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Abdou Diallo, rocher de Mayence
Sans horizon à l'AS Monaco, Abdou Diallo est parti conquérir Mayence et la Bundesliga. Retour sur le début de parcours du capitaine des Espoirs à quelques heures d'un derby sur la pelouse de l'Eintracht Francfort.
Derrière les phénomènes défiant toute rationalité se cachent parfois des destins plus discrets. L’été dernier, au milieu des chiffres aveuglants et des destinations clinquantes, Abdou Diallo pliait lui aussi bagages, abandonnant un Rocher qui l’a vu grandir pour le modeste club de Mayence, quinzième de la dernière Bundesliga. Un choix étonnant ? Oui, si l’on considère la réputation qui le précédait : Abdou Diallo étant, avec Almamy Touré, la pépite défensive la plus prometteuse du centre de formation de l’AS Monaco. Bruno Irles, ancien entraîneur des U17 et de la réserve monégasque, acquiesce : « Abdou et Almamy, c’est la meilleure charnière centrale que j’ai eue. » Non, si l’on prend en compte sa situation dans l’effectif de Jardim après un prêt pourtant concluant à Zulte Waregem. Quatrième dans la hiérarchie des défenseurs centraux, il a goûté à la joie collective de la folle saison de l’ASM et à la frustration individuelle de ceux qui fêtent les victoires sur le banc.
Les jeunes pousses et les vieilles racines de Jardim
Neuf titularisations, la plupart en coupes nationales au sein d’équipes remaniées, voilà pour le maigre temps de jeu du gaucher lors de l’exercice 2016-2017.
De quoi crier à l’injustice ? Peut-être pas, mais sûrement une bonne raison de se poser des questions : « J’ai joué la carte à fond. Mais je me disais :« Je n’ai pas l’impression qu’on veuille absolument que ça passe pour moi. » Jardim ne me voyait pas de manière négative, mais ne me percevait sans doute pas comme un mec prêt tout de suite » , confiait-il à L’Équipe en novembre dernier. Car si l’entraîneur portugais se transforme souvent en orfèvre pour faire briller les diamants bruts de la post-formation monégasque, il y a bien un poste où il se montre conservateur comme un antiquaire : l’axe de sa défense.
Bruno Irles, lui aussi ancien défenseur central de l’ASM, a une explication : « Il faut se mettre dans la tête de Jardim. Sa priorité est d’abord d’avoir un défenseur. Il accorde moins d’importance au fait d’avoir un premier relanceur, intelligent dans ses déplacements… Le jeu de Jardim ne se construit pas de derrière. Quand on voit la première relance monégasque aujourd’hui, que ce soit Glik, Jemerson ou Raggi, ça jette beaucoup devant. Glik aurait été très complémentaire avec Abdou. L’un envoie les tampons, impose le défi physique et l’autre assure la relance, est davantage dans la lecture du jeu. » À la lecture des journaux sportifs allemands, le style plus élégant qu’effrayant d’Abdou Diallo a en tout cas l’air de séduire outre-Rhin, Kicker l’ayant même cité six fois dans sa traditionnelle équipe type du lundi, plus que tout autre défenseur de Bundesliga.
Le prince de Mainz
Samedi dernier, la fragile Mayence, à la lutte pour le maintien, accueillait l’armée bavaroise. Une bataille perdue honorablement lors de laquelle Abdou Diallo a brillé à un poste inhabituel de latéral gauche. Le plus souvent, il prend les commandes d’une défense à deux ou trois axiaux. On aurait pu le craindre timoré dans la transition toujours difficile qu’est la découverte d’un championnat étranger. Il n’en est rien. Peu à peu, il ajoute à sa palette technique le goût du geste purement défensif. Entre deux interventions, on le voit échanger, donner des consignes, analyser les actions, montrant qu’il a déjà l’étoffe d’un patron. Ça ne surprend pas Bruno Irles : « Ce n’est pas un hasard s’il est capitaine de l’équipe de France Espoirs. Quand je l’ai connu, il était déjà mature dans son jeu, ce qui lui a notamment permis de combler son manque de vitesse. Je me souviens de Rafael Márquez avec qui j’ai joué. Il était deux fois plus lent que moi, mais ça ne se voyait pas sur le terrain parce qu’il lisait beaucoup plus vite que moi les trajectoires. Abdou est ce genre de joueur. C’est parfois compliqué de communiquer avec certains joueurs parce qu’ils ne sont que dans l’instinct. Abdou, c’est différent parce qu’il a beaucoup de recul sur ses prestations. Au-delà de l’instinct, il a aussi la réflexion. »
Arsenal sur le coup ?
Au point de penser déjà à l’avenir ? Des rumeurs ont fait état d’un intérêt des Gunners. L’ancien directeur du centre de formation de l’ASM tempère : « À 21 ans, il faut jouer. Il se plaît beaucoup à Mayence. Si on tape trop haut, trop tôt, on risque de se perdre. Après, c’est une question d’opportunités. Il ne faut pas regarder que le nom des clubs. L’essentiel est de correspondre aux besoins d’un entraîneur, de ressentir des affinités techniques. Je ne sais pas s’il y a un intérêt d’Arsenal, mais, ce qui est sûr, c’est que le profil d’Abdou est compatible avec le style Wenger. » En attendant une éventuelle conquête de l’Angleterre, Abdou Diallo n’aura ce mercredi qu’une quarantaine de kilomètres à faire pour tenter de hisser Mayence en demi-finale de Coupe d’Allemagne.
Par Chris Diamantaire
Propos de Bruno Irles recueillis par CD