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Abdou Diallo et ses potes racontent leurs années au centre de formation de Monaco

Propos recueillis par Andrea Chazy et Mathieu Rollinger, à Paris // Photos : Jérémie Masuka
19 minutes
Abdou Diallo et ses potes racontent leurs années au centre de formation de Monaco

En plein cœur du premier confinement, le Parisien Abdou Diallo et ses potes Dylan Bahamboula, Anthony De Freitas et Lounisse Merzouk, tous anciens pensionnaires du centre de formation de l’AS Monaco, se lancent un défi : écrire un livre sur les meilleures années de leur vie. Un peu plus d’an plus tard, Le Coup d’envoi de nos rêves sort en librairies. L’heure pour les quatre écrivains en herbe de s'épancher sur leur œuvre. Mais pas seulement.

Casting :Dylan Bahamboula : 26 ans, milieu du Oldham Athletic (League Two, D4 anglaise)Abdou Diallo : 25 ans, défenseur du PSG (Ligue 1)Anthony De Freitas : 27 ans, milieu du FC Biel-Bienne (D4 suisse) Lounisse Merzouk : 25 ans, agent de joueurs


Ce qu’on a apprécié dans votre livre, c’est que vous racontez une génération avec vos mots, vos expressions, sans que ça ne soit réécrit par la maison d’édition. Quel est le point de départ de ce projet ?Lounisse : On a un groupe WhatsApp avec une douzaine d’anciens pensionnaires du centre de formation de l’AS Monaco. D’habitude, on y débriefe les matchs, on parle de la pluie et du beau temps. Puis un soir, Abdou pose une question existentielle : « Vous comptez faire quoi après votre carrière ? » Et ensuite, il nous parle d’écrire un livre.
Dylan : Mais tu vas trop vite, prends ton temps ! Abdou, détaille…Abdou : Je me suis rendu compte que j’ai 25 ans, je suis un des plus jeunes du groupe, et la vérité, c’est qu’on est au moins à la moitié de nos carrières. Ce constat, il fait cogiter. On se fait tous confiance, on se connaît depuis dix piges, et on se dit que si on doit faire un truc, on doit le faire ensemble. Les jours d’après, il y a eu plein d’idées qui ont fusé.Dylan : Des restaurants, des fives, voire des trucs plus farfelus…Abdou : À un moment, je dis « Et pourquoi pas un livre ? » Certains me disent : « J’avoue, pourquoi pas. » En réalité, à ce moment-là, on ne sait pas du tout dans quoi on se lance. Mais on y va.

Le footballeur ne se confie pas facilement et garde beaucoup de choses pour lui. Et beaucoup de parents ne savent pas comment ça peut se passer au quotidien. Moi, je cachais aux miens que je jouais en DH et pas avec les Nationaux et ça les a choqués quand ils l’ont su.

À qui s’adresse ce livre ?Abdou : La première cible, ce sont les jeunes. Qu’ils rêvent d’intégrer un centre, qu’ils y soient, ou qu’ils en soient sortis. Mais c’est un livre qui se veut accessible pour tout le monde. Il pourra servir aux parents et à la famille, qui ne savent pas toujours ce que leurs enfants vivent. Anthony : Même pour tous les sportifs en général. On a eu des bons retours de ce côté-là.Lounisse : Le footballeur ne se confie pas facilement et garde beaucoup de choses pour lui. Et beaucoup de parents ne savent pas comment ça peut se passer au quotidien. Moi, je cachais aux miens que je jouais en DH et pas avec les Nationaux et ça les a choqués quand ils l’ont su. Cette anecdote, peu de monde la connaissait et même « Bari » (Frédéric Barilaro, le directeur du centre de formation NDLR) m’a appelé quand il a lu le livre. Parfois, la fierté nous empêchait d’avouer à nos parents qu’on galérait. Et puis c’est difficile d’exprimer ça, parce qu’avant, on n’a jamais vraiment galéré. Jusqu’à nos 15 ans, on a toujours été les têtes d’affiche dans nos secteurs. Moi, je ne savais pas comment le dire, jusqu’au jour où…
Dylan : Jusqu’à la sortie du livre !

