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Aaron Boupendza : « Le premier ballon que j’ai donné à Aubameyang, c’était à la main »

Propos recueillis par Paul Citron
6 minutes
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En août 2020, Aaron Boupendza débarque à Antakya (Antioche), ses 24 bougies à peine soufflées. L’international gabonais, qui complète le trio d’attaque avec Pierre-Emerick Aubameyang et Denis Bouanga en sélection, vient de quitter les Girondins de Bordeaux après les avoir rejoints quatre ans plus tôt. Aujourd'hui, celui qui s’était tiré de la côte ouest dans un quasi-anonymat est devenu l’une des stars et le meilleur buteur du championnat turc après avoir claqué 22 buts en 36 matchs de Süper Lig, avec le promu Hatayspor.

Grâce à ta belle saison, tu es devenu une vraie star, en Turquie. Comment tu gères la ferveur grandissante autour de toi ?Mon plus beau souvenir personnel, c’est mon quadruplé à l’extérieur contre Antalyaspor (le 29 décembre 2020). Après ça, on m’a arrêté plus souvent dans le centre-ville pour prendre des photos. (Rires.) J’ai vite compris qu’avec les supporters, ce serait différent en Turquie. Mais ça ne me gêne pas, au contraire, j’aime bien savoir que les gens ont confiance en moi. Ça ne me met pas de pression négative, ça me donne juste envie de mouiller encore plus le maillot pour eux. Même quand les matchs se disputaient à huis clos, quand on sortait des vestiaires, les fans étaient là pour nous féliciter. J’ai hâte de découvrir les stades de Turquie avec l’ambiance habituelle, j’espère que les supporters pourront revenir dans les tribunes, ça manque.Après, je fais plus trop attention sur Instagram (des supporters de Fenerbahçe envahissent ses commentaires pour lui demander de signer, NDLR), je me suis habitué. (Rires.)

J’ai vite compris qu’avec les supporters, ce serait différent en Turquie. Mais ça ne me gêne pas, au contraire, j’aime bien savoir que les gens ont confiance en moi

Tu dois te plaire alors, à Antakya (Antioche) ?Bien sûr. Franchement, il y a tout ici. C’est une ville familiale, une des villes où on mange le mieux en Turquie, il y a la mer à côté, on est dans le sud alors il fait beau, les gens sont aimables… La Syrie n’est pas loin (Alep est à 100 kilomètres), mais on se sent en sécurité. Et ici, on trouve des chrétiens et des musulmans, mais ils s’entendent très bien ! C’est super agréable à vivre. Je me sens presque comme à la maison.

Cela fait cinq ans que tu es arrivé en Europe. En 2016, tu débarquais aux Girondins de Bordeaux, après avoir passé toute ton enfance au Gabon. Tu peux nous raconter ton arrivée ?À l’époque, il existait un partenariat entre le CF Mounana, mon club au Gabon, et les Girondins de Bordeaux. Tous les ans, un recruteur de Bordeaux venait pour observer les entraînements des équipes de jeunes. C’est Yannick Stopyra qui est venu regarder un entraînement, alors que j’étais dans le groupe. Il nous a vus une première fois, il est revenu une seconde fois, ça s’est fait comme ça. Je suis arrivé à Bordeaux à 20 ans, assez tard pour découvrir le monde professionnel, il a fallu vite s’adapter. Mais il y avait de bons encadrants comme Patrick Battiston (alors coach de la réserve, NDLR), Marius Trésor, qui pouvaient me donner des conseils. Il y avait aussi beaucoup d’Africains dans l’équipe, ça a rendu facile l’adaptation, on s’entendait bien. On avait un bon groupe, avec Jules Koundé, Aurélien Tchouaméni, Younès Kaabouni, quand on montait avec les pros, je m’entendais bien avec Malcom, avec Adam Ounas…

Tu fais une année en réserve avec Bordeaux, puis tu pars en prêt à Pau en National à l’été 2017, où tu fais une grosse saison.L’objectif, en arrivant en prêt à Pau, était de montrer que j’étais capable de jouer au plus haut niveau. Le coach, David Vignes, m’a mis dans de bonnes conditions pour que je me sente à l’aise. Je mets 13 buts, je suis élu dans l’équipe de la saison. J’ai prouvé que je pouvais faire la différence dans une autre équipe, c’est la première année où je fais parler de moi.

