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Aaron Leya Iseka : « Je suis juste un soldat qui donne tout pour l’équipe »

Propos recueillis par Mathieu Rollinger
Aaron Leya Iseka : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Je suis juste un soldat qui donne tout pour l&rsquo;équipe<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Son verset préféré est « Cherchez d'abord le royaume de Dieu et ce que Dieu demande. Il vous donnera tout le reste », issu de l’Évangile selon Saint-Matthieu. Mais si le FC Metz ne ressemble pas complètement aux Cieux, Aaron Leya Iseka, 23 ans, a en tout cas trouvé l'endroit idéal pour reprendre confiance et reprendre son ascension.

Avec 5 buts en 14 matchs, tu as égalé le meilleur début de saison de ta carrière. Es-tu satisfait de ce que tu produis actuellement ?Ça, je ne peux pas encore l’assurer, parce que la saison est loin d’être terminée, et j’évite de faire des bilans de moi-même. Mais c’est clair que je me sens bien ici. J’ai tout de suite vu que j’étais tombé dans un club qui allait me faire avancer et c’est ce qui se passe aujourd’hui.

On commence à être déçus quand on fait des mauvais résultats face à de bonnes équipes. Ça prouve qu’on évolue et qu’on prend de la valeur.

Metz est l’une des équipes enthousiasmantes de la Ligue 1 cette année. Comment le groupe vit tout ça ?On commence à être déçus quand on fait des mauvais résultats face à de bonnes équipes. Ça prouve qu’on évolue et qu’on prend de la valeur. On sent qu’il y a des choses à faire dans ce championnat et qu’on peut le prouver à chaque match. C’est agréable de regarder vers le haut plutôt que vers le bas. C’est plus excitant d’essayer d’avoir une place européenne plutôt que d’éviter la relégation.

Comment te sens-tu à Metz, qui n’est qu’à quelques heures de route de ta Belgique ?Ça m’aide beaucoup parce que quand j’ai des jours off, je peux aller voir ma famille, mes amis. Et puis Metz est une bonne petite ville calme, c’est tout ce dont j’avais besoin.

Tu es arrivé fin octobre en tant que joker après la blessure d’Ibrahima Niane, avec un prêt assorti d’une option d’achat. Comment, dans ces conditions, arrives-tu à t’intégrer dans le projet du club ? Pour moi, les choses ont été claires dès le départ. Le coach m’a fait comprendre qu’il avait besoin de mes services. Pour moi, ça tombait bien, parce que j’avais besoin de ce genre de défi pour rebondir. Je suis arrivé dans un club qui allait déjà bien, ça m’a facilité les choses. Je ne suis pas forcément venu ici pour remplacer, mais pour apporter ce que je sais faire, avec la tête froide, de l’humilité et de l’ambition.

Frédéric Antonetti fait un turn-over incessant sur les postes offensifs, laissant un temps de jeu presque équitable à tous les attaquants. C’est quelque chose d’appréciable ? Oui, car la concurrence est saine. On se pousse mutuellement vers le haut et cette gestion met tout le monde dans le même bus (sic). Et puis, ça nous a fait gagner des points jusqu’ici, puisque les remplaçants se montrent souvent décisifs quand ils entrent. Quand tu es sur le banc, tu es concentré et tu sais que tu pourras peser sur le match. On est prêts à affronter chaque situation.

Antonetti est quelqu’un d’exigeant, et c’est ce dont j’avais besoin à ce moment de ma carrière.

Tu as l’étiquette du joueur qui a du mal à être constant. C’est quoi la clé pour y remédier ?C’est d’abord la détermination et mettre le football au centre de sa vie. Être le plus professionnel possible. Après, il y a d’autres facteurs : la compréhension avec le coach et ses coéquipiers. Le reste, c’est propre à chacun. Avec moi, coach Antonetti se montre très critique, mais toujours avec les bons mots, les bons gestes. Quand c’est bien, il le fait savoir, quand c’est mal, pareil. C’est quelqu’un d’exigeant, et c’est ce dont j’avais besoin à ce moment de ma carrière. J’étais au courant de ce qui m’attendait avant de venir, et c’est pour ça que je n’ai pas réfléchi plus de deux secondes.

Tes coachs chez les jeunes d’Anderlecht te décrivaient comme un vrai leader. D’où te vient ce caractère ?Je pense que c’est parce que les performances suivaient à cette époque-là. Dans ce groupe, j’étais celui qui était le plus proche de l’équipe première. J’étais un leader grâce à ce que je faisais sur le terrain, pas par la parole. D’ailleurs, je ne suis pas quelqu’un qui aime beaucoup parler. Ça, c’était plutôt le rôle de Youri Tielemans. Mais aujourd’hui, à Metz, on a les joueurs pour assumer ce leadership. Je pense à John Boye, Dylan Bronn ou encore Alex Oukidja. Moi, je suis juste un soldat qui les suit et qui donne tout pour l’équipe.