Il y a un réel mythe et de nombreuses questions autour du centre de formation. Par exemple, regrettez-vous de ne pas avoir passé votre adolescence auprès de vos familles ?Abdou : Regretter, non, mais je me suis déjà posé la question. Moi, je suis de Tours, et Monaco, ce n’est pas la porte à côté. Tu ne rentres pas chez toi le soir, quoi. Et puis, la distance fait que tu idéalises un peu tout, notamment ta famille.Lounisse : Pour moi, c’est un des plus gros sacrifices. Tu rates certains des plus beaux moments de ta vie, auprès de tes parents, de tes frères et sœurs. Je suis des Bouches-du-Rhône, Monaco n’est qu’à deux heures et demie, mais ma mère ne conduisait pas et mon père travaillait dur. C’était compliqué pour eux de venir. Que tu le veuilles ou non, ça crée une distance. Bon, ça ne me peinait pas plus que ça, mais je le sentais…Dylan : Mes parents, au contraire, étaient très fiers ! Ils étaient contents que je ne grandisse pas à Grigny (dans l’Essonne, NDLR). Avant d’aller à Monaco, j’étais sur le point de signer au PSG. Mais mes parents ne voulaient pas que je reste à Paris. Plus j’étais loin, mieux c’était.

Ça fait six ans qu’on est partis de Monaco, et des mecs chez moi, dans la région lyonnaise, m’appellent encore « Le Monégasque ».

Anthony : Lorsqu’on rentrait en vacances dans nos villes d’origine, on était comme des fous. En arrivant, on voyait aussi que les gens dans nos quartiers d’origine avaient des étoiles dans les yeux. Le foot est le sport le plus populaire du monde, donc on représentait quelque chose. Tu es la coqueluche. Et quand tu es tout jeune, c’est compliqué de gérer tout ça. En plus, à Monaco, tu es sur le Rocher… C’est particulier.Dylan : Clairement, quand tu ouvres ta fenêtre, tu vois la mer ! Tu vois des yachts.Anthony : Ça fait six ans qu’on est partis de Monaco, et des mecs chez moi, dans la région lyonnaise, m’appellent encore « Le Monégasque » . Lounisse : Pareil quand je joue avec des collègues dans mon quartier et que je veux tenter un truc, les mecs me disent : « Oh, tu n’es pas à Monaco ici ! » Ça nous suivra toute notre vie.

Est-ce que ces problèmes « existentiels » , vous ne les avez pas mis de côté pendant toute votre jeunesse pour les ressortir aujourd’hui dans ce livre ?Abdou : Tu peux avoir quatre réponses différentes, parce que ça dépend de ton caractère, de ton éducation, de ton environnement familial, de ton quartier ou de ton village. Personnellement, j’acceptais ces problèmes, parce qu’il y a une contrepartie à tout. J’étais en mission ! Je ne suis pas venu au centre pour m’amuser.Dylan : C’est ça qui fait aussi que tu en es là aujourd’hui. Moi, c’est totalement différent. J’étais dans une bulle. Quand tu commences à t’entraîner avec les pros, tu commences à avoir ton permis, ta première voiture. Moi, c’était une Golf VII GTD 2014. Elle vient à peine de sortir, mais quand j’arrive au centre, j’ai honte. Elle est grise, c’est pas une voiture de ouf. Deux ans plus tard, j’arrive à Paris avec cette même voiture et TOUT LE MONDE me regarde ! C’est pour ça que je te dis que j’étais dans une bulle à Monaco. Si tu ne t’en rends pas compte rapidement, ça peut te porter préjudice.Lounisse : Tu as pris le bon exemple. Si tu vis ça pendant cinq ans, en sortant, tu prends un coup. À Monaco, tout est propre, tout est beau, tout est facile. À tel point que tu en oublies de travailler. C’est pour ça que Monaco est une prison dorée, selon moi. Dylan : Vous vous souvenez quand les supporters de Marseille venaient ? Le boucan qu’ils faisaient, il y avait du McDo par terre, des bouteilles de bière… Pourtant, le lendemain matin, tout est propre !