Pourtant, à ton retour, tu es prêté aussi sec au Gazélec Ajaccio, alors qu’on aurait pu penser que tu aurais ta chance chez des Girondins en difficulté.Ouais, après ma saison à Pau, je pensais qu’on me donnerait ma chance. Ça s’est pas passé comme j’ai voulu, le coach voulait des joueurs plus expérimentés en Ligue 1, je n’entrais pas dans ses plans. Quand j’ai compris ça, je suis allé en Ligue 2 à Ajaccio, je me disais que je continuerais à progresser. Je montais quand même d’un cran, du National à la Ligue 2. Mais à Ajaccio, ça a été compliqué, le coach Albert Cartier ne comptait pas trop sur moi, et je ne pouvais pas prendre la place d’anciens joueurs de Ligue 1. Alors en décembre, je suis allé à Tours pour avoir plus de temps de jeu.

On est à l’été 2019, tu retrouves Bordeaux. Et rebelote, tu pars au Portugal, en deuxième division à Feirense.J’ai eu une conversation téléphonique avec le coach de là-bas, le projet me plaisait. L’entraîneur des Girondins était portugais (c’était Paulo Sousa à l’époque), je me disais que c’était un bon moyen de m’exposer. Mais là-bas, ça a aussi été dur (il est en sélection du Gabon en novembre, et ne joue plus à partir du 15 décembre). Et puis, je rentre en mars à Bordeaux à cause de la crise sanitaire.

La Süperlig est vraiment un championnat très dense. C’est physique, athlétique, ça siffle pas les fautes comme en France !

Alors, pourquoi, en pleine pandémie, tu décides de rejoindre un club tout juste promu en première division turque ?Moi, je suis un challenger, j’aime bien relever des défis. Là aussi, le projet sportif m’intéressait. Ils voulaient recruter pas mal de bons joueurs comme Adama Traoré, Mame Diouf, ou Munir, le gardien du Maroc… Pour ce qui est de la Turquie, j’ai demandé à mes potes de la sélection : Mario Lemina, André Poko, Aaron Appindangoyé, je les ai appelés et ils m’ont conseillé d’accepter parce que la Süperlig est un bon championnat, où je pouvais me montrer. Ils ont eu raison, c’est très relevé, ça a bataillé pour la victoire finale jusqu’à la dernière journée, on échoue à quatre points d’une place en Europe derrière Sivasspor, c’est vraiment un championnat très dense. Et puis c’est physique, athlétique, ça siffle pas les fautes comme en France ! (Rires.) Mais pour ce qui est de l’adaptation, ça s’est bien passé, on a un bon groupe, et puis ça parle français dans le vestiaire donc c’était pas compliqué de s’intégrer. Au final, on fait une bonne saison, on finit sixième, et je suis retourné en sélection.

Justement, ça fait quoi d’être titularisé aux côtés de Pierre-Émerick Aubameyang et Denis Bouanga ?Ah, ça fait plaisir. (Rires.) Mes premières sélections au Gabon, c’était pour le CHAN (Championnat d’Afrique des Nations, pour lequel seuls sont sélectionnés des joueurs évoluant en Afrique) au Rwanda en janvier 2016, donc j’étais même pas encore en Europe à ce moment-là ! Ma première avec Pierre-Émerick, c’est en 2019 pour les qualifications à la CAN. Quand je l’ai vu, j’étais comme un enfant. Je lui ai dit que quand j’étais plus jeune, j’avais assisté en tant que ramasseur de balles à la CAN 2012 au Gabon alors qu’il jouait déjà pour l’équipe nationale. Je lui ai fait : « Pierre, y a sept ans, je te donnais les ballons à la main, tu marquais, tu célébrais juste devant moi, et maintenant je joue avec toi, je partage un vestiaire avec toi ! » Le premier ballon que je lui ai donné de ma vie, c’était à la main ! (Rires.) On a bien rigolé, il a raconté ça à ses potes, et même si c’est drôle, c’est aussi pour ça que je suis très fier de représenter mon pays et de jouer avec des joueurs de son talent.

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