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À quoi joue Ranieri ?
Avec Monaco, Claudio Ranieri est en passe de gagner son pari. Mais au moment où se dispute une demi-finale de Coupe de France cruciale pour son club, il paraît peu probable de voir l’Italien poursuivre à l’ASM. Même fragilisé par les rumeurs incessantes, le « Mister » n’a pas dit son dernier mot.
« Je ne sais pas si je serai le prochain entraîneur de Monaco. » Sourire en coin, voix sirupeuse, allure détendue, teint hâlé, Claudio Ranieri ne se cache pas lorsqu’il s’agit de se projeter dans l’avenir. Alors que le Rocher bruisse de rumeurs en tout genre et que l’état-major russe de l’ASM sonde – à tour de bras – d’éventuels entraîneurs à l’expérience internationale en vue du prochain exercice, l’ancien manager de Chelsea ne se démonte pas et assume cette atmosphère quelque peu malsaine. « Je sais qu’il y a beaucoup de gens qui poussent pour venir ici. » Avec humour, celui dont le contrat court jusqu’en juin 2015 dresse la liste : « Il y a eu d’abord Mancini, Conte, Villas-Boas, Allegri, et maintenant, c’est Simeone… Mais c’est normal parce que tout le monde veut venir ici, je comprends. C’est le football. » Pour autant, en marge de ce point presse mené avec brio et surtout avec prestance, le facétieux Claudio Ranieri a envoyé un message clair à ses dirigeants. Des phrases qu’il a prononcées sciemment à l’intention de Dmitri Rybolovlev : « L’année prochaine, aucun entraîneur ne doit venir à Monaco. Pourquoi ? Parce qu’il faut se souvenir que la saison dernière, aucun entraîneur ne voulait venir ici, seulement moi… Donc j’ai eu confiance en mon président et dans son projet. Maintenant, mon président doit croire en moi. »
Raggi et la Toul’ comme soutiens
Même si rien n’est encore acté à 100% quant à l’avenir de Ranieri, on devine ce match de mercredi soir d’une importance psychologique capitale. Pour tous les dirigeants de l’ASM – Vadim Vasilyev en tête –, il paraît inconcevable que leur club ne remporte pas cette coupe amputée notamment du PSG, de Lyon et de l’OM. « Je veux lutter et gagner » , répète à l’envi l’Italien qui n’a jamais remporté de titres majeurs malgré des passages par des clubs prestigieux comme la Juventus Turin, l’AS Roma, Chelsea, l’Atlético Madrid. Ses joueurs, eux aussi, sont animés par cette soif de victoire. D’ailleurs, alors que la fin de saison se rapproche, difficile de dire que l’ASM a réalisé une mauvaise saison sous les ordres du Mister. D’autant qu’avec une deuxième place quasi acquise et une résistance farouche à l’ogre parisien, les joueurs de la Principauté ont prouvé qu’ils adhéraient au système Ranieri. Le défenseur Andrea Raggi abonde dans ce sens : « Le coach est venu ici l’an dernier, il a remporté le championnat de L2 et cette année l’équipe est deuxième. Donc pour moi, le coach devrait rester parce qu’il a fait de grandes choses. Après, ce qui va se passer, je ne sais pas… » À l’instar du défenseur italien, Jérémy Toulalan est, lui aussi convaincu de la bonne méthode du technicien transalpin : « Il y a des coachs qui autorisent des écarts à certains joueurs et pas à d’autres, glisse le milieu de terrain défensif. Lui, il montre que tout le monde est sur le même pied. Moi, je suis partisan de ça ! Je n’aime pas ceux qui donnent des passe-droits. Avec Claude Puel, c’était pareil, il fallait gagner sa place à l’entraînement. Après, en ce qui me concerne, l’entraîneur fait les choix qu’il pense être bons pour l’équipe. Si demain, je deviens entraîneur, je ne ferai aucun cadeau. Pourquoi ? Parce qu’un coach n’a pas à en faire. »
« Ranieri souffle le chaud, le froid, le tiède… »
Mais ces dernières déclarations ne résonnent pas de la même façon dans tous les tubes du club. En interne, il y aurait comme de la friture sur la ligne. En effet, les choix plutôt abrupts du Mister ne sont pas appréciés par certains cadres du vestiaire. Le cas Abidal, notamment, cristallise les attentions. Envoyé en tribunes sans raison à plusieurs reprises, l’ancien du Barça peine à comprendre cette façon de manager. Le constat est à peu près le même pour James Rodríguez, João Moutinho et – à un degré moindre – Falcao. En novembre dernier, le Colombien avait également exprimé son courroux alors que Ranieri avait décidé de le remplacer en cours de match à Nantes (0-1). C’était alors l’époque de la visière… Un agent, dont le joueur est titulaire indiscutable dans le onze de départ de l’ASM, donne du grain à moudre : « Ranieri souffle le chaud, le froid, le tiède… Avec lui, on ne sait jamais à quoi s’attendre, et pour certains joueurs qui ont déjà un statut, cela ne passe pas. C’est pour ça qu’il se retrouve en difficulté en ce moment. D’ailleurs, de ce que j’entends au travers des discussions que je peux avoir au sujet de Monaco, je ne vois pas comment il pourrait rester la saison prochaine. Sa situation me paraît intenable, et même si son bilan est plutôt très bon ! » Intenable, le mot ne semble presque pas assez fort. Car au-delà de ses soucis de vestiaire, le coach âgé de 62 ans doit aussi composer avec l’instabilité chronique de l’équipe dirigeante du club de la Principauté. Ainsi, l’Italien Ricardo Peccini va prochainement quitter son poste de directeur technique. Son remplaçant naturel ? Luis Campos. Arrivé sur la pointe des pieds en août dernier, ce proche de Jorge Mendes est amené à prendre sa suite. Ce qui ne devrait pas faciliter la tâche de Ranieri puisque depuis plusieurs mois, les hommes entretiennent des relations glaciales.
Dans cette lutte de pouvoir, le Portugais semble partir avec une longueur d’avance. L’ancien adjoint de José Mourinho, devenu conseiller sportif de Rybolovlev et Vasilyev, a pris beaucoup de place en Principauté. À tel point qu’il y a quinze jours, en marge de Monaco – Nantes (3-1), Luis Campos, main soigneusement posée devant la bouche, assis aux côtés de Falcao et de sa compagne Lorelei durant tout le match, a quasiment passé les 90 minutes de la rencontre à échanger avec la star colombienne. Parlait-il du futur projet monégasque ? Des tractations autour de la venue de son ancien coéquipier à l’Atlético Madrid, Diego Costa ? De l’avenir en suspens de Claudio Ranieri ? Pour tous ceux qui suivent l’actualité de l’ASM, il est possible de le penser…
Par Didier Blanchard