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À Rennes, tous dans la même galère

Par Clément Gavard, au Groupama Stadium
7 minutes

Depuis la Coupe du monde, le Stade rennais avance à un rythme de candidat au maintien plus qu'à l'Europe. Cette saison ressemble de plus en plus à un échec pour les Bretons, et les responsabilités sont partagées, même s'il sera important de ne pas tout jeter à la poubelle dans la précipitation en cas de faillite.

Bruno GENESIO coach of Stade Rennais during the Ligue 1 Uber Eats match between Lyon and Rennes at Groupama Stadium on April 9, 2023 in Lyon, France. (Photo by Anthony Dibon/Icon Sport)
Bruno GENESIO coach of Stade Rennais during the Ligue 1 Uber Eats match between Lyon and Rennes at Groupama Stadium on April 9, 2023 in Lyon, France. (Photo by Anthony Dibon/Icon Sport)

Il n’est plus question de relativiser ou de cacher la poussière sous le tapis au Stade rennais, renversé par Lyon ce dimanche (3-1) et battu pour la dixième fois cette saison en championnat. Aucune autre équipe du top 10 n’a concédé autant de défaites (9 pour Lorient et Lyon, 8 pour Lille). Un constat inimaginable après une première partie de saison réussie sur le plan comptable et une série de 17 matchs d’affilée sans perdre toutes compétitions confondues avant le Mondial, point de rupture d’une équipe devenue quelconque et avançant à un rythme d’escargot depuis la reprise (19 points en 15 rencontres). Heureusement pour Rennes, toujours 6e à 2 points d’une place européenne, les concurrents ne sont pas plus forts, ni très réguliers, ce qui laisse un peu d’espoir au milieu de tout ce désespoir.

C’est lamentable de présenter un visage comme ça.

Olivier Cloarec, président du SRFC

Plus personne ne se voile la face chez les Bretons : il y a urgence si ces derniers veulent limiter la casse et sauver leur ambition, c’est-à-dire une sixième qualification en Coupe d’Europe en six saisons, ce qui serait assez remarquable pour un club comme le SRFC. Moins d’une heure après le revers contre l’OL, le président Olivier Cloarec est venu tirer la sonnette d’alarme en zone mixte, à quelques mètres de la pelouse du Groupama Stadium. « C’est lamentable de présenter un visage comme ça, a-t-il posé. Forcément, après une prestation comme ça, on ne peut qu’être inquiets. On a beaucoup évoqué à tour de rôle les problèmes de systèmes, à quatre ou cinq derrière. Aujourd’hui, ce n’est pas un problème de système, mais d’état d’esprit, de valeurs, de compétition, d’investissement. Il faut vite se ressaisir. Il reste huit matchs, ça peut être encore très long à ce rythme-là. » Voilà un premier enjeu pour Rennes : ne pas retrouver le goût des fins de saison sans saveur ni passion.

Conjoncture et recrutement

Il est déjà tentant pour les supporters et les observateurs de pointer du doigt un coupable, mais les responsabilités sont diluées et c’est le club dans sa globalité qui a perdu le fil de cette saison pourtant bien entamée. Nous sommes le 10 avril, et Rennes a maintenant peur d’un printemps qui déchante et d’un échec assumé pour un club qui voulait « faire mieux que la saison passée ». C’est déjà raté pour le SRFC, éjecté de la Coupe de France dès les seizièmes de finale à Marseille – un tirage compliqué, mais jouer au Vélodrome n’est pas insurmontable cette année – et surtout éliminé de la Ligue Europa par le Shakhtar Donetsk, un club devant composer avec la guerre, après un match aller raté à Varsovie et un scénario cruel au retour. En championnat, il reste l’espoir d’une 5e place pour accrocher la Ligue Europa Conférence (la 4e est déjà à 8 points), ce qui resterait une belle consolation, sans que cela ne soit vraiment suffisant pour devenir plus attractif lors du prochain mercato. Le recrutement, justement, pose question à Rennes, où les problèmes conjoncturels ne peuvent pas être éludés, notamment la grave blessure en janvier de Martin Terrier, meilleur buteur et meilleur joueur, mais ne peuvent pas non plus tout expliquer ni excuser.

