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À Vallecas, Bebé a trouvé son hospice
Débarqué au Rayo au cœur de l'été, le Portugais offre un début d'exercice succulent. Un retour au premier plan, cette fois pour de bonnes raisons, dû en partie à Paco Jémez. Pour ce qui est du reste, ses dizaines de vies font gage d'explication.
Les alentours de la Ciudad Deportiva du Rayo Vallecano offrent un panorama quasi désertique. Aux quelques barres d’immeubles vides situées à l’extrême Sud madrilène se juxtaposent des terrains vagues et des édifices en construction. Une vue d’ensemble peu glamour qui comble pourtant Tiago Manuel Dias Correia. Plus connu sous son surnom de Bebé, le Portugais, renfort rayista de l’été, occupe son temps libre dans son appartement qui tutoie le centre d’entraînement des autres Rojiblancos de la capitale. Une localisation qu’il explique autant par « son amour pour le football et les entraînements que nous préparent Paco Jémez » que pour son gout prononcé pour les grasses matinées : « La chose que je déteste le plus, c’est de devoir me lever tôt. J’économise du temps de sommeil en habitant à deux pas de la Ciudad Deportiva. » Un choix de vie qui lui sied et qui, par ricochet, se retrouve dans ses performances sportives. Désormais indéboulonnable du trio offensif de Paco Jémez, Bebé semble épanoui et, enfin, formé pour le monde professionnel du ballon rond. Une sacrée mutation pour celui qui se demande encore « comment (il a) pu atterrir à Manchester United » .
« Je ne voulais pas quitter l’orphelinat »
De Manchester United au Rayo Vallecano, Bebé connaît de multiples vies. Des vies, plus ou moins heureuses, qu’il juge d’une facilité sans nom en comparaison à son enfance. « J’ai grandi avec ma grand-mère, elle m’a élevé, comme ma sœur et mes trois frères, confesse-t-il dans les colonnes du Pais. C’était vraiment difficile pour elle de faire vivre autant de personnes, surtout que je ne me comportais pas bien. J’avais un oncle qui vivait à la « Casa de Gaiato » et qui pensait que c’était une bonne option pour moi, pour apprendre et savoir ce qu’est la vie. » Dans cet orphelinat, demeure de 150 personnes, il s’y construit de ses 9 ans jusqu’à ses 19. Bebé, encore : « J’ai appris à coudre, à repasser, à faire la lessive. Mais pas à cuisiner, ça jamais. J’ai appris à être humble, pas trop, mais comme il fallait. J’ai surtout appris que la vie est dure. Et aujourd’hui, je suis prêt pour tout parce que j’ai vécu le plus difficile. » Le football, il ne le découvre qu’à ses 14 printemps. Avant cela, « je n’aimais pas ça. Je me trouvais trop nul, pas assez agile. » Un constat qui change rapidement suite à la Coupe d’Europe des sans-abris de 2008.
« Il fallait jouer tous les jours, mais moin je ne m’entraînais jamais, je dormais toujours sur le banc parce que j’étais bon et que je n’avais pas besoin de travailler, expose sans sourciller le natif de Loures. Contre la France, nous perdions 3-0. Le coach m’a fait entrer et j’ai changé le match en marquant quatre buts. Ensuite, j’en ai inscrit 40 en six matchs. » Les promesses du Portugais arrivent même jusqu’aux oreilles de l’Estrela da Amadora, pensionnaire de troisième division. Entre ses sorties arrosées et ses nuits blanches, il trouve encore le moyen de flamber sur le pré. Lui s’en soucie peu, et décide même de résilier son contrat à cinq journées du terme. Idem, le Vitória Guimarães, qu’il intègre quelques semaines plus tard, reçoit tout d’abord une fin de non-recevoir : « Je ne voulais pas quitter l’orphelinat. J’avais peur, alors que là-bas, je me sentais protégé, c’était ma famille. » Une famille qu’il quitte bien lorsque Manchester United dégoupille. Trois mois suffisent aux Red Devils pour le recruter contre un modique chèque de 7,4 millions de livres. Ou comment, en un peu plus d’une année, passer de SDF à potentiel millionnaire.
Paco Jémez, ou le père que Bebé cherchait
Ce changement de vie, du tout au tout, entraîne indubitablement une déception sportive. « Je venais de troisième division et je me trouvais face à des gens qui avaient toute l’expérience du monde. Je me demandais : « Mais que vais-je faire ici ? » » Une question qui, après sept petits bouts de match, trouve comme réponse un exil rapide. Du Beşiktaş au Benfica, de Cordoue à Rio Ave, il écume pas moins de huit clubs en sept ans avant de tomber, cet été, dans le vestiaire du Rayo Vallecano.
Dans ce quartier cosmopolite, Bebé trouve illico ses marques et, surtout, un père footballistique, Paco Jémez : « Au début, il m’engueulait souvent parce que j’étais distrait. Il n’aime pas que je touche trop le ballon, il veut qu’il circule vite et bien. Et moi, j’oublie rapidement ça parce que je n’y suis pas habitué. » Enfin cadré, le Portugais boit les préceptes estampillés Jémez et s’adapte aux exigences du jeu de toque. Mieux, ses différences sur l’aile deviennent un point fort rayista. « Paco n’aime pas parler deux fois. S’il dit à droite, tout le monde à droite. Il adore voir que je veux apprendre » , s’amuse aujourd’hui un Bebé qui a trouvé un nouvel hospice à Vallecas.
Par Robin Delorme, à Madrid