Le but inscrit à la dernière minute à Lyon, il représente quoi pour cette équipe et pour toi à titre personnel ? Ramener trois points de Lyon, c’est assez fort. Après, pour moi, c’était juste une manière de montrer que je me sens bien ici et que j’ai été accepté. Maintenant, je veux vraiment avancer en étant 100% moi-même.


Ce message, « God Loves You », inscrit sous ton maillot, il signifie quoi ? Ça veut dire que Dieu est là pour tout le monde, que Dieu aime tout le monde et que Dieu appartient à tout le monde. J’espère marquer plusieurs buts pour montrer d’autres messages. Sur mes T-shirts, ce qui est écrit est un peu court, donc j’ai préparé une grosse vidéo de 50 minutes que je vais mettre sur les réseaux pour expliquer tout ça. Si vous voulez tout comprendre, il faudra la regarder.

Quelle importance donnes-tu à la foi ?Elle représente tout pour moi. C’est la confiance que je donne à Dieu, c’est ce que Dieu représente pour moi. Dieu, c’est tout. J’ai réussi à donner ma vie à Dieu, à donner ma vie au Christ.

La foi représente tout pour moi. C’est la confiance que je donne à Dieu, c’est ce que Dieu représente pour moi. Dieu, c’est tout.

C’était quoi le déclic ?Il s’est produit à la fin de l’année dernière. J’étais encore à Toulouse et je traversais une période où je cherchais un sens à ma vie. J’étais dans un vide, et il me manquait quelque chose. Je cherchais Dieu sans le savoir. Et je l’ai trouvé le jour où j’ai compris Son message. C’est long et délicat à expliquer, mais depuis, j’ai eu des changements dans tout ce qu’on peut imaginer. Ça m’a libéré, ça m’a aidé à comprendre des choses dans ma vie. Je faisais passer les choix de personnes humaines sur Terre avant les Siens. Aujourd’hui, je cherche à savoir ce que Lui veut pour moi, avant de savoir ce que les hommes souhaitent pour moi.

Avant ça, tu étais déprimé ?Pas déprimé, mais j’étais sans âme. Je faisais les choses sans savoir pourquoi.

Tu fais partie de Ballers in God, une communauté religieuse qui réunit plusieurs footballeurs en Angleterre, en France et aux Pays-Bas, réunie autour de ton ancien coéquipier à Toulouse John Bostock. Tu peux nous expliquer ce que c’est ? C’est un groupe de personnes qui se rejoignent en ligne pour prier. Il n’y a aucune obligation. C’est pour être ensemble, unis dans la prière et se rapprocher de Dieu. Ça permet de mieux comprendre la foi. Personnellement, ça m’a beaucoup aidé.

La première fois que j’ai goûté au gratin de la mère de mon meilleur ami, j’ai terminé deux plats énormes.

Et le gratin de pâtes au jambon dans tout ça ? C’est le plat familial ?Quand j’étais à Anderlecht, à chaque fois que j’allais chez mon meilleur ami, sa mère faisait un gratin de pâtes au jambon. La première fois que j’y ai goûté, j’ai terminé deux plats énormes. Depuis ce jour-là, c’est mon plat préféré. Aujourd’hui, quand j’en remange, j’y pense encore. C’est délicieux.

À quoi ressemblait ta jeunesse à Bruxelles ?J’ai grandi à Berchem-Saint-Agathe (une des 19 communes de Bruxelles, NDLR), et je passais mes journées au Parc Éléphant. J’ai eu une belle jeunesse. Comme beaucoup de mecs du coin, j’ai été coaché par Seth Nkandu, une très belle personne. Il m’a appris énormément de choses.

Raconte-nous ces journées dans la rue avec ton frère Michy Batshuayi.Très tôt le matin, à partir de 8 heures, les jours où il n’y avait pas école, je me levais pour jouer un peu à la Playstation, en attendant que Michy se réveille. Là, on mettait nos chaussures, et c’était parti. On allait au parc en bas, et on y restait toute la journée. Il y a des moments où on en oubliait de manger. On était à fond dans nos tournois, nos matchs… Ce sont les meilleurs moments que j’ai pu connaître dans le football. J’étais le plus jeune du groupe, le plus petit. Il y avait une fille, mais aussi d’autres joueurs qui sont devenus pros ensuite. Il y avait Andréa Mbuyi-Mutombo, Geoffrey Mujangi Bia, Charly Musonda… Et tout ça, c’était en plus du club. On était tous rassemblés à Berchem.

Ça te manque de jouer dans la rue ?À chaque fois que je rentre à Bruxelles et que je passe devant ces endroits, ça m’émeut parce que j’y ai passé énormément de temps. Tous mes amis y étaient. J’ai grandi comme un garçon qui aimait le football, j’étais pratiquement tout le temps dehors, je rentrais très tard à la maison, quitte à parfois ne pas faire mes devoirs.

J’ai pris le nom de ma mère parce que j’étais le dernier de la fratrie et qu’elle voulait que je porte son nom. Mais je suis fier d’être le frère de Michy ! Ça ne m’aurait pas dérangé de me faire appeler Batshuayi.

