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A-t-on enfin retrouvé le vrai Džeko ?
Oubliez les mauvaises critiques, les surnoms foireux et les ratés de la saison dernière, sa première avec l’AS Roma. Depuis septembre, Edin Džeko claque but sur but et, à trente ans, porte les espoirs de tout un club en manque de buteur ces dernières années.
La frappe est belle, instinctive, millimétrée. Bien aidé par une bourde de Koulibaly et un excellent travail de Mohamed Salah, Edin Džeko envoie Pepe Reina dans les cordes et ouvre le score à la 43e minute lors d’un match crucial opposant son AS Roma à Naples. Onze minutes plus tard, l’attaquant bosnien double la mise d’une tête parfaite et confirme l’impression laissée depuis le début de saison : Džeko est en pleine bourre, et profite de la moindre perte de balle adverse, de la moindre potentielle passe décisive de ses coéquipiers pour faire parler sa puissance et son efficacité.
Adieu, « Edin l’aveugle »
En revanche, comment expliquer ce retour au top face au but après une première année plus que compliquée avec l’AS Roma ? Accueilli tel un héros par des centaines de supporters lors de son arrivée à l’aéroport de Fiumicino en août 2015, Džeko a marqué le pas la saison dernière, durant laquelle il n’a inscrit que huit buts en trente et un matchs de Serie A. C’est peu, insuffisant et indigne du ratio qui était le sien à Manchester City ou Wolfsburg. Pire, l’attaquant est resté muet onze heures et cinquante minutes entre mi-novembre 2015 et février 2016 – un chiffre plus élevé encore (vingt-trois heures et trente-deux minutes) si on enlève les deux penaltys transformés avant début septembre qui lui ont valu un terrible surnom dans les tribunes du Stadio Olimpico : « Edin Cieco » . Soit, « Edin l’aveugle » , en VF.
« C’est difficile pour les attaquants en Italie, a-t-il expliqué cette semaine, parce qu’il y a toujours deux défenseurs autour de toi. » Ce que ne dit pas cette déclaration, qui transpire la peur et le caprice d’enfant gâté, c’est à quel point Džeko a toujours eu du mal à s’imposer dès ses premiers pas dans un nouveau club (huit buts à Wolfsburg, seulement deux à City), et surtout, à quel point il a réussi à rehausser le niveau cette saison. Avec dix pions en dix journées de championnat, accompagnés de trois passes décisives, l’ancien de Manchester City est impliqué dans la moitié des réalisations de son équipe. Sans compter les sacrifices qu’il fait sur le front de l’attaque, le sourire qu’il affiche désormais sur le terrain et son corps plus que jamais affûté grâce au régime alimentaire prodigué par le docteur Guido Rillo, biologiste-nutritionniste des Giallorossi. Bref, oubliez les mois difficiles passés sous les ordres de Rudi Garcia et les rumeurs de départ intensives de l’été dernier, Džeko s’est retrouvé et s’est imposé sans conteste comme le gars sûr de cette Roma version Spalletti. En clair : le natif de Sarajevo ne se pose plus mille questions, entend ce que son coach lui dit et exécute son plan. Comme ça, sans trop de prises de tête. Quitte à se mettre davantage au service de l’équipe que par le passé ?
Un collectif, des occasions et une efficacité retrouvée
À entendre Spalletti en conférence de presse cette semaine, il y a un peu de ça ( « Je le félicite pour sa réussite, mais ce n’est pas simplement une histoire de buts. En Italie, les joueurs sont uniquement jugés sur le nombre de buts qu’ils marquent et on a tendance à oublier le reste du match. » ), mais il y a surtout une cohésion offensive retrouvée depuis le début de saison. Et ça, il faut bien le noter : à Rome, la saison dernière, Džeko était souvent isolé sur le terrain, se débrouillait avec les miettes. Depuis septembre, c’est l’inverse : Mohamed Salah multiplie les exploits personnels au service de son avant-centre, Stephan El Shaarawy montre actuellement plus de style sur le terrain qu’en dehors, Diego Perotti dézingue ses adversaires à chacune de ses apparitions et le duo De Rossi-Nainggolan mène tout ce beau monde à la baguette. Autant dire que Džeko a les occasions cette saison, et évite au maximum de les gâcher. Même si Spalletti, suite au match remporté à Naples le 15 octobre dernier, semblait encore attendre davantage d’un attaquant tirant actuellement 5,2 fois par match : « En première mi-temps, il y a quatre ou cinq occasions où il aurait pu alourdir le score. C’est un joueur exceptionnel, mais il doit encore faire mieux, vu ses prouesses physiques et sa facilité technique. »
Quoi qu’il en soit, à ce rythme, il ne devrait pas trop tarder à rejoindre l’éternel Gabriel Batistuta dans le cercle très fermé des joueurs de l’AS Roma à avoir marqué plus de vingt buts en une saison. Depuis le départ de l’Argentin en 2003, seuls Vincenzo Montella (vingt-trois buts en 2005) et Francesco Totti (vingt-six et vingt-cinq réalisations en 2007 et 2010) ont réussi à renouveler l’exploit. Autant dire que si Džeko y parvient, c’est ce qui s’appellerait prendre une belle revanche.
Par Maxime Delcourt