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Abelardo-Eusébio, à la croisée des chemins
Lors de la saison 1994-1995, les coachs respectifs du Sporting Gijón et de la Real Sociedad ont passé une année ensemble au Barça. Un mix entre nouveaux arrivants et anciens de la maison catalane, où Johan Cruyff deviendra au long terme le dindon de la farce.
C’était trop beau, trop fort. Orné d’une pléiade de stars comme Ronald Koeman, Romário ou Hristo Stoïchkov, le FC Barcelone arrive avec l’étiquette de favori pour cette finale de Ligue des champions 1993-1994. La Dream Team vient tout juste d’être sacrée championne d’Espagne, et rien ne semble arrêter son train d’enfer de dix-neuf rencontres sans défaite. Mais en face, le Milan AC de Fabio Capello joue sa seconde finale de C1 consécutive. Don Fabio souhaite surprendre son monde. L’issue sera tragique pour le Barça : Massaro par deux fois, Savićević et Desailly plient l’affaire en moins d’une heure (4-0). Un coup de massue pour Johan Cruyff et ses hommes, dont Eusébio Sacristan fait partie. La rencontre à peine terminée, l’heure est déjà à la saison suivante. « Nous avons connu une transition avec de nouveaux joueurs dans l’effectif, évoque Miguel Angél Nadal. Cela était dû principalement à notre finale perdue à Athènes. À partir de là, l’équipe a commencé à se déstructurer, elle n’avait plus le même visage. Certains joueurs étaient issus de l’époque dorée de Cruyff, puis d’autres sont arrivés pour assurer le futur. C’était notamment le cas d’Abelardo. » Gheorghe Hagi profite aussi de son beau Mondial US pour atterrir au Barça. Un nouvel épisode peut démarrer.
Gap générationnel, gifles prématurées
Maintenu au poste après une saison proche du doublé Liga-C1, Johann Cruyff reste un grand adepte des changements tactiques. Défense à trois, à quatre ou même à cinq, les formations du stratège batave varient en fonction des rencontres. « Nous savions que la saison était longue, confie l’oncle du Nadal tennisman. Les nouveaux joueurs devaient prendre un certain temps avant de s’acclimater à notre style de jeu. Gheorghe Hagi bien sûr, mais aussi Abelardo, Igor Korneev et d’autres joueurs de la cantera. » À titre d’exemple, Abelardo commence la saison titulaire en Ligue des champions, mais ne joue que deux rencontres titulaire en Liga. Chez les jeunes, un certain Jordi Cruyff fait son apparition dans le groupe professionnel après trois saisons passées dans la réserve. Fils de, Jordi réalise son premier match plein lors d’une large victoire au Nou Camp, face à Manchester United, son futur employeur. De son côté, le récent trentenaire Eusébio alterne titularisations et mises à l’écart, comme si Cruyff cherchait une nouvelle hiérarchie au sein de son équipe.
Le premier tournant de la saison interviendra courant février, quand le Barça encaisse un premier uppercut au Nou Camp, opposé à l’Atlético Madrid en huitièmes de finale de Coupe du Roi. En infériorité numérique tout au long du match suite à l’expulsion précoce de Julen Lopetegui, les Colchoneros frappent quatre fois (1-4). Trois jours plus tard, le coup est encore plus fort : le Barça prend une incroyable manita au Racing Santander, finissant le match à neuf contre onze (5-0). « Toutes les défaites font mal, c’est clair. Mais quand elles se répètent, elles laissent toujours plus de traces. Pour être franc, je ne garde pas ces deux défaites en mémoire, ni les titulaires… » Et pour cause : Miguel Angél Nadal ne fait pas partie de la déroute au Nou Camp contre l’Atlético Madrid, ni de celle dans la Cantabrie. Au contraire, Abelardo et Eusébio font bien partie des victimes sur le terrain. Forcément, cela n’incite pas Cruyff à l’optimisme sur un tel onze de départ.
Le Parc des Princes en tombeau
Tourné vers l’offensive, mais susceptible de prendre l’eau en contre-attaque, le Barça continue sa saison avec un objectif de taille en ligne de mire : la Ligue des champions. Contre le Paris Saint-Germain taillé pour l’Europe, le défi est de taille. La donne devient plus compliquée quand le match nul 1-1 se dessine à l’aller. Les Culés se déplacent deux semaines plus tard dans la Ville Lumière. Ils subissent trois poteaux, mais marquent contre le cours du jeu par Bakero. Nadal et Eusébio sur le pré, Cruyff décide alors de faire sortir Hagi pour Abelardo à vingt minutes de la fin. Un changement déterminant dans la suite de la rencontre, puisque Raí égalise dans la foulée. « C’est une conséquence plutôt normale, analyse Nadal. Quand tu passes à une défense à cinq et que tu encaisses un but tout de suite après, il est logique de voir Paris continuer d’attaquer pour marquer un deuxième but. Notre défaite était surtout due à la performance de Paris ce soir-là. » Sans amertume, l’ancien défenseur assume les conséquences de cette défaite. « Pour faire un grand match, il faut être deux » , lâchera d’ailleurs Jean-Michel Larqué au micro de TF1.
Sorti de la Coupe du Roi et de la C1, le Barça traverse sa fin de saison comme un long désert aride. Les contre-performances s’enchaînent, la presse se déchaîne. Une quatrième place qualificative pour la C3 constituera un triste lot de consolation. « Quand on regarde la saison dans sa globalité, on peut parler d’un échec, tranche Nadal. Le Barça évalue sa saison en fonction des titres qu’il obtient. En l’occurrence, nous n’avions rien gagné. Cette défaite en Ligue des champions a marqué une fin morale au Barça de Cruyff. » L’été venu, les anciennes stars font leurs bagages : Ronald Koeman, Romário ou Eusébio quittent le bateau blaugrana, mais leur maître restera encore une saison, toujours sans le moindre titre au final. Une nouvelle ère est en marche. « Abelardo comme moi, nous appartenions avant tout au Barça, conclut Nadal. Il faut toujours s’adapter aux secousses, comme les changements d’entraîneur. Bobby Robson est venu, de nouvelles stars en devenir comme Luís Figo ou, plus tard, Ronaldo, allaient arriver. En défense aussi, avec Popescu, puis Fernando Couto. La Dream Team était terminée, il fallait se réinventer. C’était un grand passage de témoin entre deux générations. » Un grand passage sans titre pour le Barça, surtout.
Par Antoine Donnarieix