Le club breton n’a pas caché ses ambitions et sa force de frappe sur le marché des transferts l’été dernier, avec près de 80 millions d’euros dépensés pour Amine Gouiri, Arnaud Kalimuendo, Arthur Theate et Christopher Wooh. Une puissance permise par de belles ventes (environ 70 millions d’euros sans compter le chèque de 25 millions cet hiver pour Kamaldeen Sulemana) et aussi la famille Pinault, actionnaire solide et qui aurait pu être plus gourmand encore sans les limites imposées par le fair-play financier. Seulement, Rennes n’a pas appris de ses erreurs commises la saison dernière et n’a surtout pas réussi à combler les manques d’expérience et de caractère, déjà soulignés en 2021-2022. Il y a bien eu l’arrivée de Steve Mandanda pour remonter la moyenne d’âge d’un effectif très jeune, mais c’est tout. Le «  milieu box-to-box » réclamé par Bruno Genesio dès fin mai n’est jamais arrivé, alors que Kim Min-jae a finalement choisi Naples et que Samuel Umtiti n’a pas fait l’unanimité. Le mercato a été difficile pour Rennes et Florian Maurice, qui aurait refusé une offre de Monaco selon les informations de L’Équipe et qui fuit la presse comme la peste ces dernières semaines, même si le directeur technique rennais assurait qu’il « assumerait tous [ses] choix sans aucun problème » en septembre.

« Il n’y a pas d’ambiguïté  »

La bonne alchimie au sein du triumvirat rennais est peut-être moins visible ces derniers mois, même si Olivier Cloarec a réaffirmé ce dimanche leur entente sans que la question ne lui soit vraiment posée : « Il n’y a pas d’ambiguïté comme on peut le laisser entendre dans certains articles ou commentaires qu’on voit. Encore une fois, il n’y a aucun souci si vous faites référence à des problèmes éventuels entre le président, le coach et le directeur sportif. Il n’y en a pas. Il n’y en a vraiment pas. Aucun, aucun, aucun. » Une manière, aussi, de ne pas laisser Bruno Genesio comme seul communicant face aux médias, alors que le meilleur entraîneur de Ligue 1 en titre semble moins inspiré cette saison. Il n’a toujours pas trouvé la solution pour que son équipe en redevienne une sans Terrier, jonglant entre les systèmes et peinant à installer un onze type. Une autre limite : cette incapacité à renverser les matchs et à se montrer proactif en cours de rencontre (2 succès en 28 matchs où Rennes concède l’ouverture du score en L1 depuis son arrivée). « Je pense surtout qu’on est devenus mentalement beaucoup trop friables dès qu’on est en difficulté, analysait-il encore ce dimanche. On n’a pas suffisamment le caractère qui résumait mon équipe. On l’a perdu. » Le technicien ne détient plus la clé, et les matchs références se comptent sur les doigts d’une main cette saison pour le SRFC.

Maintenant, il faut aller au combat, être solidaires pour aller chercher cette place européenne, on a besoin de joueurs concernés.

Hamari Traoré

Il serait trop simple de se réfugier derrière un problème d’état d’esprit ou de motivation. Le Stade rennais reste l’équipe qui avale le plus de kilomètres avec Lens en championnat, par exemple. Cette équipe n’a pas perdu l’envie, mais elle ne semble plus savoir quoi faire et ne joue plus aussi intelligemment qu’avant. La faute aussi à des joueurs moins performants, notamment au milieu de terrain, où le trio Baptiste Santamaria-Flavien Tait-Lovro Majer n’a été aligné qu’à cinq reprises au coup d’envoi d’une partie depuis août, dont la dernière fois remonte à septembre à Larnaca (15 présences communes sur une feuille de match sur 40). Il y a eu la longue blessure du premier, méconnaissable depuis son retour, et les méformes des deux autres, rarement brillants. Le duo Kalimuendo-Gouiri a trop peu fonctionné, et les différentes charnières n’ont pas toujours donné satisfaction. « Maintenant, il faut aller au combat, être solidaires pour aller chercher cette place européenne, on a besoin de joueurs concernés », a lâché le capitaine Hamari Traoré, comme si l’intérêt du collectif ne primait pas chez tout le monde.

En interne, du côté de la Piverdière, on n’a jamais caché qu’une saison sans Coupe d’Europe serait un grand échec. L’heure n’est pas encore au bilan, il est trop tôt, et les Rennais sont toujours dans la course, avant la réception épineuse de Reims et un déplacement à Montpellier. Forcément, avec les mauvais résultats vient le retour des critiques sur la politique tarifaire du club breton, qui assume la hausse des prix et des places réservées aux VIP (passées de 2 000 à 2 500 l’été dernier) pour repousser un peu plus loin ses limites structurelles, ou sur les entraînements à huis clos, une norme imposée par l’entraîneur. Une crise sportive peut rapidement se transformer en crise institutionnelle, c’était presque culturel à Rennes, mais une saison manquée ne doit pas tout chambouler. Si RMC indiquait la semaine dernière que Genesio pensait à mettre les voiles en juin, le club a démenti, et le technicien reste très apprécié par François Pinault. En cas de faillite, la précipitation n’a jamais été la solution, au SRFC comme ailleurs, et il sera cette fois question d’apprendre de ses erreurs et de convaincre tout le monde, au club comme chez les supporters, que l’âge d’or du Stade rennais n’est pas encore terminé.

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