Vous faites un petit parallèle avec « Les Tuche » aussi pour raconter vos débuts dans la Principauté. C’est plus compliqué pour un jeune footballeur de commencer à Monaco qu’ailleurs, avec toutes les tentations ?Anthony : Pas forcément. C’est un autre monde, c’est sûr, mais au niveau du sportif, c’est certainement le meilleur endroit. Abdou : On était chouchoutés là-bas. Mais avec l’extrasportif, tu peux tomber dans la facilité et croire qu’avec ce petit confort, tu as déjà gagné. Il est là, le piège.Lounisse : Il y en a beaucoup qui sont tombés dedans. Un collègue (Mamaye Tounkara) m’avait dit : « Si j’avais été formé à Guingamp, je serais en équipe de France à l’heure actuelle. »
Dylan : C’est vrai qu’à Monaco, il y a beaucoup d’événements. Le Grand Prix, Roland-Garros, il y a trop de trucs.Abdou : Roland-Garros ? Dylan : Bah, il n’y a pas le tennis, là ?Anthony : Si, mais ce n’est pas Roland-Garros, c’est le tournoi de Monte-Carlo ! (Rires.)
Dylan : Donc Roland-Garros, c’est que à Paris ?Abdou : (Il souffle, dépité.) Quand tu viens du 9-1, Roland-Garros, c’est loin…

Dans la ville de Tours, si tu es joueur au Tours FC, tu es quelqu’un. À Monaco, si tu es joueur de l’ASM, tu n’es personne.

On vous fait donc comprendre que vous, les gars du 91 ou d’ailleurs, n’êtes pas à votre place, ici à Monaco ?Abdou : (Il coupe.) Déjà, tu te fais contrôler.
Dylan : Après, les policiers étaient habitués avec la Titine (la voiture que les nouveaux conducteurs du centre se refilaient, NDLR).
Abdou : Mais la première année, c’était marqué sur nous. Certains, c’était les Indiens dans la ville, avec les shorts hawaïens de Clignancourt, débardeurs du Congo… Tu ne pouvais pas passer inaperçu.Dylan : Jogging levé à gauche, baissé à droite, la sacoche…Lounisse : On marchait à minimum cinq ou six. On n’était pas discrets.

Quel rapport aviez-vous avec les Monégasques ?Dylan : Aucun. Il n’y a même pas de supporters en ville.Lounisse : Abdou y a rencontré sa femme quand même, hein !Abdou : Oui, mais elle n’est pas supportrice… (Rires.) Mais les gens que tu croises à Monaco ne sont pas forcément monégasques. Il y en a très peu. Donc quand tu croises des gens de Menton, Nice ou Roquebrune, qui sont dans leur lycée ou dans le club de DH, ils nous idéalisent. En revanche, pour les autres, être footballeur, ce n’est rien. Dans la ville de Tours, si tu es joueur au Tours FC, tu es quelqu’un. À Monaco, si tu es joueur de l’ASM, tu n’es personne.
Anthony : Radamel Falcao pouvait faire ses courses tranquillement par exemple.

Et pour rencontrer des filles, c’était comment ?Abdou : Le temps nous manquait déjà. Nos cours avaient lieu au bout du couloir au centre de formation. Et après, tu n’as peut-être qu’une heure pour sortir le soir avant de manger. Ensuite, c’est couvre-feu et au lit.Dylan : On nous a demandé : « Pourquoi vous ne parlez pas de meufs dans le livre ? » Bah parce qu’on n’en avait pas ! On ne va pas mentir.
Anthony : Et puis on ne le recherchait même pas, en vrai. On était dans notre bulle, on s’entendait trop bien entre nous sur le terrain et en dehors, c’était ça notre truc.Abdou : C’est comme une immense coloc. Mais pour répondre à la question, pour se faire des amis en dehors c’est très compliqué, parce qu’on est déjà en bande. Et pour ce qui est des femmes, il y a beaucoup de légendes avec les footballeurs.

C’était qui la légende chez vous ?Lounisse : Ah, c’est Dominique Pandor, je suis désolé… Tu parlais par exemple avec une fille de Nice, tu disais juste « Je suis à Monaco, je joue au ballon… », elle te répondait direct : « Ah tu connais Dom’s ? » Allez salut !
Abdou : Mais il y avait beaucoup de menteurs quand même au centre.

Dans mon quartier près de Marseille, j’envoyais des « Wesh » des fois. On me disait : « Qu’est-ce que tu fais là ? » Alors que les Parisiens lâchaient des « Tarpin » ou « Le Sang ». Ça faisait notre charme.

