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À quoi va ressembler la Roma de Rudi Garcia ?
L'AS Roma connaît enfin son nouvel entraîneur. Il s'agit de Rudi Garcia, qui quitte le LOSC pour embrasser la cause romaine. Après deux saisons d'errance, la Louve doit retrouver un équilibre. Telle sera la tâche du coach français.
Cela aurait pu être Mazzarri. Cela aurait dû être Allegri. Cela a failli être Laurent Blanc. C’est finalement Rudi Garcia. Le Sergent Garcia, comme le surnomment déjà les supporters de la Roma sur les réseaux sociaux. À vrai dire, pour la majeure partie d’entre eux, Rudi Garcia est un parfait inconnu. On sait vaguement qu’il a remporté un championnat de France avec Lille. Ceux qui sont allés piocher dans les archives ont également entendu parler de la montée en Ligue 2 avec Dijon et de la demi-finale de Coupe de France. Mais pour le reste, c’est le flou le plus total. De Rudi Garcia, la presse italienne dit essentiellement qu’il est un apôtre du « beau jeu » . Oui, sauf que le beau jeu, à l’heure actuelle, les supporters s’en tapent. On leur avait annoncé un jeu flamboyant avec Luis Enrique. Échec. On leur avait annoncé un jeu explosif avec Zeman. Échec. Deux saisons au cours desquelles la Roma n’a jamais atteint ses objectifs, passant même à chaque fois à côté de la qualification en Coupe d’Europe. Au final, la dernière Roma à avoir fait chavirer les foules, c’est celle de Ranieri. Et qu’on se le dise, ce n’était pas franchement une Roma devant laquelle on s’extasiait, mais plutôt une Roma efficace, cynique et déterminée. Ce sont ces qualités que les supporters veulent retrouver aujourd’hui. Ces qualités qu’ils vont immédiatement demander à Rudi Garcia.
Benatia comme première recrue
De la sérénité. Voilà, avant tout, ce que Rudi Garcia va devoir ramener dans ses valises depuis le Nord de la France. Une sérénité dont n’a pas franchement fait preuve le LOSC sur la fin de la saison qui vient de se terminer, mais dont le club giallorosso va avoir grandement besoin après le 26 mai et la défaite en finale de Coupe d’Italie contre le rival honni de la Lazio. Une date qui a évidemment tout changé, tant dans les stratégies du club que dans la façon d’envisager la suite. Depuis, les tifosi romains subissent les railleries de leurs cousins dans la Ville Éternelle, et le fait de ne pas avoir d’entraîneur n’arrangeait pas vraiment les choses. Après avoir compris que ni Mazzarri (Inter), ni Allegri (Milan) ne viendraient poser leur arrière-train sur le banc rouge et jaune, ils ont accueilli avec stupeur l’annonce de l’arrivée de Laurent Blanc. Finalement, pas de Blanc, mais un Garcia qui laisse tout autant pantois. Qui est-il ? Qu’a-t-il fait ? Et surtout : de quoi est-il capable dans une ville si particulière comme Rome ? Car c’est bien là le nerf de la guerre : les dirigeants « américains » ont déjà épuisé leurs jokers.
Luis Enrique, Zeman, Andreazzoli, trois coachs se sont déjà succédé depuis leur arrivée il y a deux ans, avec plus ou moins toujours le même refrain. Beaucoup de buts marqués, beaucoup de buts encaissés, un 4-3-3 qui n’a pas donné les résultats escomptés et une valse de joueurs qui peinent à s’imposer sur le long terme. Symbole parmi les symboles, cette saison, les deux meilleurs joueurs de la Roma se nomment Francesco Totti et Alessandro Florenzi, deux joueurs formés au club et romanisti dans l’âme. De là à dire qu’il faut forcément être romain pour réussir à la Roma ? Non, évidemment. Lamela, Marquinhos et Pjanić ont également accompli de très belles choses cette saison, mais se sont souvent décomposés lors des grands rendez-vous. C’est toutefois autour de joueurs comme eux que Rudi Garcia va devoir construire son projet. Les dirigeants romains ont déjà dépensé beaucoup (trop) d’argent lors des deux dernières saisons, et risquent donc de peu investir cet été. Mehdi Benatia, de l’Udinese, a déjà été recruté, et on parle de pistes très chaudes menant vers Nainggolan et le Brésilien Jean. Des recrues intelligentes, plus que des recrues bling-bling.
Du charisme et des épaules
L’arrivée de Rudi Garcia à Rome est évidemment l’occasion d’écrire une nouvelle page. Mais en même temps qu’une nouvelle page s’écrit, une autre pourrait définitivement se tourner. Celle de Daniele De Rossi. Le Capitan Futuro a semble-t-il terminé son cycle à la Roma (sa simulation face au Chievo a irrité les tifosi giallorossi, qui l’ont ensuite élu « pire joueur du match » lors de la finale contre la Lazio) et devrait aller voir ailleurs. Reste à savoir où, et pour combien. Il y a deux ans, sa valeur marchande était estimée à 35 millions d’euros. Aujourd’hui, elle dépasserait difficilement les 20. Or, construire une équipe avec ou sans De Rossi n’est résolument pas la même chose. Rudi Garcia voudrait rapidement connaître le sort de DDR, afin de pouvoir commencer à bosser activement sur son schéma tactique. La sérénité est une chose, l’équilibre psychologique aussi, mais tout cela passe inévitablement par un schéma tactique en béton. La presse et les tifosi eux-mêmes ont pointé du doigt les errances tactiques de Zeman, qui ont coûté quelques défaites retentissantes (4-1 face à la Juve, 2-4 contre Cagliari). Le Bohème avait un projet de jeu, le problème, c’est qu’il n’avait pas pensé que l’on ne pouvait pas faire jouer la Roma en Serie A de la même façon que Foggia en Lega Pro ou que Pescara en Serie B. Pas les mêmes joueurs, et, surtout, pas les mêmes adversaires.
Rudi Garcia, si les tifosi giallorossi ne le savent pas encore, a une vraie philosophie de jeu. Son LOSC a été pendant 5 ans l’une des équipes les plus belles à voir jouer de Ligue 1. Belle, oui, mais pas seulement. Gagnante, aussi. Championne de France en 2011, et vainqueur de la Coupe de France la même année. Son credo ? Valoriser les éléments les plus talentueux (Gervinho, Moussa Sow, Hazard), tout en conservant l’idée qu’un match de foot se gagne à onze. Onze qui attaquent, onze qui défendent. Dans la théorie, bien sûr. Mais va-t-il pouvoir instaurer cela à Trigoria ? Il va bien falloir. La Roma n’a plus franchement de repères, et un nouveau guide lui ferait le plus grand bien, Totti ne pouvant pas endosser ce rôle éternellement. Les joueurs devront le suivre dans sa démarche, aussi bien ceux déjà en poste que ceux qui arriveront cet été. On dit souvent que l’union fait la force. Là, on pourrait plutôt parler d’unité autour du nouveau coach. Attention, toutefois, à la pression. Les supporters ont été suffisamment patients lors des deux dernières saisons. Rudi Garcia a du charisme (plus que Laurent Blanc, ça, c’est sûr), mais en plus du charisme, il faudra avoir les épaules solides. Une défaite concédée avec la Roma n’est pas une défaite concédée avec Lille. Le meilleur coach de Ligue 1 2011 l’apprendra bien vite. En espérant pour lui, évidemment, qu’il en concèdera le moins possible. Mieux vaut pour tout le monde.
Eric Maggiori