- France
- Football amateur
À Soissons, club amateur ambitieux cherche liquidités
Soissons, ce n'est pas qu'un vase, une abbaye et des haricots blancs, c'est aussi la maison de l'Internationale soissonnaise, petit club de foot amateur qui ne cesse de faire parler de lui sur la toile pour une raison assez simple : malgré quatre montées successives en quatre ans, le club n'a plus une thune, la faute à un football amateur de plus en plus coûteux et à une municipalité peu solidaire. C'est donc vers le grand public que les Soissonnais se sont tournés pour trouver les 8000 euros qui manquent à leur survie.
« Si vous voulez réussir, il faut ouvrir de nouvelles voies et éviter les chemins empruntés par les promesses de réussite » , a un jour dit John Rockefeller. Ces nouvelles voies, l’Internationale soissonnaise et sa centaine de licenciés s’en seraient bien passés. Ils se seraient bien contentés du chemin classique. Mais voilà, malgré une réussite sportive évidente, le club est à deux doigts de mettre la clé sous la porte. Non pas à cause d’une gestion des finances laxiste, mais d’une aide municipale quasiment inexistante. Sur les 35 000 euros alloués chaque année aux cinq clubs de football soissonnais par la ville, 30 000 vont dans la poche du plus grand club de la ville, qui ne se trouve qu’une seule division au-dessus de l’IS. « Ils ont plus de licenciés et existent depuis plus longtemps que nous, donc c’est normal qu’ils touchent plus que nous. C’est un bon club, nous sommes tous passés par là à un moment, et on n’a jamais eu de problèmes avec eux. On ne veut pas qu’ils touchent moins juste pour le plaisir, mais on voudrait juste que ce soit mieux réparti » , explique Julien, vice-président et membre fondateur du club. « 1000 euros par an, c’est vraiment rien. Le football amateur coûte très cher et ce n’est pas comme si les entreprises locales, qui sont toutes en perte de vitesse à cause de la crise, pouvaient nous aider » , assure-t-il.
Évidemment, comme dans toutes les histoires de subvention, la mairie ne donne aucune explication et ne fournit aucune donnée qui permettrait de comprendre pourquoi tel club touche tel somme. « Ce qui nous fait mal, c’est de voir à quel point on a donné pour cette ville et que tout le monde s’en fout. Nous avons tous fait de longues études, nous sommes tous partis de Soissons à un moment. Mais nous sommes revenus. On avait tout juste 20 ans lorsqu’on a créé le club et il a tout de suite bien marché au niveau sportif. Je ne dis pas qu’on devrait être vus comme des exemples, mais on ne devrait pas être vus comme des moins que rien. » Dans une région sinistrée où le Front national est devenu un des partis de référence, cette équipe très métissée et dont la plupart des licenciés viennent de milieux défavorisés pourrait déranger. De là à y voir un lien avec la somme dérisoire allouée à l’équipe… « Je ne pense pas que ce soit du racisme. Ou peut-être un peu… C’est plutôt un problème d’immobilisme. Que des jeunes veuillent fonder un club, ça les dépasse déjà, mais alors qu’ils veulent qu’il réussisse… Je crois que c’est ça qu’ils ne comprennent pas. Pour eux, il n’y a qu’un club et un seul. » Le crowdfunding, ce n’est pas que pour Veronica Mars
Voyant la situation du club empirer et ne pouvant plus sortir d’argent de leur poche, l’idée de passer par le crowdfunding est alors devenue une évidence. « J’y ai passé beaucoup de temps pour faire quelque chose de propre, quelque chose de clair pour que les gens sachent pour quoi ils donnent. On n’a jamais fait les fous avec l’argent, on n’a jamais dépensé plus qu’il ne fallait. On voulait juste montrer que notre budget ne permettait même pas d’acheter le nécessaire » , explique Julien. Ce financement participatif correspond finalement assez bien à la philosophie du club. Un club où tout le monde peut venir avec ou sans thunes. « On a payé plein de licences depuis la naissance du club. Si un gamin ne peut pas payer la licence, on fait tout pour trouver une solution et qu’il puisse venir quand même. On se dit qu’il sera toujours mieux à jouer au ballon dehors que devant sa console toute la journée. » Une politique assez rare dans un football amateur gangrené par l’argent dès les premières divisions. « Dans notre poule, il y a des équipes qui payent leurs joueurs. On est en Excellence, c’est n’importe quoi. Nous, on paye notre entraîneur – enfin, quand on pouvait encore – et on verse un petit quelque chose aux éducateurs, mais c’est tout. On veut que ça reste du football amateur. » Une volonté de rester simple à quoi s’ajoute, malgré des revendications qui pourrait les faire passer pour des syndicalistes un peu chiants, une volonté de ne pas se prendre trop au sérieux et même de se marrer. Faire un virement à l’Internationale donne le droit à quelques cadeaux : un maillot au flocage personnalisé ou à celui de Chuck Norris, une dédicace lors d’un but, des places pour aller voir jouer le club… Un don de 8000 euros ou plus donne même la chance de devenir le Nasser El Khelaïfi du club, avec en option, un stade au nom du précieux contributeur. Stéphane Guy and Thomas Thouroude like this
Si les mecs de cette Inter made in Picardie n’ont pas vraiment l’impression que leur projet suscite l’attention de la mairie – bien que les choses semblent légèrement changer depuis les élections de mars dernier – ils peuvent néanmoins compter sur un soutien massif hors de Soissons. « Tout le monde nous dit que c’est une super idée. Les clubs aux alentours ont tous trouvé l’initiative sympa. Plein de gens ont participé un petit peu et pas que nos potes. » Ils ont même reçu le soutien de Stéphane Guy et Thomas Thouroude. Ces derniers ont évoqué le projet dans leurs émissions respectives. « En fait, on a un ami qui est journaliste à J+1, il leur en parle juste comme ça, et ils ont souhaité nous faire une sorte de dédicace. On les a pas forcés. C’est sympa et franchement ça nous a bien aidés, surtout pour la vidéo. »
Parmi les anonymes, un des plus gros donateurs n’est autre que leur ancien capitaine, aujourd’hui prof de sport à Mayotte. Malgré la distance et bien qu’il ne soit pas originaire de Soissons, il est resté fidèle au club. « Les raisons de mon action sont simples, je veux permettre à chaque jeune ou moins jeune d’avoir la chance de trouver une telle structure d’accueil dans laquelle on se sent vraiment bien, telle une seconde famille, mais aussi et surtout dans laquelle le football et l’éducation par le football sont mis au premier plan. Ces gens m’ont accueilli, et c’est une sorte de remerciement, mais aussi une aide. » Aujourd’hui, il manque encore 4000 euros à l’Inter. Et si les fondateurs ne doutent pas que la cagnotte sera remplie avant la date butoir, ils ont conscience que les dons de chacun ne suffiront sans doute pas à sauver définitivement le club. « On sait bien que l’année prochaine, il faudra faire différemment » , lance amèrement Julien. À moins que Thomas Thouroude ne devienne président du club.
Par Sophie Serbini