Il y a un truc marquant dans ce milieu, c’est la culture du chambrage. Comment ça se passe si tu n’es pas chambreur ?Lounisse : On a grandi avec ça au quartier, aussi !Anthony : Il y avait des têtes d’affiche, mais c’était quand même bon enfant, rarement méchant…Lounisse : Ce qui est bien, c’est qu’on amenait tous notre manière de chambrer. Les mecs de Paris ne chambrent pas comme les mecs du Sud. Au début, ça faisait des clans. Mais de fil en aiguille, ça faisait un mix marrant.Abdou : Ouais, sauf que tu oublies les deux ou trois péquenots comme moi qui venaient de province !Dylan : C’est vrai qu’il était entre les deux, Abdou ! C’était un caméléon. Lounisse : Ouais, mais dès la première randonnée, j’ai commencé à marcher avec l’un, puis avec l’autre, on a déliré… Abdou : On finissait par s’imprégner de la culture de l’autre. Moi, j’attrapais des expressions de Marseille et je connaissais tous les mots de Grigny.Lounisse : Dans mon quartier près de Marseille, j’envoyais des « Wesh » des fois. On me disait : « Qu’est-ce que tu fais, là ? » Alors que les Parisiens lâchaient des « Tarpin » ou « Le Sang ». Ça faisait notre charme.

Vous redoutiez tous les visites de vos parents à Monaco. Pourquoi ?Dylan : Les darons, ils abusaient quand ils venaient. On voyait arriver des papas en costard avec des maillots de foot en dessous. Lounisse : Mon daron, il était venu en costard avec un pin’s de l’Algérie. Et puis on voulait cacher le plus longtemps possible le prénom des papas, parce que dès que les autres le savaient, ça chambrait.Anthony : En fait, quand nos parents venaient, ils avaient un forfait pour manger avec nous le midi, au self du centre. Moi, je payais le resto à mes parents pour ne pas manger avec eux au centre. Je connais mon père, il est un peu foufou à ce niveau-là pour aller se resservir.Abdou : Lui là (en désignant son petit frère Mohamed, présent pendant l’interview, NDLR), il a démonté la cantine ! Pardon maman si tu me lis, mais, dans ma famille, on disait : « Là, il faut beaucoup manger comme ça, on ne re-mange pas après. » En plus on était nombreux ! On prenait une table pour les Diallo. Et on n’était pas gênés, tu pouvais entendre crier : « Ouais, prends-moi ça s’te plaît ! » Les autres nous regardaient, ils nous analysaient du genre : « Hmm, ça mange bien ici, hein ! » (Rires.)

Quelle était votre relation avec Bruno Irles, le directeur de la formation, avec qui vous aviez l’air d’avoir un rapport contrasté ?Lounisse : C’est la personne qui nous a procuré le plus d’émotions, qui nous est le plus rentré dedans. On l’a eu pendant nos deux premières années, je crois. Et il était sans pitié. Abdou : « B.I » , il était dur. Sa façon de faire, c’était « Il vaut mieux que tu prennes des claques maintenant, que tu te construises avec ça, comme ça plus tard, tu seras armé. ».
Lounisse : Avec lui, c’était délicat. Mais c’était un bon formateur.Dylan : Parce qu’il y avait les résultats !Lounisse : Sur le moment, tu n’aimes pas être bousculé, mais quand tu prends du recul, tu vois que ça a pu payer. C’est son franc-parler qui m’a marqué. Il taille beaucoup, B.I., attention ! Tu rates une passe : « Ah, tu as les pieds carrés. » Tu rates un contrôle, il va se mettre à souffler très fort.
Anthony : Quand tu es jeune, tu peux croire que c’est de la méchanceté. Mais finalement, tu te rends compte que c’est un vrai formateur. Six ans après, il a vu passer 130 000 joueurs et il te souhaite quand même ton anniversaire le jour même !Abdou : On le percevait avec nos yeux de gosses de 15 ans aussi. Un gosse, tu lui cries dessus, il est vénère et il ne t’aime pas. Mais aujourd’hui, je le côtoie encore et c’est totalement différent.

