, ils se seraient uniquement croisés à la machine à café d’une aire d’autoroute, s’échangeant un cordial, mais bref : « Bonne route ! » Sauf qu’Abou et Lass sont deux footballeurs, milieux de terrain de talent, de la même génération (respectivement né en 1986 et 1985) et aux caractéristiques terriblement complémentaires. Finalement, après l’annonce de leur retraite, leurs parcours professionnels apparaissent comme un chassé-croisé perpétuel alors qu’ils auraient pu former une des meilleures paires de récupérateurs du pays. Et ce n’est pas les occasions qui ont manqué.
Bleus, jamais après le premier rendez-vous
Leur première rencontre pouvait déjà ressembler à une consécration, puisqu’elle s’est réalisée sous le maillot bleu. 24 mars 2007, la France se déplace en Lituanie dans le cadre des éliminatoires de l’Euro 2008. Raymond Domenech doit composer avec les forfaits de plusieurs cadres (Vieira, Henry, Ribéry, Saha) et choisit d’apporter du sang neuf à son groupe. Les heureux se nomment alors Fred Piquionne, Samir Nasri, Karim Benzema, mais aussi Lassana Diarra et Abou Diaby. Le premier, qui commençait à faire son trou du côté de Chelsea, est titulaire à Kaunas. Le second, apparaissant de plus en plus régulièrement avec Arsenal, n’entrera à la place de Florent Malouda qu’à la 89e minute de jeu, alors que Nicolas Anelka avait déjà inscrit le seul et unique but de la partie. Quelques secondes en commun qui semblent alors sceller un destin commun appelé à continuer de s’écrire quatre jours plus tard au Stade de France, contre l’Autriche en match amical.
Cette fois les deux Franciliens — Lass vient de Paris 20e, Abou d’Aubervilliers, sans qu’ils ne se soient croisés dans leur jeunesse — commencent le match ensemble, dans un milieu à trois avec Rio Mavuba. Dans un match longtemps poussif, les deux nouveaux ont tenté leur chance, à l’image de la frappe lointaine de Diaby filant hors du cadre ou de la reprise de Diarra arrivant dans les gants de Jürgen Macho. De cette rencontre, c’est surtout la solide prestation de Samir Nasri qui restera dans les annales, passeur décisif pour son acolyte Karim Benzema, le tout pour leur première apparition en Bleu. Mais le public a pu également s’apercevoir ce soir-là qu’il détenait dans l’entrejeu deux joueurs capables de prendre la succession de la charnière iconique Vieira-Makelele.
Un projet mort dans l’œuf, puisqu’ils ne se recroiseront plus jamais en sélection. La faute, surtout, aux blessures à répétition d’Abou Diaby, lui qui n’a pu cumuler que 16 sélections en cinq ans. Mais aussi à l’inconstance de Lassana Diarra. Le seul tournoi international que celui-ci a disputé — sans pour autant y disputer une seule minute — restera donc l’Euro austro-suisse de 2008, et quand Abou Diaby ressortira la tête de l’eau, notamment pour le Mondial 2010 où il fut un des rares à se montrer à son avantage, c’était au tour de Lass de déclarer forfait… Si les circonstances prêtent à croire que c’est deux-là n’étaient peut-être pas faits l’un pour l’autre, on peut aussi suggérer que c’est parce qu’ils n’ont jamais eu la chance de se construire en tant que binôme qu’ils n’ont pas pu faire mieux en équipe de France.
Eux, les frères que l’on n’a jamais vus
Pourtant, ils ont pu bénéficier d’une séance de rattrapage en club. En août 2007, Lass Diarra rejoint les Gunners et donc Abou Diaby. Mais même à Londres, le temps d’une petite saison, ils n’ont pu partager que 350 minutes sur les gazons dont seulement 26 en Premier League. Famélique. C’est finalement l’Olympique de Marseille qui donnera une dernière chance à leur association à l’été 2015, rapatriant les deux espoirs déchus. Mais il ne s’agissait plus de parler à ce moment de promesses, mais plutôt de paris. Mais pendant que la remise en forme d’Abou Diaby à la Commanderie s’éternisait, le renouveau de Lass était déjà bien entamé. L’OM ne pourra profiter simultanément de ses deux internationaux que le temps de 4 matchs de Ligue 1 et 198 minutes.
Dans les Bouches-du-Rhône, ces revanchards se sont pourtant retrouvés avec plaisir, s’entraidant avec une complicité contrariée, comme s’ils cherchaient à rattraper le temps perdu. « Ils ont une bienveillance naturelle l’un envers l’autre, comme deux frères, confiait un membre du staff de l’OM à L’Équipe. C’est une relation rare, surtout pour deux joueurs qui pourraient être concurrents au même poste. Diarra est très pudique sur Abou, il vient faire de la récupération à ses côtés, dans l’ombre, avec un respect infini. » Abou et Lass, une équipe qui avait sur le papier la carrure pour porter l’équipe de France et assurer la transition entre Vieira-Makelele et Pogba-Kanté, n’en sera rien. Et c’est finalement une belle ironie de l’histoire de voir que leurs situations respectives les ont poussés à ranger au placard leurs crampons et leurs illusions la même semaine. La bonne nouvelle, c’est qu’ils pourront désormais partir en vacances lors des mêmes périodes.
Par Mathieu Rollinger