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Abbas Bayat, itinéraire d’un « président-dictateur »
Une personnalité surréaliste, un portefeuille bien fourni, des déclarations incendiaires, des insultes aux journalistes et des menaces en tout genre. A côté d’Abbas Bayat, Loulou Nicollin c’est du petit bois. Focus sur un potentat iranien qui a plongé le club de Charleroi dans le marasme sportif.
Charleroi… Une ville meurtrie par la fin de l’ère industrielle et de ses charbonnages… Ancien chantre industriel de la Belgique, véritable poumon économique de la Wallonie, la ville et la région s’enlisent depuis des décennies dans la misère sociale. Charleroi, c’est un petit morceau de Biélorussie en Europe de l’ouest, avec son paysage sinistré, des rues délabrées, son dictateur. Alexandre Loukachenko pour les Biélorusses, l’Iranien Abbas Bayat pour les Carolos. Le crime de Bayat, le sulfureux homme d’affaires ? Avoir ôté au peuple du « Pays noir » sa fierté et sali son emblème. Dans cette ville que d’aucuns qualifient de ville la plus laide d’Europe, les habitants compensent la tristesse du paysage par leur chaleur humaine, dit-on. Semblable à celle qui s’échappe encore des quelques cheminées d’usines sidérurgiques qui survivent encore à la crise économique. Et à l’amour de leur club, un blason tatoué sur leur âme : le Sporting de Charleroi. Un club historique de division 1 belge.
« Bayatola »
Pourtant, les zèbres, surnom de l’équipe, ont fait la culbute la saison dernière en division 2, où ils poursuivent leur déchéance. Détesté de tous à Charleroi, Abbas Bayat s’en tape tant que le fric rentre. Le foot, c’est un business, le Sporting de Charleroi, c’est sa propriété, les supporters, le cadet de ses soucis. « Une petite pensée pour ce club de Charleroi qui subit encore les foudres de ce dictateur de merde, qui ne fait encore que tacher l’image du club. Pour lui avoir fait face et reproché ses vulgaires actions, ça ne m étonne pas du tout de sa part » lâchait récemment sur Facebook Maxime Brillaut, joueur de Vannes et ancien capitaine de Charleroi, viré comme un malpropre. Diplômé de l’université de Columbia, la philosophie de Bayat est simple : faire du pognon. Comme beaucoup, finalement. Sauf que lui ne s’en défend pas. « Je suis ici pour gagner de l’argent » annonce-t-il d’emblée en reprenant le club, au bord de la faillite. Ou encore : « Comparativement au monde des affaires, le foot est un jeu d’enfants » . « A Charleroi, c’était presque le président, Abbas Bayat et son neveu Mogi qui faisaient l’équipe, géraient tout » se souvient Jérémy Perbet, attaquant de Mons, passé quelques mois dans le hall de gare carolo.
Abbas est le petit-fils d’un ancien Premier ministre iranien Morteza Gholi Bayat. Abbas « Bayatola » quittera Téhéran au moment de la Révolution de 79. Il rejoint alors les USA pour y monter une entreprise d’import/export. Il y acquiert une discipline qu’il appliquera bientôt au club de Charleroi. Il gère son club comme une entreprise. Sa politique de recrutement se résume à engager une multitude de joueurs gratuits, revendre les rares valables du lot, pour engranger des bénéfices. Et pour cela, il est prêt à tout. « L’école de jeunes du club n’a pas eu d’eau pendant deux années. Probablement trop cher… Et depuis que le club a fait la culbute en division 2, le prix des abonnements n’a même pas diminué. Des exemples parmi d’autres de la manière dont Bayat gère son club, explique Mathias, un supporter passionné du Sporting. Personnellement, je ne vais plus au stade. Pas tant que ce dictateur d’opérette n’aura pas quitté le club » Mathias n’est pas le seul. Hébergeant autrefois l’un des publics le plus chauds de Belgique, les tribunes clairsemées du Mambourg font aujourd’hui plutôt peine à regarder.