On nous a demandé : « Pourquoi vous ne parlez pas de meufs dans le livre ? » Bah parce qu’on n’en avait pas ! On ne va pas mentir.

Quand Claudio Ranieri est venu, des Italiens sont arrivés au centre de formation. Finalement, la vie de l’équipe professionnelle a des répercussions sur celle du centre de formation…Dylan : Oui, ça affecte la formation. Quand Ranieri est arrivé, ils nous ont ramené un préparateur physique et, alors qu’on avait l’habitude d’aller à Autrans pour le stage de préparation, on est partis en Italie. Comme on dit dans le livre, il nous mettait des gilets avec des décharges électriques. Même aujourd’hui, on ne saurait pas expliquer pourquoi ! Abdou : Les choix d’en haut, tu les payes en bas.Anthony : Je pense qu’en matière de ressenti, on était dans notre bulle. Quand je suis arrivé et qu’on faisait notre saison en U19, on ne calculait pas trop ce qu’il se passait au-dessus. Tu fais ta saison…Lounisse : Moi perso, ça m’a affecté. Avec Dylan, on a été les deux premiers à arriver à Monaco et c’était la saison où ils descendaient en Ligue 2. La deuxième année, ils étaient relégables en Ligue 2 et ça commençait à parler de perdre le statut pro. Émotionnellement parlant, tu ne peux pas rester indifférent.

Vous parlez aussi d’un psychologue anglais au centre de formation…Tous : Ohhhhhh lala !Anthony : Phil ? Cœur sur lui !Abdou : Je n’ai jamais rien compris à ce qu’il disait… Qui ici a déjà eu rendez-vous avec lui ?Dylan : Moi… Quand j’arrive dans la salle, le but pour un psychologue c’est de comprendre l’autre, non ? On ne se comprenait pas !Lounisse : On se regardait, on souriait, mais notre niveau d’anglais était claqué. (Rires.)
Dylan : Quand il s’est fait virer, miskine…Lounisse : Il pleurait à la cafète. Franchement, ça faisait de la peine.Abdou : Il avait les larmes aux yeux, on aurait dit que c’était lui qui avait besoin d’un psy. Forcément on était tristes, mais quand nos regards se croisaient, on ne pouvait pas s’empêcher de rigoler.

On a vu des mecs ne pas être heureux au centre. Pleurer, passer la journée au téléphone, se renfermer sur eux-mêmes. Il y en avait au moins un ou deux par génération. Mais c’est déjà un de trop.

Y avait-il un blocage de votre côté dans l’idée d’aller chez le psy ?Dylan : Ce n’est pas forcément mal vu, mais il y a pas mal d’a priori.Lounisse : Pour nous, c’est un aveu de faiblesse. Il y a ce truc de concurrence dans les centres de formation : si tu montres ta faiblesse, tu vas te faire manger.Abdou : On ne l’a pas mis dans le livre, car on ne l’a pas vécu, mais bien évidemment qu’on a vu des mecs ne pas être heureux au centre. Pleurer, passer la journée au téléphone, se renfermer sur eux-mêmes. Il y en avait au moins un ou deux par génération.Lounisse : Il y en avait un qui restait en permanence seul, à l’écart. Il venait juste me parler pour me dire : « Lounisse, tu peux me déposer à la maison s’il te plaît ? » Il avait le regard vide.
Dylan : Mais peut-être qu’il n’était juste pas fait pour intégrer un centre de formation, nan ?Abdou : La question c’est : est-ce qu’il n’aurait pas pu être aidé différemment ? Parce qu’il était peut-être juste différent de toi et de moi. Dylan : Ouais, mais « la norme » finalement, c’était d’être content et d’être joyeux comme on l’était, non ? Parce que c’était la majorité des gens.Lounisse : Alors ça, tu en as plein qui montraient cette facette et qui rentraient dans leur chambre et qui pleuraient. Abdou : On connaît tous les quatre un gars qui a extrêmement galéré, qui était pourtant le mec le plus jovial dans la vie de tous les jours. Mais quand il nous a raconté comment il avait vécu ces années-là dans notre groupe WhatsApp… On a eu beaucoup de peine. Il était à côté de nous tous les jours, on n’avait rien vu.Lounisse : S’il s’était confié à cette époque, peut-être qu’il aurait pensé qu’on l’aurait vu différemment après ça.Abdou : Quand je vois aujourd’hui, en pro, à quel point tu n’es pas accompagné psychologiquement… Du coup, je ne sais pas si ces gens-là ne sont tout simplement pas faits pour le foot de haut niveau ou si c’est ce monde-là qui ne s’adapte pas.

