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Abdelaziz ! Lumière !
C'est un peu son match. Cinq ans après avoir quitté Paris, Abdelaziz Barrada est de retour dans la « ville lumière ». Et il en a des choses à raconter à sa région, son club, son stade... Retour sur son enfance francilienne.
Demandez-lui son plus beau souvenir de supporter, et tendez ensuite bien l’oreille. Il y a six ans, sur le site internet de Planète PSG, la réponse de ce jeune joueur qui n’était encore qu’au centre de formation était la suivante : « Sincèrement, ce n’est pas facile d’en détacher un ! J’ai bien aimé la finale contre Marseille au Stade de France. » Explication : trois ans plus tôt, Bonaventure Kalou et Vikash Dhorasoo offraient leur septième Coupe de France au Paris Saint-Germain, face à l’OM de Mickaël Pagis et Frédéric Déhu.
Ce que ne sait pas encore Abdelaziz Barrada, lui qui affirme à l’époque vouloir « effectuer toute (s)a carrière au PSG, ce serait magnifique de fouler la pelouse du Parc tous les quinze jours » , c’est que son destin aura bientôt un point commun avec le second, le grand défenseur blond. Au gré des circonstances et opportunités, après une jeunesse parisienne et un départ à l’étranger, en Espagne et aux Émirats arabes unis, le petit amoureux de la porte d’Auteuil va signer le 13 août 2014 dans le camp adverse, à Marseille. Qu’en aurait pensé le gamin de Seine-et-Marne, le « provinois avant tout » , comme aime le préciser son frère ? Difficile de savoir, mais il en aurait sûrement avalé son Malabar.
« 100% marseillais »
Évoquer cette période au PSG avec les proches d’Abdelaziz, c’est toucher à un sujet sensible. Non pas pour lui, ni pour sa famille, mais pour son image auprès des supporters. Le frère, Mohamed Barrada, se place sur la défensive dès que le sujet est évoqué : « Non, mais voilà quoi, je veux dire, il est là pour jouer et prendre du plaisir. Il est marseillais, il est 100% marseillais, y a pas de « truc ». Quand Marseille s’est manifesté alors qu’il était à Al-Jazira, ça lui tenait à cœur de venir. Il est très fier d’être marseillais. » Une curieuse impression de parler par téléphone à un agent de communication. La pudeur certainement, la prudence plus sûrement. De fait, rien ne prédestinait Barrada à porter le maillot marseillais.
Sa formation, son socle de travail et d’assise psychologique, tout est parisien. Jusqu’à ses 13 ans, il joue pour le petit club de Provins, sa ville natale, avant de rejoindre l’US Sénart-Moissy, dont une des équipes joue en CFA. Dans la poule du PSG. « À 17 ans, il a été appelé pour faire le compte avec le groupe à cause des blessés, explique Mohamed. Il a joué, marqué quelques buts, et il a notamment eu la chance d’en marquer un contre la réserve du PSG. C’est à ce moment-là qu’il a été plus ou moins repéré par le centre de formation. » Après avoir signé le but victorieux du 2-1, en « éclaboussant la rencontre de son talent » , comme l’a récemment confié au Parisien Daniel Zehringer, son entraîneur de l’époque, il signe dans la foulée son premier contrat stagiaire-pro, 18 ans au compteur.
Le Corneille de Rabat
Là-bas, Paul Le Guen prévient les jeunots : à la fin de l’année, les huit meilleurs joueurs intégreront le groupe professionnel. Un objectif que Barrada ne peut s’empêcher d’évoquer autour de la table lorsqu’il rentre le week-end. Son frère : « Il avait la chance de côtoyer les professionnels comme Miguel Pauleta, Jérôme Rothen, Guillaume Hoarau… Bon, il était déjà dans le cocon, il n’était pas là pour faire des autographes, mais Pauleta l’impressionnait beaucoup. Il nous en parlait à la maison, bien sûr ! C’était un rêve pour lui. » Et puis Giuly vient aussi souvent se poser à sa table pour manger.
En grand frère, Mohamed le conseille. Bingo, il décroche un contrat avec l’équipe B, où il fait la connaissance de Brice Dja Djédjé. Pour son premier contrat pro, il monte sur la table et chante un classique à la Kurzawa : Parce qu’on vient de loin, de Corneille. Rothen est sous la table, mort de rire. Fabrice Pancrate chambre, le surnomme « le Corneille de Rabat » . Chez lui, histoire de se reposer, il tape le ballon avec les frères dans le petit stade de la commune et s’organise des séances de karting. Mais comme une place de titulaire sur le terrain ne se joue pas aux affinités, le voilà obligé de foncer en Espagne sans avoir joué une seule minute sous le maillot de l’équipe A, « (s)a plus grosse frustration » .
Le retour du Barrada
S’ensuit Getafe, où son coach Luiz García Plaza dira de lui qu’il « tire mieux les coups francs que Cristiano Ronaldo » . Voilà sûrement la raison pour laquelle il signe aux Émirats, avant de revenir sur le Vieux-Port l’année passée, au grand étonnement de son ancien président Moisséen, Laurent Le Houëzec, toujours au Parisien : « Si ça m’a surpris de le voir à l’OM ? Un peu oui, ici on est plutôt pour Paris. Mais je suis vraiment heureux pour lui, c’est un bon garçon. » Pour Mohamed, Marseille était une destination de plus, pas un choix du cœur : « Paris, Marseille, Lyon ou Bordeaux, ça aurait été la même chose. Il n’avait pas spécialement de préférence quand il était jeune. Il a intégré le centre de formation, parce que c’étaient eux qui s’étaient manifestés en premier… »
Sous-entendu, un choix par défaut puisqu’il n’y en avait pas d’autres ? Peut-être. Ça y ressemble en tout cas. Et c’est peut-être aussi un moyen d’être à proximité de la capitale. Dans tous les cas, difficile de connaître véritablement le choix du cœur d’Abdelaziz Barrada, si l’homme est bleu, bleu clair, ou s’il s’en fout. Difficile également de reprocher au gamin d’avoir emprunté l’escalier interdit, alors que la porte lui était fermée à Paris. Une dernière interrogation, toutefois, pour se faire une opinion : aujourd’hui, à l’heure qu’il est, maintenant que les choses ont changé, Abdelaziz, quel est ton meilleur souvenir de supporter ? Et pas de mensonges…
Par Théo Denmat et Ugo Bocchi