À 12 ans, tu as été victime de la maladie d’Osgood-Schlatter, une affection du genou qui touche les jeunes en pleine croissance. Quelle incidence cela a-t-il eu sur ta progression ?J’ai pris énormément de poids avec ça, ce qui était problématique, puisque quand j’étais jeune, tout mon football était basé sur la vitesse. Avec cette histoire, j’en ai donc profité pour développer d’autres aspects. Et un an plus tard, j’étais plus technique que rapide. Donc j’ai certes perdu quelque chose, mais je pense que ça m’a quand même fait progresser.

Ton frère est estampillé Standard et toi Anderlecht, vous n’avez pas le même nom de famille… Y a-t-il eu l’envie de se distinguer de lui, te dégager des comparaisons ?Pas du tout. J’ai pris le nom de ma mère parce que j’étais le dernier de la fratrie et qu’elle voulait que je porte son nom. Mais je suis fier d’être le frère de Michy ! Ça ne m’aurait pas dérangé de me faire appeler Batshuayi. C’est juste que j’essaye de faire plaisir à ma mère. Lui était à Liège, moi à Bruxelles, et c’est vrai qu’on ne s’est pas beaucoup vus.

Le fait que ton frère ait percé avant toi, c’était une chance ou un poids ?C’est sûr que quand lui était pro et pas moi, c’était une période difficile, parce que j’avais besoin d’un grand frère. Quand il revenait, c’était très très court. Mais on a quand même bien rigolé ensemble, bien profité, et aujourd’hui, je l’aime encore plus.

Arriver à Marseille quand ton frère partait à Chelsea, ça a été difficile à assumer ?Je ne me rendais pas compte de tout ça. Mais j’ai constaté qu’on a fait beaucoup de comparaisons entre lui et moi. Je ne m’y attendais pas forcément, en tout cas pas à ce point. Michy, il a marqué le club, il a mis 33 buts en deux ans… Moi, je venais de me faire les croisés, je sortais de dix mois de convalescence, je n’avais que 18 ans. Ça m’a fait grandir et prendre conscience que le monde du foot n’était si joyeux que ça. Il y a une grande part de travail et d’ombre, ça ne peut pas être tout rose.

À Marseille, mon plus grand regret, c’est de ne pas avoir pris conscience d’où j’étais.

As-tu des regrets par rapport à ton passage à l’OM ?À Marseille, mon plus grand regret, c’est de ne pas avoir pris conscience d’où j’étais. J’étais jeune, pas prêt physiquement, je n’avais pas toutes mes sensations. Il me fallait du temps avant de pouvoir accepter ce genre de challenge. Malgré tout, on ne peut pas refuser l’OM. J’ai appris énormément de tous les joueurs qui étaient là-bas, comme Lassana Diarra ou Dimitri Payet. Donc il y a plus de positif à retenir de cette expérience que de négatif.

Quand tu vois ce qu’il se passe aujourd’hui à Marseille, tu arrives à comprendre la colère des supporters ?Oui, évidemment, ils veulent quelque chose de bien pour leur club. L’OM se doit avoir de l’ambition, donc c’est normal que les supporters grincent un petit peu quand ça ne prend pas.

Anderlecht, Marseille, ce sont des gros clubs européens. Puisque tu y as goûté, ça te donne envie d’y retourner ?Anderlecht est un club qui m’a fait grandir en tant qu’homme et en tant que joueur. Je n’ai disputé que quelques matchs de Ligue Europa (2 avec les Mauves, 5 avec Zulte-Waregem, NDLR), aucun de Ligue des champions, mais forcément ce sont des matchs spéciaux que tu as envie de vivre. Ce serait vraiment bien de le faire avec Metz, surtout qu’on a une bonne équipe.

Quelle relation as-tu avec Michy aujourd’hui ?Une relation normale entre frangins ! On s’appelle entre nos matchs pour échanger nos sentiments. On se corrige, on se donne des conseils, etc. L’an dernier, on ne pouvait pas trop le faire, parce qu’avec Toulouse, je jouais très souvent à la même heure que lui. Mais cette saison, ça se goupille bien. Mais grosso modo, on ne se voit pas beaucoup. Avant, on pouvait se croiser pendant les rassemblements internationaux, parce que lui était avec les A et moi avec les Espoirs. Là, j’ai dépassé la limite d’âge, donc j’espère pouvoir un jour être appelé avec l’équipe nationale pour le voir !

Le rejoindre en sélection belge, c’est dans un coin de ta tête ? Surtout qu’on y fait la part belle aux fratries comme les Lukaku et les Hazard…Oui, c’est vrai ! (Rires.) Les Diables rouges, c’est un rêve. Maintenant, je sais que j’ai encore du chemin à faire pour y accéder. La Belgique est première au classement FIFA, et il n’y a pas n’importe qui au même poste que moi. Il faut avoir les épaules solides pour faire le job, et j’ai encore beaucoup de progrès à faire. Mais j’essaye d’avancer un peu chaque jour pour être prêt le jour où on fera appel à moi.

Dans cet article :
Nicolò Barella, le 10 que l’Italie attendait ?
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