Avez-vous en tête l’exemple d’un mec du centre qui devait tout casser et qui n’a finalement pas eu la carrière escomptée ?Abdou : Tu en as un ici… (ils se tournent vers Dylan Bahamboula), mais il est en contre la montre !
Lounisse : Dylan, c’est la surprise du chef. Les deux premières années, il jouait derrière moi, il était bon, technique. Mais la troisième année, j’étais bouche bée.Abdou : Après, Almamy Touré (défenseur de l’Eintracht Francfort, NDLR) était tellement fort que c’est presque une déception aujourd’hui.
Lounisse : Il fait une belle carrière attention, mais si vous m’aviez posé la question à 16 ans, pour moi là, il serait à côté de Varane.Abdou : T’imagines, le mec joue en Bundesliga, mais quand on en parle, on reste sur notre faim !

Je me souviens de Dylan, au début du livre, il me disait : « Je crois que si je ne trouve pas de club, je vais ouvrir un grec. Je connais un mec de O’Tacos, je vais lui poser des questions. »

Écrire ce livre vous permet d’envisager d’autres projets dans le futur ?Abdou : Je pense qu’on s’est déjà prouvé à nous-mêmes que l’on est capable de faire autre chose que du foot. Réussir pour nous, c’était devenir footballeur professionnel. Je pense qu’on a passé ce cap avec ce livre. Aujourd’hui, on ne va plus se mettre de limites !Lounisse : Ce qui nous a également surpris, c’est la manière dont on a pu collaborer. C’est fou, mais on l’a écrit à distance dans quatre pays différents ! C’est notre première expérience hors football, mais c’était tellement fluide qu’on en veut encore plus !Anthony : On aurait eu une petite déception si on n’était pas allé au bout, si ça n’avait pas fonctionné. Parce qu’on est en famille, on est entre frères. Abdou : J’ai une question : finalement, est-ce qu’écrire le livre, ça n’a pas été notre meilleure thérapie ? Car j’ai l’impression que dans nos vies, c’est tombé à pic.Dylan : Clairement.Anthony : Moi oui, je te l’ai déjà dit.Abdou : Je me souviens de Dylan, au début du livre, il me disait : « Je crois que si je ne trouve pas de club, je vais ouvrir un grec. Je connais un mec de O’Tacos, je vais lui poser des questions. » (Rires.)
Anthony : Toi, Abdou, t’étais blessé, nan ? T’écrivais debout à la fin même.Abdou : Quand je suis rentré de mon opération (du dos en juin 2020, NDLR), deux jours après, j’écrivais soit allongé soit debout. Mais ce n’est pas anodin finalement, car ce sont des périodes où le risque, c’est de ruminer et prendre le chemin vers une petite dépression. Quand tu ne joues pas, au moindre poil qui dépasse, le monde entier te juge.

À la fin, est-ce que certains de vos anciens partenaires vous ont dit que l’histoire ne s’était pas passée comme ça ?Dylan : On a voulu être authentique à 100%. Alors quand il y avait un petit mensonge, on l’a changé.Abdou : Après, il y en a qui ont fait des « Kubo » .Anthony : Il faut qu’on vous explique pourquoi on dit « Kubo » . En fait, j’ai écrit le chapitre sur les essais parce que je suis passé par là. Dedans, je commence par citer plusieurs noms de joueurs qui sont venus faire des essais à l’ASM et je me souvenais qu’il y avait un Asiatique qui était là. À la base, je croyais que c’était Takefusa Kubo, le petit Japonais du Real Madrid. Mais en fait, c’était Takumi Minamino (aujourd’hui à Liverpool, NDLR). Du coup, forcément, les autres ne m’ont pas loupé.
Abdou : Du coup, quand on écrit un truc et que ça ne s’est pas passé comme ça, on dit : « Tu as fait une Kubo ! » (Rires.)

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