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À Revel, la fête fut belle

Par Tom Binet, au stade Pierre Fabre

La ville de Revel était à la fête ce dimanche soir, communiant derrière son équipe pour la venue du Paris Saint-Germain. Malgré le lourd 0-9 encaissé, joueurs, entraîneur et supporters ont célébré l'événement comme il se doit et ne sont pas près d'oublier ce qu'ils ont vécu.

Team of Revel celebrates with fans during the French Cup match between Union Sportive Reveloise and Paris Saint-Germain at Stade Pierre Fabre on January 7, 2024 in Castres, France. (Photo by Anthony Dibon/Icon Sport)
Team of Revel celebrates with fans during the French Cup match between Union Sportive Reveloise and Paris Saint-Germain at Stade Pierre Fabre on January 7, 2024 in Castres, France. (Photo by Anthony Dibon/Icon Sport)

L’euphorie avait débuté le 11 décembre dernier lors du tirage au sort de ces 32es de finale de Coupe de France, animant ensuite la période des fêtes. Il s’est prolongé avec le feuilleton pour savoir dans quel stade la partie serait jouée et avec la ruée vers l’or dès l’ouverture de la billetterie, le 1er janvier. Si l’effervescence est montée doucement depuis près d’un mois, ce dimanche soir fut donc l’apothéose pour la ville de Revel et ses quelque 9 500 habitants, prêts à accueillir l’ogre du PSG à Castres.

« On va gagner la coupe de France ! »

Plus de deux heures avant le coup d’envoi, c’est déjà une longue procession silencieuse qui se faufile dans la zone pavillonnaire entourant l’enceinte du stade Pierre-Fabre, antre du Castres Olympique, à quelques encablures du centre-ville de la sous-préfecture du Tarn. Si les riverains ont plutôt l’habitude de voir défiler les amoureux du ballon ovale dans le coin, ils n’auront pas été trop dépaysés par l’ambiance chaleureuse du soir, malgré le froid de canard de ce début de mois de janvier. L’avant-match est d’ailleurs animé par le groupe de supporters de l’US Revel à grand renfort de chants et de fumigènes, bien aidés par la batucada du CO. « Les amis du rugby » ont en effet répondu à l’appel pour venir mettre l’ambiance, du parvis du stade à la tribune nord, prête à y perdre ses cordes vocales pour pousser derrière… les Rouge et Noir. « On va gagner la Coupe de France ! », tonnent les ultras locaux, sur un air désormais célèbre du côté de Toulouse. « C’est vrai ? », demande un petit garçon accroché sur les épaules de son père. Réponse dans un sourire : « Non, il faut encore sept matchs pour gagner la coupe. »

Si l’écharpe du match est bien sûre la reine, côté vestimentaire les couleurs du Castres Olympique sont largement représentées, parsemées de quelques touches de violet, histoire de rappeler que pour les amoureux de foot ici, c’est du côté de Toulouse qu’il faut tourner son regard. « On vient souvent voir le CO, et le foot au Stadium, s’enthousiasme Mahmoud, venu avec famille et amis en espérant un exploit majuscule après avoir déjà assisté à la qualification aux tirs au but contre Blagnac au tour précédent. On est de Revel, on suit le club. Le tirage au sort ne pouvait pas mieux tomber, même si on sait très bien que Paris est une super équipe. On a de l’espoir, ça reste des humains avec deux bras, deux jambes… Les trois quarts de Revel se sont déplacés. » En effet, la foule est dense aux abords du stade, et les nombreux habitués peinent à s’y retrouver.

Paradoxalement j’ai pris neuf buts, mais j’ai pris du plaisir. On n’était pas prêts à ce qui s’est passé.

Cyril Garcia

Pour accéder à la tribune, il faut donc prendre son mal en patience. « C’est la première fois qu’on vient. Dans la famille, certains suivent le rugby, mais moi j’aime surtout le foot. On est venus exprès de Béziers, mais avec les enfants, on est plutôt pour le PSG, explique pour sa part Alex, lui aussi supporter du Téfécé venu avec sa compagne et ses deux fils, dont le plus jeune arbore un bonnet du Stade toulousain. « Moi aussi je suis pour le Stade !, s’exclame Léo, le grand frère, avant de pronostiquer une victoire 6-0 de Kylian Mbappé et compagnie. Serge a aussi fait un peu de route pour participer à l’événement. Natif de Revel, il habite désormais à Carcassonne, mais ne voulait rater ça sous aucun prétexte. « C’est rare, ça fait tellement plaisir de les voir là. On est contents, même si ça va sûrement être à sens unique. Le but c’est de profiter, j’espère qu’ils vont prendre du plaisir. » Qu’il ne s’inquiète pas, la mission va être accomplie haut la main.

