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À Strasbourg, l’Europe est dans un coin de la tête
Le Racing aborde son choc contre Lyon, prévu dimanche, dans la peau d'un virtuel qualifié européen. Cette quatrième place, aussi provisoire que méritée, révèle une lente montée en puissance de l’équipe entraînée par Julien Stéphan, qui peut désormais, avant un rush final délicat, rêver d’Europe. Une telle consécration ne serait que justice pour ce club historique et au regard de son parcours cette saison. Et un beau service rendu au foot français.
Le Racing vit une saison exceptionnelle. Si, longtemps, les performances du club alsacien sont restées sous le radar de la plupart des commentateurs, focalisés sur Marseille, Nice ou Rennes, son actuelle position en embuscade n’a finalement rien de surprenant. Cette réussite doit d’abord se mesurer à l’aune d’un budget (45 millions d’euros) deux fois inférieur à celui du SRFC, et quatre fois moindre que ceux de l’OM ou L’OL, sans même évoquer PSG. À ceux qui y verraient également le résultat d’un syndrome « Ligne Maginot » , soit une solide défense qui permet d’être surclassé, on rétorquera que le Racing possède la troisième attaque du championnat et que le fidèle public de la Meinau a salué davantage de buts que 17 autres stades de Ligue 1, y compris au Vélodrome. Strasbourg offre une belle leçon de choses à une Ligue 1 obnubilée par la vente de ses droits télé, notamment à l’international via sa société commerciale (et son fonds d’investissement rentré au capital), voire crispée sur la crise que traverse sa tête de gondole parisienne. Or quiconque aime ce sport sait qu’une vraie nation de foot a besoin de ce profil de clubs, ces vénérables institutions qui parviennent parfois à s’asseoir à la table des hautes instances.
Raison garder
Philippe Wolf, président de la fédération des supporters du Racing, savoure en tout cas cette année 2022 comme il se doit, tout en gardant les pieds et le mégaphone sur terre. « Il a déjà fallu se faire à l’idée inédite qu’on était capables d’enchaîner semaine après semaine des prestations très solides, ce qui a pris du temps car on n’était vraiment pas habitués, rapporte l’Alsacien. Je pense qu’on est à notre place aujourd’hui, ce qui ne veut pas dire que ça restera ainsi jusqu’à la fin de la saison, et que les supporters, après y avoir rêvé depuis plusieurs semaines, se disent qu’on a maintenant concrètement, réellement, une vraie chance de finir dans les places européennes. En revanche, on ne parle pas trop de Ligue des champions, ça semble toujours inaccessible. »
Après des saisons précédentes entièrement tournées vers le maintien, parfois arraché à la dernière journée sur un coup franc miraculeux, la lente reconstruction d’un Racing, qui pèse dorénavant parmi ses pairs et retrouve son rang après avoir failli disparaître, semble donc sur le point d’aboutir. Certes, la Coupe de la Ligue 2019 avait permis de repasser une tête au niveau continental, mais l’aventure s’était arrêtée aux barrages de C3 contre l’Eintracht Francfort. Regoûter à l’Europe, qui plus est après avoir arraché sa place en championnat, prendrait un doux parfum de reconnaissance, presque de revanche. Le retour de Kevin Gameiro, qui avait participé à l’aventure européenne en 2005 (avec un doublé contre l’Étoile rouge de Belgrade) et qui s’illustre sur le terrain en fidèle soldat du maillot, semble confirmer l’alignement des astres au-dessus du Rhin. Avec en filigrane l’espoir que quelques noms prestigieux du Vieux Continent, même s’ils furent d’anciens bourreaux comme Manchester United en 1965 ou l’Ajax en 1980, sortent d’un chapeau de tirage au sort. L’élimination du Liverpool FC en Coupe de l’UEFA après une victoire 3 à 0 à domicile avec un doublé de David Zitelli reste encore dans les mémoires.
Néanmoins, dans les gradins, l’humeur reste à la modestie. « Le club a déjà joué quelques matchs de Coupe d’Europe il y a deux ans, même si ce n’était que des tours préliminaires, rappelle Philippe Wolf. La Meinau avait été très chaude, notamment lors de la réception de Francfort. Je crois qu’on n’a pas besoin de l’Europe pour vivre à fond une saison à la Meinau, mais évidemment ça donne très envie. Au-delà de cette option qui sera concrétisée ou non d’ici un mois, ça valide surtout la progression du club. En ce sens, on n’espère pas renouer avec le passé qui était surtout fait de (très) hauts et de (très) bas. La vraie évolution, la vraie consécration, serait d’être capable de se maintenir dans le top 10 de la Ligue 1 à long terme. »
Le principal obstacle, et qui octroie toute son importance à la venue des Gones, reste en effet un calendrier plutôt difficile. Le déplacement la dernière journée à Marseille, qui défendra peut-être sa place qualificative directe en C1, brillera sûrement comme une apothéose périlleuse. Le passé récent a illustré la capacité des Strasbourgeois à se transcender quand il s’agit d’éviter la relégation ou pour faire trébucher les grosses cylindrées (le PSG de Neymar en 2017, par exemple). Seront-ils capables d’en faire autant quand chaque point comptera pour atteindre les sommets européens ? Réponse dans les semaines à venir.
Par Nicolas Kssis-Martov