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À quoi joue Silvio Berlusconi ?
Non pas que ce soit la première fois qu'on se pose la question, mais Silvio Berlusconi est décidément bien difficile à suivre ces derniers temps. Alors qu'on le pensait assuré de vendre le Milan à l'entrepreneur thaïlandais Bee Taechaubol, le Cavaliere a, plus ou moins, fait machine arrière et relancé les enchères. Échéance repoussée ou véritable écran de fumée ?
Un changement de Massimiliano Allegri, une ouverture d’Andrea Pirlo, et une conclusion d’Alessandro Matri. Voici la façon dont la Juventus est venue à bout de la Lazio, ce mercredi, en finale de Coupe d’Italie (2-1). Une victoire qui a permis à la Vieille Dame, comme tout le monde le sait, de valider un doublé coupe-championnat et de continuer à rêver d’un historique triplé. Même si Silvio Berlusconi aura du mal à l’admettre, le sacre des Turinois ne peut pas être passé inaperçu à ses yeux. Mieux, en fin observateur du Calcio, le président (honoraire) du Milan AC a, sans doute, souligné l’étrange trame du but décisif bianconero. Car c’est de la main de trois ex-Rossoneri qu’est signée cette action symbolique. Symbolique d’une Juve exemplairement gérée et à qui tout réussit, aux antipodes du Milan. Il est peut-être facile de tirer, aujourd’hui, sur l’ambulance lombarde, mais difficile également de nier les bévues commises. Notamment devant les excellentes prestations multipliées par les anciennes ouailles du Diavolo (Darmian, Saponara, Niang…). Un diable que le Cavaliere a trop tiré par la queue – sans jeu de mots, quoique… – au point de le conduire jusqu’aux portes de l’Enfer. Et d’envisager de le vendre au plus offrant.
Négociateur, amoureux et stratège
On avait d’ailleurs quitté Berlusconi, le 2 mai dernier, persuadé de la vente actée – d’une partie – du club. On parlait alors d’un accord de principe du Cavaliere avec l’entrepreneur thaïlandais Bee Taechaubol (à la tête d’un concordat asiatique) pour céder jusqu’à 49% de ses parts et donc rester l’homme fort du Milan. Tout bénef donc. Sauf qu’aucune confirmation officielle n’est tombée depuis. Pis, les rumeurs de repreneurs potentiels ont repris de plus belle, avec Berlusconi, lui-même, dans le rôle de pourvoyeur numéro 1 : « Je préfère ne pas parler de vente. […] Il y a diverses offres qui témoignent de la renommée du Milan en Chine et dans d’autres pays » , a-t-il par exemple lâché, ce lundi, en marge d’une visite à un club de supportrices du Milan. Une volonté de faire monter les enchères ? Sans doute, mais pas uniquement. Berlusconi hésite effectivement encore à lâcher son dada, racheté – et sauvé de la faillite – il y a près de 30 ans, en février 1986. Certainement tout autant par véritable amour pour le club que par opportunisme. Car le Milan est aussi partie prenante de la communication politique de l’ancien président du Conseil italien. Un élément qui pèse très certainement dans la décision de Berlu qui, malgré une situation critique, ne semble pas encore prêt à quitter l’échiquier politique.
Condamnations, acquittement et sondages
Effectivement, la période noire du Milan coïncide avec une trajectoire politique au plus creux de la vague pour Berlusconi. L’année 2015 s’apparente même à un long chemin de croix pour notre homme. Condamné à des travaux d’intérêt général pour une fraude fiscale au sein de son empire médiatique, Mediaset, il a même été assigné à résidence jusqu’au 14 avril dernier et la fin de sa peine. Il reste en revanche inéligible, jusqu’en novembre 2019, en raison de la loi Severino, adoptée contre la corruption. Tout juste peut-il se consoler avec son acquittement définitif, en mars, dans une autre affaire : le « fameux » Ruby Gate. Pas de quoi sauter au plafond – sans jeu de mots, quoique… – puisque Berlusconi est également secoué fortement au sein de son propre parti politique, Forza Italia. Après le départ d’un de ses partisans de longue date – Sandro Bondi – en avril, le député européen Rafaelle Fitto a également claqué la porte, cette semaine. La décision était attendue, mais survient à quelques jours d’élections municipales – dans environ un millier de communes – et régionales partielles – Ligurie, Pouilles, Campanie, Toscane, Vénétie, Marches et Ombrie – programmées le 31 mai. Avec une déroute déjà annoncée par les sondages pour Berlusconi et sa bande, crédités aux dernières nouvelles d’à peine 12 à 14 % d’intentions de vote.
Un baroud d’honneur ?
Coïncidence encore, ce 31 mai verra le Milan achever péniblement sa saison (à Bergame), loin des places européennes pour la deuxième saison consécutive. Berlusconi devrait donc être giflé deux fois, et connaissant le bougre, il y a fort à parier sur une réaction d’orgueil. Selon la Gazzetta dello Sport, Adriano Galliani aurait ainsi déjà été sommé de rapatrier une vieille connaissance, et ami de longue date, à Milanello : Carlo Ancelotti. Le Milan compterait aussi sur un licenciement – avec prime de départ – du technicien italien au Real, pour le convaincre d’un salaire moindre, les contrats de Clarence Seedorf et Filippo Inzaghi courant jusque 2016 pour un coût annuel brut de 9 millions d’euros. Un contact téléphonique aurait déjà été établi entre les deux hommes, même si Carlo a refroidi tout le monde après la victoire 7-3 du Real Madrid ce samedi, en affirmant que « soit il restait l’entraîneur du Real Madrid, soit il prenait une année sabbatique » .
Toujours selon le journal rose, Berlusconi serait prêt à investir jusqu’à 80 millions d’euros sur le marché des transferts, avec comme objectif prioritaire des joueurs italiens comme Andrea Bertolacci. Éternel bras droit, Adriano Galliani s’est, lui, montré très confiant, mardi, lors de l’exposition Football Heroes – Storie di calciatori, organisée à Milan : « On va faire un grand mercato. Quand vous avez une histoire et un prestige comme le Milan, c’est plus facile de rebondir, a ainsi assuré l’administrateur délégué lombard avant d’effectuer une comparaison. La Juve est arrivée septième en 2011, puis a gagné le championnat, la saison suivante. » Pas sûr qu’il soit si facile de suivre le zèbre à la trace.
Par Eric Marinelli