En plein bonheur

Un peu plus loin, certains en profitent pour négocier au téléphone les dernières places, la billetterie ayant été un sujet de tensions ces derniers jours. Chaque licencié revelois s’est en effet vu octroyer 15 des 12 300 places, laissant finalement moins de 2 000 sésames mis en vente pour le grand public. Sans grande surprise, le site du CO, par lequel s’est faite la vente, n’a pas tenu le coup face à l’afflux de connexions, provoquant colères et frustrations. Deux sentiments totalement absents sur place, surtout quand le bus de Revel fait son apparition, faisant encore monter l’ambiance de quelques degrés. Les joueurs finissent même à pied, au milieu de la cohue. « Le groupe de supporters s’est créé au fil de cette épopée. On se devait d’aller avec eux, notre liaison est forte. Ça met des frissons », assurera le milieu de terrain Jonathan Vieu après la rencontre, suivi par son gardien et capitaine, Cyril Garcia. « À ce moment-là, on a pris un coup. Dans le vestiaire, on s’est dit : “Les gars, on vient de prendre une baffe, on va en prendre une seconde quand on va sortir s’échauffer.” »

Côté terrain, les différentes catégories d’âge de l’USR sont invitées à venir fouler la pelouse, en attendant la première apparition des héros du soir, que tout le monde attend de célébrer. Et comme un match de foot ne serait pas une fête totale sans supporters des deux camps, 500 parisiens ont pu faire le déplacement pour chanter à la gloire de Keylor Navas, premier protagoniste à pointer le bout de son nez. Dans le camp d’en face, des banderoles « Ici au beffroi vous êtes nos proies » ou « Paris est magique / Revel est royal », sont déployées, annonçant la couleur. Et si la partie est à l’image du pronostic de Serge, rien n’entame l’enthousiasme dans les gradins, debout à la moindre action de leurs protégés. Une communion achevée par une magnifique ovation suivie d’un long tour d’honneur au coup de sifflet final. « En tant qu’amateurs, ce sont des moments privilégiés, racontera quelques instants plus tard Nicolas Giné, le coach revelois, devant les médias massés dans la salle de presse. Ça peut vous paraître quelque chose d’assez basique, mais certains joueurs sont venus nous voir pour nous dire qu’ils n’avaient plus envie de partir. Ils ont vécu l’instant avec leur famille, leurs enfants. Nos supporters sont des gens qu’on voit toute la semaine, les enfants du club, les joueurs de la 2… »

La fête n’est pas encore finie

Pendant que les travées se vident sans que les innombrables sourires n’aient quitté les visages, les acteurs passent par la case conférence de presse, pleins de bonne humeur et de second degré, encore vêtus de leurs maillots du match. « Vous avez compris qu’à Revel, notre force c’est la cohésion. On prend beaucoup de plaisir à se retrouver et vivre ensemble », déroule le Castrais Garcia, ravi d’avoir fait vibrer Pierre-Fabre pour conclure ces deux jours passés entre copains. À la demande des joueurs, l’équipe reveloise s’est en effet offert une soirée de mise au vert le samedi au bord du lac de Saint-Ferréol. « Ils vont ressortir grandis humainement de ce genre de week-end », espère de son côté Nicolas Giné. Entre une promesse de tatouage sur les fesses pour immortaliser le moment et quelques blagues sur le transfert à venir de Kylian Mbappé et les premières crampes apparues « dès la 40e », ses ouailles auront été du même avis. « Paradoxalement, j’ai pris neuf buts, mais j’ai pris du plaisir. On n’était pas prêts à ce qui s’est passé », conclut Garcia, reparti avec le maillot d’Alexandre Letellier. Car c’est via un tirage au sort effectué en amont que les Revelois – qui ont également tenu à conserver leur propre tunique, au grand dam de Manuel Ugarte – ont déterminé qui récupérerait quel maillot parisien.

C’est une claque à tous les niveaux, mais je ne pense pas qu’on soit le genre de club à prendre la grosse tête.

Nicolas Giné

Reste désormais à gérer le retour à la réalité pour un club actuellement leader de son groupe de Régional 1. Mais ne comptez pas sur eux pour y penser tout de suite. « On va essayer de savourer et d’être cohérents mardi à l’entraînement. Il y aura forcément une mise au point avec les garçons, il faudra trouver les bons mots, se projette tout de même le coach. C’est une claque à tous les niveaux, mais je ne pense pas qu’on soit le genre de club à prendre la grosse tête. On sait que notre quotidien, c’est la R1. » « Le premier danger, c’est le bar et la boîte de nuit ce soir », lâche pour sa part Thomas Calmettes, provoquant un dernier fou rire avant que tout le monde ne quitte la conférence de presse sous les applaudissements. « Vous ne venez pas la semaine prochaine ? Ah bon ? On ne me l’avait pas dit », ironise Nicolas Giné, tout sourire. Il est minuit. Le week-end est terminé, mais la fête pas tout à fait.

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