- Ligue 1
- J30
- Metz-Rennes (1-3)
Terrier sort de sa bulle
Depuis le début de l'année 2021, Martin Terrier est sorti de la tanière dans laquelle il avait tendance à se cacher depuis son arrivée au Stade rennais. Impliqué dans dix des treize derniers buts de l'équipe bretonne, l'attaquant de 24 ans s'est encore une fois épanoui en position de numéro 9 lors du succès à Metz (1-3), samedi. Dans un rôle qui semble mieux correspondre à ses qualités, l'ancien Lyonnais réputé pour sa timidité se dit même prêt à assumer un statut de leader technique à Rennes.
Martin Terrier fait partie de ces joueurs qu’on penserait presque retrouver dans chaque liste de l’équipe de France espoirs. Avant de constater qu’à 24 ans, l’attaquant n’a plus l’âge pour s’éclater en sélection avec les plus jeunes, comme il avait pu le faire entre 2017 et 2019 (sept pions en treize apparitions avec les Bleuets). L’été dernier, le gamin du Nord avait décidé de quitter l’OL, un club sans doute trop grand pour lui, et de prendre la direction de Rennes avec l’idée de prendre du galon pour déchirer cette étiquette d’éternelle promesse. « Mon statut ici est différent, assumait-il lors de sa présentation en juillet. Je l’accepte, ça prouve que j’ai évolué, grandi. C’est à moi de prouver les choses sur le terrain. » Trop intermittent, trop discret, pas assez décisif, Terrier aura connu des premiers mois difficiles en Bretagne, avec en prime la Covid-19 pour le freiner à l’automne. Après la grisaille, une éclaircie ? Depuis le début de l’année civile, l’ancien Lyonnais a peut-être trouvé un costume à sa taille pour s’imposer à Rennes, dont il est l’un des hommes forts depuis quelques semaines. Un constat appuyé par une prestation convaincante à Saint-Symphorien, ce samedi après-midi, où Terrier a tiré son équipe vers le haut, dans tous les sens du terme, avec une passe décisive et un but. Vite, la suite.
L’heure de pointe
Ce n’est pas un hasard si Martin Terrier est impliqué dans sept des dix buts marqués (trois caramels, quatre offrandes) par Rennes en 2021. Pas vraiment d’effet Bruno Genesio, qui connaît bien le garçon, mais surtout la conséquence d’un repositionnement comme numéro 9 dans un rôle qui correspond davantage à ses qualités. « Je me sens plus libre au niveau de mes déplacements, a lâché Terrier dans un sourire dans la salle de presse de l’enceinte messine. Je peux allier la profondeur et venir chercher les ballons dans les pieds, combiner… Ce que je fais moins quand je suis sur le côté. Et j’aime bien aussi être présent dans la surface. Les efforts sont différents à ce poste, il faut les répéter sur des petites distances, et j’ai un jeu qui tend vers ça. » À Metz, Terrier a confirmé ce que (quasiment) tous ceux qui l’ont croisé assurent : il est meilleur footballeur dans l’axe. Passeur sur le but de la délivrance pour Doku et buteur sur penalty, l’ex-international espoir a également été précieux dans le jeu, de par ses déplacements, sa disponibilité et ses passes bien senties.
Ci-dessus les ballons touchés par Martin Terrier lors de Metz-Rennes. À l’aise dans son nouveau rôle de numéro 9, l’attaquant a été très mobile dans la moitié de terrain messine, offrant de nombreuses solutions à ses partenaires et participant activement au jeu offensif rennais. (Source : Whoscored)
Après la rencontre à Metz, Terrier a répété ce qu’il avait déjà formulé dans un entretien publié dans L’Équipe, ce samedi : il est polyvalent, mais il n’a pas hésité à faire part à Genesio de sa préférence pour une position plus axiale. « En tout cas, c’est un poste auquel il se sent bien, a admis le technicien rennais. Ça ne veut pas dire que c’est la seule. On peut aussi envisager un autre système avec une association à deux dans l’axe, ou même l’avoir sur le côté gauche où il sait être performant. » Ce qui n’a jamais vraiment sauté aux yeux cette saison, où Terrier avait dû attendre le 9 janvier et la réception de Lyon — un match référence pour Rennes en 2021 — pour voir Julien Stéphan l’utiliser à la pointe de l’attaque bretonne. Pour le plus grand bonheur du directeur technique Florian Maurice, pas insensible à l’idée de voir Terrier s’installer à un poste qu’il connaît bien. « Il doit encore améliorer certains points, même s’il est impliqué sur dix des treize derniers buts, a tempéré Genesio. Ce qui montre qu’il y a une régularité et une implication nouvelle, sachant qu’il avait tendance à être parfois intermittent. C’est une progression à confirmer. »
« Je peux devenir un leader technique »
Au-delà de qualités de footballeurs indéniables, il y a cette personnalité discrète. Martin Terrier n’est pas passé entre les gouttes cette saison quand il s’agissait de souligner le manque de caractère de l’équipe rennaise. Avec lui, on en vient toujours à cette interrogation : ce garçon est-il trop gentil, trop tendre, pour véritablement s’imposer dans ce milieu de brutes ? Il est ici question de s’affirmer, de se faire violence, rien qu’en essayant de célébrer un but avec un peu plus d’entrain, comme Genesio le lui avait déjà suggéré à son époque lyonnaise. Oui, mais Terrier ne cache pas qu’il y a « des choses qu’il ne peut pas changer dans (son) caractère ». « Je pense que ce n’est pas un défaut d’être discret, a-t-il insisté devant les médias ce samedi. Au contraire, ça change. Il faut de tout pour faire un monde. Moi, c’est mon caractère, je suis introverti, mais ça peut passer par le terrain. Je pense que je peux devenir un leader technique. Je ne suis pas trop quelqu’un qui prend la parole dans les vestiaires, je ne suis pas trop partisan des beaux et longs discours. »
Terrier préfère s’exprimer avec un ballon dans les pieds, et personne ne peut le lui reprocher. Mais la tête et les jambes sont souvent liées dans le foot, l’attaquant rennais le sait et il y a même des discours révélateurs. « J’ai un peu tendance à ne pas retenter les choses si j’ai échoué, confiait-il dans L’Équipe avant le déplacement à Metz. Je suis perfectionniste, je déteste l’échec, c’est peut-être lié à ça. Je commence à comprendre qu’il faut passer par l’échec pour réussir. Il me manque cette prise de risque sur des actions individuelles pour être encore plus décisif. » Peut-être le début d’une prise de conscience chez un joueur qui aura trop souvent été fantomatique sur le terrain lors de ses six premiers mois en Bretagne. Après un décevant 1/18 en Ligue des champions, des résultats moyens en championnat, et une tempête institutionnelle en février avec la démission de Julien Stéphan, Terrier a peut-être compris qu’il était temps pour lui de devenir un cadre du Stade rennais, quitte à ce que cela passe par le terrain. Le principal intéressé : « J’aimerais être quelqu’un d’important même quand ça va mal.(…)J’ai envie que mes coéquipiers me cherchent peut-être encore plus, pour tirer toute l’équipe vers le haut. » La parole d’un type prêt à passer la seconde.
Par Clément Gavard, à Metz
Propos de BG et MT recueillis par CG, sauf mentions