Les neveux adorés
Il y a 10 jours, 300 supporters furieux du club ont bloqué l’accès au stade jusqu’à la 22e minute de la rencontre qui les opposait à Saint-Nicolas. 22 minutes, comme les 22 entraîneurs malheureux qui ont défilé depuis l’arrivée d’Abbas Bayat. Cette année, il se murmure que le Sporting de Charleroi compte plus de hooligans, parmi les plus célèbres de Belgique, que de supporters dans le stade… L’effet Bayat. C’était il y a dix ans. A cette époque, Abbas Bayat rachète le club, qu’il sauve de la faillite. Il place ses neveux Mogi et Medhy Bayat à des postes importants. Il finira par les virer tous les deux. Chez Abbas, licencier son personnel, c’est presque un toc nerveux. Son neveu adoré, Mogi, le trainera d’ailleurs devant les tribunaux. Aujourd’hui, Abbas Bayat se retrouve seul dans sa tour d’ivoire. Craint, pas respecté, il poursuit ses frasques plus ou moins lucratives. Changer une équipe qui gagne, c’est une marotte pour Bayat, virer un entraineur, une constante. « Je pense que 80 % des entraîneurs aujourd’hui ne sont pas capables de bien gérer et bien entraîner une équipe. Mon prochain coach devra avoir un diplôme de psychologie ou de philosophie » . Du Bayat dans le texte.
Le dernier entraineur en date se nomme Tibor Balog. Son bilan avant son licenciement ? 41 points sur 51. Logique… Pire, Balog n’était pas officiellement entraineur des Zèbres, seulement adjoint. Bayat ne voulait pas le nommer coach principal, pour ne pas l’augmenter. « Les joueurs, maintenant devenus entraîneurs, ne sont pas bien éduqués. Charleroi n’a pas besoin d’un coach pour l’instant. Cela coûte trop cher et les résultats sont bons pour le moment » déclarait Abbas Bayat il y a quelques semaines. Problème, Balog était toujours soutenu par son vestiaire. Dont Stephane Coqu, gardien de Charleroi, qui tentait d’expliquer à Bayat que Balog était l’homme de la situation. Réponse: « Tu ne joueras plus jamais pour Charleroi » . On ne remet pas en cause les décisions du businessman iranien.
« Si on descend, on te descend »
Les raisons de ces licenciements à répétition sont souvent opaques. Jacky Matijssen, dernier coach à succès du club, se fait virer après 7 matchs pour sa deuxième pige sur le banc des zèbres. « Ses capacités intellectuelles sont limitées et justes bonnes à résoudre des sudoku » lance Bayat. En comparaison, Lazslö Csaba, brièvement entraineur de l’Ouganda, restera une saison entière malgré un pénible bilan de 13 points sur 66. « Le plus triste, c’est que les coachs qui ont les meilleurs résultats et que le public et les joueurs aiment ne restent pas longtemps mais sont remplacés par des amis de Bayat ou les adjoints des entraineurs virés » explique notre supporter de Charleroi. Et quand les médias critiquent sa politique fantasque, il contre-attaque violemment. Sur Stéphane Pauwels, l’animateur devenu son meilleur ennemi médiatique : « Oui, il m’énerve, car un clown énerve toujours. Un jour, j’espère que quelqu’un va tuer tous les clowns » .
Bayat possède un tempérament de feu. Comme en 2008, il pète les plombs et monte sur le terrain pour adresser à ses supporters mécontents diverses insultes et gestes déplacés. Résultat ? 3 mois d’interdiction de stade. « Si on descend, on te descend » , disaient les banderoles des supporters carolos la saison dernière. Charleroi est descendu, Bayat est toujours en vie. A l’inverse de la convivialité et de la ferveur qui émanaient du stade du Pays de Charleroi il y a quelques saisons encore…
Par Adrien de Marneffe